La lutte contre la contrebande des cheptels et le diktat des intermédiaires sont à l'origine de la nette baisse des prix du mouton. Les marchés à bestiaux à l'est du pays enregistrent une baisse considérable des prix du mouton à l'approche de la fête de l'Aïd El Adha. Les prix varient dans plusieurs marchés hebdomadaires de plusieurs wilayas, Annaba, Guelma, El Tarf, Souk Ahras et Tébessa, entre 27.000, 32.000 et 41.000 DA comme plafond pour un beau bélier. Alors que le prix de celui-ci avait atteint l'année dernière entre 38.000 et 75.000 DA. Interrogés, certains éleveurs ont estimé que cette baisse inattendue des prix est due aux contrôles intensifiés au niveau des frontières Est du pays, région passoire pour la contrebande du cheptel, à l'approche de chaque Aïd El Adha. En effet, depuis la wilaya d'El Tarf et jusqu'à Tébessa en passant par Souk Ahras, le dispositif sécuritaire, gendarmerie, ANP et douanes bloque tous les points de passage frauduleux devant les contrebandiers des cheptels, l'un des facteurs de la hausse des prix du mouton. Oum Etboul, Lahdada, Laâouinette sont entre autres points de passage frontaliers légaux, «mais, il existe d'autres passages clandestins que les barons de la contrebande utilisent pour faire passer des centaines de têtes d'ovins vers les pays voisins, la Tunisie surtout», nous dira un douanier du poste frontalier de Bouchebka, dans la wilaya de Tébessa. Situation aux répercussions néfastes aussi bien pour l'économie nationale que pour le pouvoir d'achat du simple citoyen. Ce dernier, sujet de spéculation des années durant, notamment des intermédiaires, en cette occasion de fête religieuse. C'est dire qu'il n'y a pas uniquement la contrebande, qui était, et jusqu'à l'année dernière, à l'origine de la hausse vertigineuse des prix du mouton de l'Aïd. Les intermédiaires aussi sont en grande partie responsables d'une hausse des prix outrageante, de par une marge bénéficiaire dépassant parfois les 5000 DA par tête. Un fait contraignant la plupart du temps, les familles aux faibles revenus à ne pas accomplir ce rituel religieux. Situation face à laquelle le ministère de l'Agriculture, du Développement rural et de la Pêche a décidé de régulariser le marché ovin, notamment en cette période, d'où l'aménagement de points de vente de bétail afin de permettre aux éleveurs de vendre directement aux consommateurs et mettre ainsi fin aux intermédiaires et leur spéculation. Une opération visant non seulement des facilitations accordées aux éleveurs de bétail pour vendre leurs produits directement sans recourir aux intermédiaires et contribuer de ce fait à la lutte contre la spéculation, mais aussi à s'assurer de la bonne santé du bétail, soumis au préalable à un contrôle vétérinaire au niveau des espaces de vente. Sous un autre angle, certains éleveurs considèrent cette baisse du prix du mouton comme une machination politico-économique. Selon des indiscrétions révélées par plusieurs éleveurs de différentes wilayas de l'Est, «cette baisse est destinée à tuer le marché». Les uns parlent de vente de moutons par facilités de paiement. Les autres supposent une importation d'ovins par l'Etat et mis en vente à des prix défiant toute concurrence. Une polémique à laquelle le ministre de l'Agriculture, du Développement rural et de la Pêche, Abdesslam Chelgham, a mis fin lors d'une réunion d'évaluation du dispositif d'encadrement et de suivi de l'opération Aïd El-Adha. «Nous n'avons pas besoin d'importer des moutons pour la fête de l'Aïd car le cheptel national est disponible en quantités suffisantes», avait-il affirmé. En fait, la disponibilité des ovins en nombre considérable est aussi l'autre facteur de la baisse des prix. Néanmoins, il y a certains vendeurs et maquignons qui déplorent la chute libre des prix. Selon eux, cela compromet la saison de vente des ovins. «Voilà un mouton dont le prix réel dépasse les 55.000 DA. On ne m'en offre que 37.000 DA», nous dit un éleveur du marché hebdomadaire de Bouhadjar. De l'avis de plusieurs vendeurs et acheteurs rencontrés dans plusieurs espaces de vente de plusieurs wilayas de l'est du pays, le prix du mouton a beaucoup baissé ces derniers jours. Les premiers déplorent cette baisse dépassant plus de la moitié du prix réel de la bête. «Ce n'est pas normal, des troupeaux entiers retournent à l'étable, faute d'acheteurs désireux de mettre le prix», nous dira ce maquignon de Souk d'El Gantra, dans la wilaya d'Annaba. «Que veut l'acheteur, qu'on lui offre le mouton gratuitement», s'est interrogé l'éleveur qui a mis en avant les dépenses et les sacrifices qu'il a consentis pour les élever. «Nous avons fondé notre espoir sur l'Aïd El Kébir qui, ces dernières années, nous a aidés à faire face aux dépenses de l'élevage tout en arrivant à vivre, malheureusement, cette année cela n'a pas été le cas», devait-il ajouter. Autant de questions resteront sans réponses pour les uns, les vendeurs en l'occurrence, pendant que la baisse du prix du mouton de l'Aïd El Kebir a fait la joie de plusieurs ménages algériens qui pourront accomplir ce rituel religieux, oublié par des centaines de familles, incapables même de faire face aux besoins du quotidien.