Pas nous, pas ça », semblaient se dire les Britanniques quand des révélations faisaient état de torture dans les prisons de la coalition en Irak. A son corps défendant, Abou Ghraïb a fini par être connu à travers le monde entier. Et alors que seuls les Américains étaient mis en cause, l'on se plaisait à parler des bons rapports que les soldats britanniques entretenaient avec la population irakienne dans la zone sous leur contrôle. Mais à croire que la torture n'est pas propre à un pays ou à un groupe d'hommes. En effet, la presse britannique a révélé hier que près de 50 militaires britanniques sont soupçonnés de meurtres, homicides et mauvais traitements en Irak, après la mise en détention de trois soldats pour de telles affaires. Des documents militaires secrets, dont l'hebdomadaire dominical Sunday Telegraph a eu communication, montrent que près de trois fois plus de soldats britanniques sont impliqués dans des affaires criminelles que ce qui avait été reconnu par le ministère de la Défense. Ils révèlent notamment deux affaires où des soldats sont soupçonnés d'être responsables de la noyade de deux civils irakiens. L'une des victimes était un adolescent de 16 ans, Ahmad Jaber Karim, mort après son arrestation par trois Irish Guards le 8 mai 2003. L'autre est un berger du nom de Saïd Shabram dont la mort est imputée à un officier et deux soldats qui pourraient être accusés conjointement d'homicide. Dans un autre incident, un militaire appartenant au corps d'élite spécial aérien SAS est soupçonné du meurtre d'un civil irakien, tué par balle le 1er janvier 2004 à Bassorah (sud). Le document précise que les deux supérieurs hiérarchiques du soldat avaient refusé de témoigner contre lui, estimant qu'aucune infraction n'avait été commise et que des poursuites pourraient être dommageables pour le moral des troupes. Ces révélations interviennent après l'annonce vendredi par le chef de l'armée, le général Sir Mike Jackson, de l'ouverture d'une vaste enquête sur des accusations de mauvais traitements commis par des soldats en Irak, et après la condamnation cette semaine de trois soldats par une cour martiale en Allemagne pour mauvais traitements sur des prisonniers irakiens. Un porte-parole du ministère de la Défense a déclaré qu'il ne pouvait pas s'exprimer sur des affaires individuelles, mais il a indiqué qu'il y avait quatre autres affaires, impliquant 18 soldats servant en Irak, qui donneraient lieu à des procès. Il est bien difficile de parler de cas isolés, puisque les services du procureur militaire examinent neuf autres cas, impliquant 30 soldats, pour des infractions diverses allant des coups de feu à des accidents de la route, selon la même source. La question qui se pose comme cela fut le cas pour l'armée américaine, c'est de savoir pourquoi de tels faits ne sont jugés qu'après avoir été portés à l'opinion publique. Cela veut-il dire qu'il y avait une espèce d'impunité, ou encore, de juger des cas et pas une armée ? Par ailleurs, Sabaoui Ibrahim Al Hassan, l'un des demi-frères du président déchu Saddam Hussein, un temps chef du tout puissant service de renseignements et l'une des personnalités les plus recherchées par les Américains, a été arrêté en Irak. Sabaoui Ibrahim Al Hassan figure à la 36e place sur la liste des 55 personnalités les plus recherchées du régime de Saddam Hussein, établie par l'armée américaine. Il avait notamment été conseiller de Saddam Hussein et directeur des renseignements, un poste-clé de l'ancien régime. Deux autres demi-frères de Saddam Hussein, Watban Ibrahim Al Hassan et Barzan Ibrahim Al Hassan, ont déjà été capturés. Sur les 55 personnalités de l'ancien régime recherchées, dix restent en fuite, dont le plus important est l'ex-numéro deux, Ezzat Ibrahim Al Douri, dont la tête est mise à prix pour dix millions de dollars. Saddam Hussein avait été capturé en décembre 2003 près de Tikrit, dans le nord de Baghdad. Sur le terrain, un marine américain a été tué samedi lors d'une opération dans la province de Babil, au centre de l'Irak, a annoncé hier l'armée américaine. Ce décès porte à 1484 le nombre des soldats qui ont été tués en Irak depuis le déclenchement de l'invasion de ce pays en mars 2003, selon les chiffres du Pentagone. De leur côté, les hommes politiques irakiens susceptibles ou voulant tout simplement exercer le pouvoir poursuivent leurs tractations en vue de la répartition des postes au sein de la nouvelle autorité, à commencer par celui de chef de l'Etat brigué par les Kurdes, tandis que celui de Premier ministre est déjà quasiment attribué depuis que les chiites, vainqueurs attendus des élections du 30 janvier dernier, ont désigné leur favori.