L'Aïd El-Adha est à nos portes avec des prix des moutons qui frisent l'indécence et des possibilités financières des ménages mises à rude épreuve avec les dépenses imposées par les vacances et les frais de la rentrée scolaire. A une douzaine de jours de cette fête sacrée, l'achat du mouton est le sujet de discussion de la place publique. La présence de nombreux troupeaux s'intensifie. Elle se caractérise par la création spontanée de points de vente en centre urbain, sous les balcons et dans les garages. En provenance de différentes régions du pays, des vendeurs exposent leurs bêtes au regard de potentiels acheteurs. «Chaque veillée d'Aïd El-Adha, je promène mes moutons de ville en ville et de cité en cité pour les proposer à la vente. Avec une marge bénéficiaire conséquente, j'arrive toujours à m'en sortir. Il faut cependant être patient car si l'écoulement est pour l'heure difficile, la fébrilité des achats va crescendo à l'approche de la date du sacrifice. Il faut surtout prendre en considération que la majorité des acheteurs n'ont pas assez d'espace pour parquer leur bête en toute sécurité avec ce que cela sous-entend en termes d'aliments du bétail à acheter quotidiennement et l'entretien des lieux», indique Mouloud. Ce maquignon d'occasion de la région de Tébessa, a investi toutes ses économies dans l'acquisition d'une cinquantaine d'ovins. Il envisage les revendre aux prix forts. Des dizaines comme lui s'approvisionnent auprès d'éleveurs attitrés qui sans tenir compte du prix de la viande ovine du jour, placent très haut la barre. D'où cette tendance des acheteurs, notamment ceux des habitations collectives, à attendre les derniers jours pour faire leur achat tout en espérant voir dégringoler les prix. Actuellement, ces derniers varient de 30 000 à 35 000 DA, le mouton juste bon pour le respect de cette souna. Ce qui n'est pas le cas pour un bélier dont le prix est fixé à plus de 50 000 DA. «Cette année, les prix des moutons sont très élevés, presque inaccessibles pour les familles nombreuses à faible revenu. Une bête d'à peine 20 kg nécessite 60 000 DA. C'est trois derniers mois avec le Ramadhan, les grandes vacances et la rentrée scolaire, l'achat du mouton de l'Aïd est synonyme de mise à genoux pour les ménages», s'emporte Ali, père de famille, la cinquantaine passée. Cet état d'âme ne fait pas partie du calcul des éleveurs et des revendeurs de moutons, leurs intermédiaires. Ceux-ci veillent à ce que le prix des ovins soit constamment haut du fait de la forte demande. D'autres facteurs contribuent à la hausse proche de la spéculation. Il s'agit des frais de transport, de la location des garages dans les quartiers pour le parcage des animaux, mais aussi la cherté des béliers achetés au début de l'année aux souks et leur engraissement pendant les trois mois précédant l'Aïd. «L'élevage des ovins n'est pas aussi rentable qu'on le pense durant l'année. Son engraissement avec des aliments du bétail et le suivi vétérinaire coûtent très chers. Des éleveurs recourent à des produits d'engraissement illégaux à base de déchets pour prétendre gagner quelques kilogrammes de plus sur la bête. Ce qui impacte sur la qualité, le goût de la viande et présentent des risques de maladies pour le consommateur. Mes moutons proviennent du pâturage. Ils ont des aliments du bétail appropriés d'où leur prix élevé», confie un maquignon. Outre l'achat du mouton et son alimentation jusqu'au jour du sacrifice, les ménagères dépensent beaucoup dans l'achat des ingrédients et des ustensiles de cuisine. Les dépenses ne s'arrêtent pas à ce niveau. Les ménagères doivent également prendre en compte la fermeture des commerces dès le premier jour de l'Aïd pour plusieurs jours. De nombreux métiers se créent avant et jusqu'au premier jour de l'Aïd. Cela va des transporteurs d'ovins, aux aiguiseurs de couteaux en passant par les vendeurs d'ustensiles de cuisine et les loueurs de garages transformés en point de vente de moutons. «Je suis un marchand ambulant. Pendant cette période d'Aïd El-Adha, je me convertis en vendeur de couteaux, braséros, pics à brochettes, tajines. Chaque année, les gens préfèrent acheter un nouveau matériel», témoigne Tahar, aiguiseur. Il a affirmé que le début du mois Dou el Hidja précédent de 10 jours la fête du sacrifice, entraînera, dans cette perspective, un rush sur les moutons à travers toutes les régions du pays.