Emeutes et incendie de l'Assemblée nationale à Libreville La plupart des opposants à Ali Ondimba Bongo sont d'anciens hauts responsables de l'ancien régime d'Omar Bongo, comme M. Ping lui-même, longtemps ministre avant un passage à la tête de l'Union africaine. «Des ressortissants algériens exerçant dans le domaine pétrolier à Port-Gentil, deuxième ville du Gabon, ont été évacués avec leurs familles», a annoncé le ministère des Affaires étrangères, en ajoutant qu'il suivait «de près» la situation de la communauté algérienne dans ce pays. L'annonce, dans la nuit de mercredi à jeudi, de la réélection controversée d'Ali Ondimba Bongo a provoqué des émeutes et des pillages dans plusieurs villes du Gabon. Le pays se trouvait hier sous haute tension, avec trois civils tués. A Libreville, des opposants sont toujours retenus, des troubles et des pénuries de nourriture menacent, et le pouvoir refuse tout nouveau décompte des voix après la réélection contestée du président sortant. Entre 800 et 1100 personnes ont été interpellées, selon les chiffres du ministre de l'Intérieur. Les stations-service sont fermées, gardées par des militaires, la pénurie de pain menace partout, tout comme celle des produits frais, alors que les transports sont paralysés. Partout, des troubles ont éclaté, avec des barrages improvisés, des incendies d'édifices publics et des saccages de magasins. Un bras de fer oppose Jean Ping qui exige un nouveau décompte des voix et la publication des résultats pour chaque bureau de vote au président sortant Ali Bongo qui s'y refuse catégoriquement, malgré les appels pressants du Conseil de sécurité de l'ONU, de l'UE et de la France alors que le Gabon plonge dans un tourbillon de violences inédit. 27 leaders de l'opposition et de la société civile gabonaise sont toujours sous la surveillance de la gendarmerie gabonaise, depuis l'assaut contre le QG de campagne du rival de Bongo, où on parle d'un «hold -up électoral». Pris à partie par la communauté internationale et l'opposition, le président gabonais rejette la responsabilité des violences qui ont fait trois morts sur des «groupuscules formés à la destruction». «Les élections ont rendu leur verdict (...). Qui a perdu? Un groupuscule dont le seul projet était de prendre le pouvoir pour se servir du Gabon et non servir le Gabon», a accusé le fils et successeur d'Omar Bongo, en visant Jean Ping, son rival à la présidentielle. Apparemment, son maintien au pouvoir coûte que coûte importe davantage que les grands axes de la capitale dévastés, les bâtiments incendiés et jonchés de restes de barricades. A Jean Ping - réfugié dans un lieu inconnu - il a opposé une fin de non-recevoir pour un décompte détaillé des bulletins, comme le réclame aussi la communauté internationale. L'armée a fouillé le QG de M. Ping «de fond en comble», sans doute pour mettre un terme définitif à la révolte. Un des responsables de l'opposition, l'ancien vice-président Didjob Ding Duvungui, qui était avec tout un groupe en attente de transfert au siège de la gendarmerie, n'a pas caché ses craintes. La plupart des opposants sont d'anciens hauts responsables de l'ancien régime d'Omar Bongo, comme M.Ping lui-même, longtemps ministre avant un passage à la tête de l'Union africaine. Mercredi soir, la commission électorale avait annoncé la réélection du président sortant Ali Bongo pour un deuxième septennat, avec 49,80% des suffrages, devant M. Ping (48,23%), 73 ans. Cet écart marginal représente une différence de 5594 voix, sur un total de 627.805 inscrits, dans ce petit pays pétrolier d'à peine 1,8 million d'habitants. Ali Bongo, 57 ans, devrait sa réélection à son score «écrasant» dans son fief familial, le Haut-Ogooué, où il aurait obtenu 95,46% pour plus de 99% de participation. Selon le camp de M.Ping, celui-ci avait une avance de plus de 60.000 voix avant les résultats officiels et contestés du Haut-Ogooué. Le régime d'Ali Bongo se trouvait encore hier sous la pression de la communauté internationale qui appelle à un arrêt des violences et à un nouveau comptage des votes du scrutin. Comme l'opposition, l'Union européenne, la France et les Etats-Unis ont demandé la publication des résultats de tous les bureaux de vote du Gabon (environ 2500). Demande à laquelle Bongo et son camp se refusent absolument, arguant de la loi gabonaise. Une loi à l'image des institutions, taillée sur mesure pour les intérêts du régime qui compte bien s'octroyer 7 ans de «réflexion» aux commandes d'un pays que la famille Bongo gouverne déjà depuis plus d'un demi-siècle! Omar Bongo a dirigé le pays durant presque quarante-deux ans. Un règne sans partage. Au lendemain de la mort du monarque qui ne disait pas son nom, en 2009, son héritier Ali Ondimba a pris la succession, dans des circonstances agitées et, déjà, une forte contestation. 7 ans plus tard, il persiste et signe pour un second mandat qui s'apparente à la goutte qui fait déborder le vase, au risque d'effacer pour longtemps cette carte dont Omar Bongo tirait sa «légitimité»: la stabilité du Gabon. Un pays qui risque de basculer dans les drames vécus par les pays voisins. Mais l'héritier des Bongo n'en a cure et prévient qu'il mettra même une croix sur la Françafrique pour garder son fauteuil. A se demander s'il n'a pas entendu parler de la crise de 2011 en Côte d'Ivoire et du sort de Laurent Gbagbo! Après les émeutes meurtrières au Gabon Le Conseil de sécurité «profondément préoccupé» Le Conseil de sécurité de l'ONU a fait part jeudi de sa «profonde préoccupation» face aux violences qui ont embrasé le Gabon après l'annonce de la réélection du président Ali Bongo pour un deuxième mandat. L'envoyé spécial des Nations unies en Afrique centrale, Abdoulaye Bathily, a présenté un rapport aux membres du Conseil qui se penchaient à huis clos, à la demande de la France, sur la crise politique et les émeutes meurtrières agitant le pays. Les quinze pays membres «ont appelé tous les candidats, leurs partisans, les partis politiques et les autres acteurs à rester calmes, à s'abstenir de tomber dans la violence ou d'autres provocations et à résoudre tout différend éventuel à travers les mécanismes constitutionnels et légaux établis», a déclaré l'ambassadeur de la Nouvelle-Zélande, Gerard van Bohemen, qui tient la présidence tournante du Conseil en septembre. Le Conseil a exprimé «sa profonde préoccupation» et souligné l' «importance d'un processus (électoral) transparent et impartial», a-t-il ajouté. Le secrétaire général des Nations unies Ban Ki-moon s'était quant à lui dit plus tôt jeudi «vivement préoccupé et attristé» par les violences, appelant à une «vérification transparente» des résultats. «La crise électorale, en particulier les incendies volontaires et la réponse disproportionnée des agences de sécurité, a mené à de regrettables pertes en vies humaines et à la destruction de biens», a indiqué M.Ban dans un communiqué, affirmant entendre «la frustration du peuple gabonais et des jeunes en particulier». Le secrétaire général a aussi demandé au gouvernement gabonais de «rétablir immédiatement» les moyens de communication et aux forces de sécurité de respecter les droits de l'homme et de faire preuve de «la plus grande retenue». Il a également appelé les responsables politiques et la population gabonaise à «surmonter leurs différences par des moyens pacifiques, dans l'intérêt de l'unité nationale».