L'auteur du livre intitulé Le Dernier témoin, Rachid Adjaoud, ayant fait partie du groupe du secrétariat du congrès de la Soummam, revient sur la réunion historique du 20-Août 1956 qui a jalonné l'avenir du FLN/ALN et celui de l'Algérie. L'Expression: Pourquoi avoir opté pour la tenue du congrès à Ifri? Rachid Adjaoud: Le congrès devait se tenir au départ à la Qalaâ N'Ath Abbès, choisie pour son relief stratégique, sa sécurité et son côté historique. La Qalaâ, située sur une falaise, était le fief d'El Mokrani. La délégation venue d'Alger, comprenant Abane Ramdane, Youcef Benkhedda, Krim Belkacem, est tombée dans une embuscade en arrivant à Allaghen. La mule transportant des documents s'est sauvée en regagnant une ferme appartenant à un colon. Les chargés de la tenue du congrès étaient pris de panique. Le changement du lieu du congrès fut alors décidé. Amirouche, qui était le bras droit de Krim Belkacem, a proposé Ifri. Au départ, il y a eu beaucoup d'hésitations quant à abriter le congrès à Ifri vu que cette région, qui était proche de la route nationale, était entourée de postes militaires. Connaissant la région et ses populations acquises à la cause nationale, Amirouche Aït Hamouda, soutenu par Abderrahmane Mira et Hmimi Oufadel, s'est porté garant en rassurant Krim Belkacem tout en présentant les atouts sécuritaires que recèle la région. Y a-t-il eu des hésitations pour d'autres régions? Ce sont les responsables qui ont décidé de la tenue du congrès à Ifri et non pas des régions, celles-ci n'existaient pas avant le congrès de la Soummam. Aussi, un sujet pareil n'a pas besoin de 50 personnes pour une décision vu la discrétion exigée. Vous étiez directement impliqués dans la rédaction du déroulement du congrès? Toute réunion a besoin d'un secrétariat. Il fallait donc trouver des moudjahidine pour se charger de cette mission. Amirouche s'est démené pour ramener des jeunes. J'ai été contacté par Hmimi Oufadel et Mohand Akli Naït Kabache m'expliquant qu'ils étaient dans le besoin de mes services, sans plus de détails. Au début août 1956, ils m'ont conduit vers la région d'Ouzellaguen. Sur les lieux du congrès, je me suis retrouvé avec trois jeunes, en l'occurrence Tahar Amirouchène, Hocine Salhi et Abdelhafid Amokrane. Pour la rédaction, nous n'avons rien rédigé. Les résolutions ont été préparées et rédigées à Alger. Abane Ramdane, Youcef Benkhedda et Salah Louanchi ont beaucoup travaillé sur les résolutions du congrès. Au cours de la réunion, ils ont soumis tout leur travail à l'assemblée générale à laquelle ont pris part les responsables des wilayas. On portait des modifications en saisissant les points d'accord que les congressistes ont amendés. Une copie de la plate-forme du congrès a été remise à chacun des congressistes. Nous ne savions alors rien de la rencontre. En sortant chaque matin de notre chambre - secrétariat, nous rencontrions Amirouche, Zirout Youcef, Bentobbal, Krim Belkacem, Benaouda, mais sans pour autant savoir qui étaient ces hommes, alors que nous étions dans un congrès d'envergure. Vous avez tout de même senti que la rencontre était très importante? Oui, on sentait la lourdeur de la responsabilité en lisant les résolutions qu'on saisissait. Sinon, les débats se sont tenus sereinement. La garde a été assurée sur l'ensemble des régions d'Ouzellaguen, Chellata, Ath Waghlis. La population locale a assuré toute la logistique à commencer par la sécurité jusqu'à la nourriture etc. Les moudjahidine de Béni Ourtilane, Béni Chebana, Aokas, Bgayet, La Fayette (Seddouk et ses environs), harcelaient tout le temps l'armée coloniale en faisant diversion. Le congrès s'est tenu dans de parfaites conditions sans aucune mésentente apparente. Les délégations, représentant toutes les régions du pays, sont reparties après présentation des armes et honneurs. Quel a été l'apport organisationnel d'Abane Ramdane durant le congrès? Sur le plan organisationnel, Abane Ramdane, a été pour beaucoup. En plus de sa présence très remarquée parmi les congressistes, il venait souvent dans le secrétariat voir la frappe et corriger ce qu'on rédigeait en formulant des petites observations. Abane assurait la coordination même au niveau d'Alger. Je rejoins l'aveu de Hocine Aït Ahmed qualifiant Abane Ramdane d'homme politique expérimenté et organisé sur tous les plans.