Un «jeu de rôle» destiné à mettre définitivement l'étiquette d'Etat voyou à la Syrie, se dessine. L'un des demi-frères du président déchu Saddam Hussein, Sabaoui Ibrahim Al-Hassan, sur qui pèse des soupçons le donnant comme l'un des principaux financièrs de la rébellion, a été arrêté il y a trois jours sur la frontière avec la Syrie. Confirmée par le chef du service de renseignement du ministère irakien de l'Intérieur, cette information est de nature à donner un argument supplémentaire aux Etats-Unis qui pointent un doigt accusateur en direction de Damas. De plus, cette arrestation est intervenue à la veille d'une imposante manifestation populaire organisée à Beyrouth par l'opposition libanaise qui demande, ni plus ni moins, que la démission du gouvernement pro-syrien. Lequel est en butte à une campagne internationale menée par les Européens et les Américains, après un amendement constitutionnel voté par le Parlement prorogeant le mandat du président libanais de trois jours. Les Occidentaux, la France en tête, y ont vu une pression de Damas sur un Parlement déjà acquis à la Syrie qui dispose d'une force militaire stationnée au Liban, estimée à 14.000 soldats. A ces deux événements qui compliquent considérablement la situation de Bachar El-Assad depuis l'assassinat de Rafik Hariri, viennent s'ajouter des accusations à peine voilées sur l'implication de la Syrie dans l'attentat suicide perpétré récemment en Israël et qui visait à faire échouer les négociations de paix palestino-israéliennes. En d'autres termes, le régime de Damas fait face à un véritable tir croisé, susceptible de déboucher à terme sur une grave crise dans la région. Déjà, les responsables irakiens, qui faisaient montre de beaucoup de diplomatie dans leur propos sur le voisin syrien, font de moins en moins dans la nuance. En effet, un responsable irakien, le conseiller à la sécurité nationale, Mouaffak Al-Roubaï en l'occurrence, qui a relevé qu' «un peu moins de 30 personnes avaient été arrêtées avec M.Hassan», a affirmé: «Il y a tant de criminels qui commettent des attentats terroristes en Irak et ils sont toujours en liberté en Syrie». Le même responsable enfonce le clou en annonçant qu'«il y en a plusieurs (ex-collaborateurs de Saddam Hussein). Le gouvernement syrien sait très bien qu'ils agissent librement. Mohammad Younès en fait partie», a-t-il indiqué, en référence à un ancien responsable du Baâs, le parti de Saddam Hussein, pour l'arrestation duquel les Etats-Unis ont offert une récompense d'un million de dollars. Un responsable sécuritaire irakien a insisté sur le fait que l'arrestation de Sabaoui Ibrahim Al-Hassan, est imputable aux seules forces de sécurité de son pays, écartant de fait toute coopération syrienne dans l'opération. Hassan figure à la 36e place sur la liste américaine des 55 personnalités les plus recherchées de l'ancien régime. A cette attaque frontale dirigée contre le pouvoir syrien, les déclarations d'hommes politiques libanais d'envergure ne font désormais plus dans le détail. Sans doute encouragé par l'implication de larges couches de la société dans le bras de fer contre le régime en place à Beyrouth, le député et chef druze Walid Joumblatt, principale figure de l'opposition au Liban, a qualifié le régime syrien de «stalinien» et a annoncé son intention de voter une motion de censure contre le gouvernement pro-syrien d'Omar Karamé. «Nous voulons arracher notre indépendance jour par jour, heure par heure. C'est une action de longue lutte. Ce n'est pas facile face à un régime stalinien», a-t-il déclaré, en allusion à la Syrie. Dans un entretien publié lundi dans le quotidien Le Figaro, M.Joumblatt s'affirme contre le report des élections législatives prévues en avril. «Il faut qu'elles aient lieu, même sous la baïonnette syrienne», a-t-il insisté. Du côté des officiels libanais, alors que le vote de censure à l'encontre du gouvernement se déroulait au Parlement, le ministre des Affaires étrangères a assuré que les militaires syriens allaient se retirer du Liban. Seulement la déclaration du ministre se base sur décision de redéploiement des 14.000 soldats syriens vers la région de Bekaâ (est du Liban), annoncée le 24 février dernier par le ministre libanais de la Défense. Une concession qui ne satisfait pas les détracteurs du régime de Bachar Al-Assad qui exige un retrait total de tous les territoires libanais. Une exigence réitérée par le sous-secrétaire d'Etat adjoint américain, en tournée dans la région. Ce dernier a insisté sur l'importance d'un retrait syrien «avant la tenue des élections législatives. M.Satterfield a insisté sur le retrait «total des troupes syriennes, y compris les services de renseignement». Dans ce «jeu de rôle» destiné à mettre définitivement l'étiquette d'Etat voyou à la Syrie, la Grande-Bretagne met son grain de sel. Le ministre britannique des Affaires étrangères, Jack Straw, a fait part d'un «flot continu» d'informations suggérant que des groupes terroristes palestiniens continuent d'opérer depuis la Syrie. Il n'en faut pas plus pour accuser ce pays d'être l'instigateur de l'attentat meurtrier de Tel-Aviv commis vendredi dernier. L'annonce par la Syrie de la fermeture des bureaux des organisations palestiniennes, ne convainc pas pour autant M.Straw, dont le pays organise aujourd'hui la conférence sur les réformes palestiniennes. Il est évident que la Syrie sera au centre des débats.