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Regard sur "le dernier témoin"
RACHID ADJAOUD
Publié dans L'Expression le 22 - 09 - 2016


Mission accomplie pour Dda Rachid
En compagnie d'Abdelhafid Amokrane, Amirouchène, Hocine Salhi, Rachid Adjaoud a été chargé de rédiger la plate-forme du congrès de la Soummam.
Rachid Adjaoud est cet homme qui n'a pas résisté à la tyrannie coloniale en ralliant le maquis dès son jeune âge, alors qu'il avait toutes les chances de poursuivre ses études après avoir obtenu en 1952 le fameux sésame lui permettant d'occuper une place importante dans la vie européanisée, le certificat de fin d'études. Rachid Adjaoud n'a pas non plus été moulé par le trompeur et alléchant avenir qui s'offrait à ses yeux alors qu'il occupait encore, très jeune, l'honorable poste d'employé municipal à la mairie de Seddouk. Malgré sa beauté, la jovialité de sa jeunesse, la noblesse de sa famille, le défunt ne se rendait jamais en compagnie de Caupert ni encore moins avec quelqu'un d'autre chez Tintin, un tavernier ayant eu l'ingénieuse idée de mettre en place son bar en le collant à la mairie de Seddouk. Son éducation paternelle et religieuse ne le lui permettait pas. Agé à peine de 17 ans, le futur lieutenant de l'ALN et futur secrétaire du colonel Amirouche trancha définitivement son avenir au début du mois d'août 1956 en vendant son âme à la patrie. Aucun de ses collègues avec qui il partageait les somptueux bureaux de la mairie de Seddouk, notamment les employés européens, ne pouvait déceler ce qui se dessinait sur le visage du futur rédacteur de la Charte du congrès de la Soummam lorsque celui-ci avait préparé son «barda» en mettant soigneusement sa machine à écrire dans le sac, attendant la venue de la nuit pour s'enliser dans le massif d'Amalou Sidi Mouffok avant de braver la houle d'oued Soummam.
Au congrès de la Soummam
Le petit répit ne lui a pas été accordé même après avoir atteint l'autre rive d'oued Soummam. Il se met aussitôt à arpenter les sinueuses routes d'Ighzer Amokrane avant d'atteindre le point final dominé par les hommes du colonel Amirouche, le col d'Ifri Aouzellaguen. La traversée a été assumée et sécurisée par les hommes de l'officier politique de la région, en l'occurrence Mohand Akli Naït Kabache d'Ighil Ouansar qui a guidé ladite opération déclenchée à partir du centre-ville colonial de Seddouk, tout comme l'ont fait ses hommes en escortant, dans une discrétion totale, Zighout Youcef et tous les hommes qui ont pris part aux travaux du 1er congrès de la guerre de Libération nationale. En ce début du mois d'août 1956, Rachid Adjaoud ne se souciait pas trop tant que sa vie était entre de bonnes mains. Mais il s'intrigua tout de même lorsqu'il tomba nez à nez avec des hommes dont il ne connaissait rien. Des images qui trottaient dans son esprit des suites des petites informations circulant, pêle-mêle, dans la ville de Seddouk ont fini par le convaincre de passer à l'action, la rédaction des procès-verbaux et les résolutions du congrès de la Soummam. Le futur lieutenant de l'ALN, se rendant compte de la rude épreuve qui l'attendait, est passé à la vitesse supérieure dans son abnégation lorsqu'il prendra connaissance que des hommes de grande valeur se sont tous réunis à Ifri pour décider définitivement de l'avenir de l'Algérie et des suites à donner à la guerre de Libération nationale. Et Abane Ramdane en fut l'architecte. «Il (Abane) venait, discrètement dans la chambre abritant le secrétariat nous remettre des textes rédigés à la main pour les dactylographier». «C'est par la suite que j'ai su que cet homme était bel et bien Abane Ramdane», affirmait Rachid Adjaoud lors de ces conférences qu'il animait. C'est ainsi que Rachid Adjaoud, ayant «trahi» la confiance du maire de Seddouk, Caupert, tout en renonçant à son statut d'employé municipal, a vendu son âme à la patrie en ne trahissant jamais son colonel de toujours, Amirouche ni l'architecte de la guerre de Libération nationale, en l'occurrence Abane, ni encore moins Zighout Youcef, Krim Belkacem, Mohand Oulhadj, Ouamrane, Hmimi Oufadel, Mohand Akli N'Aït Kabache, Hocine Salhi, Abdelhafid Amokrane, Mahiouz, etc. En compagnie d'Abdelhafid Amokrane, Amirouchène, Hocine Salhi, Rachid Adjaoud a été chargé de rédiger la plate-forme du congrès de la Soummam. Abdelhafid Amokrane disait que «Rachid Adjaoud, qui était très cultivé et très intelligent, avait une très belle écriture». Le congrès de la Soummam passé sans aucun incident, le rédacteur du congrès de la Soummam, plus que convaincu de la noblesse de la cause qu'il défendait, est désormais moudjahid de la Wilaya III historique sous le commandement du Lion du Djurdjura, le colonel Amirouche. Adjaoud n'a durant tout le reste de sa vie, pas cessé de rendre hommage à son supérieur. L'humanisme d'Amirouche lui a valu une telle estime. «Lors de nos différents déplacements, Amirouche m'allégeait souvent de la lourde machine à écrire que je transportais sur mon dos», disait-il souvent. Depuis 1956, Adjaoud a vécu et survécu à plus d'un événement. Le capitaine Léger, spécialisé dans la guerre psychologique menée contre la Kabylie, n'a pas réussi à déstabiliser la Wilaya III qui a subi les affres de la Bleuite. Ce fut Rachid Adjaoud, en compagnie de Hmimi Oufadel et Ouamrane, qui a tiré au clair l'affaire de Rosa Tadjer et déjoué le plan diabolique de la Bleuite. Celle-ci, capturée dans l'Algérois, a été débauchée par le capitaine Léger contre l'ALN en l'injectant dans la Wilaya III pour pister Amirouche et ses troupes.
14 généraux français
Les hommes de la Wilaya III, guidés par Amirouche, ont réussi à faire face à l'infernal dispositif contenu dans l'opération Jumelles, guidée par 14 généraux de l'armée coloniale. Mohamed Harbi rapportait la lettre de Rachid Adjaoud adressée au Gpra au début des années 1960. La lettre fait état de l'abandon total auquel a été livrée la Wilaya III. Une telle lettre est controversée par Djoudi Attoumi, qui disait que «nous avons convenu, Rachid Adjaoud et moi, de vérifier l'authenticité de ladite lettre». D'autant que «Mohamed Harbi a cautionné l'exécution du colonel Chabani». Djoudi Attoumi estime que plusieurs chantiers devant aborder l'histoire de la Willaya III sont à ouvrir. Noureddine Aït Hamouda, fils du colonel Amirouche, n'en revient pas dans les égards particuliers qu'il voue à la personne de Rachid Adjaoud ainsi qu'à tous les hommes d'un tel gabarit. «Ces hommes de cette stature constituent la meilleure génération de l'histoire millénaire de notre pays», a-t-il témoigné. Noureddine ne manque pas de projets visant la préservation de l'histoire et l'historicité de la Kabylie. «Rachid Adjaoud m'a appris beaucoup de choses sur la Wilaya III, il m'a énormément expliqué beaucoup de choses», at-il ajouté, avant d'annoncer la création imminente de la fondation du colonel Amirouche. «Dda Rachid Adjaoud devait la présider.» «Dès que cette fondation sera créée, nous lui rendrons l'hommage que mérite Dda Rachid», a-t-il souligné. Athmane Mazouz affirme que «Rachid Adjaoud a été témoin des événements importants dans la lutte des Algériens pour leur indépendance. «C'est tout le monde qui retrace des faits où il a été d'un grand apport à la révolution», a-t-il expliqué, ajoutant que «le défunt était un témoin effectif qui a inspiré pas mal d'acteurs, qu'ils soient politiques ou associatifs dans la préservation des acquis de la révolution et de la lutte des Algériens pour leur indépendance». «Nous retenons de lui l'image d'un homme qui a été fidèle à la voie tracée par ceux qui ont pris les armes en 1954. Il a éveillé les consciences, sauvegardé la mémoire et préservé le combat libérateur», a-t-il conclu. L'homme qui a dactylographié les travaux du congrès de la Soummam s'en va vers un monde meilleur, laissant derrière lui un large pan de l'histoire de la guerre de Libération nationale dans le livre qu'il a intitulé «Le dernier témoin». Le défunt a accompli sa mission. Repose en paix Dda Rachid.


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