Peu d'élections régionales auront été aussi suivies en Espagne: après neuf mois de paralysie politique du pays, les habitants de Galice et du Pays basque votaient hier et certains espèrent que le résultat forcera un déblocage. La Galice, région de modestes pêcheurs et paysans de 2,7 millions d'habitants, fief du chef du gouvernement conservateur Mariano Rajoy, doit dire si elle reste dirigée par le Parti populaire (PP, droite). Au Pays basque (2,1 millions d'habitants), terre industrielle gouvernée par le Parti nationaliste basque (PNV), le PP tente aussi de garder sa petite quatrième place, dans une région encore fortement indépendantiste. Dans les deux régions, le Parti socialiste cherche à sauver les meubles, alors qu'il enchaîne les défaites historiques depuis plus d'un an, pris en tenailles entre la droite et la nouvelle formation de gauche radicale Podemos et ses alliés régionaux. Le tout alors que l'Espagne, quatrième économie de la zone euro, vit depuis fin décembre 2015 sans nouveau gouvernement. Le cabinet de M. Rajoy, au pouvoir depuis fin 2011, ne peut que gérer les affaires courantes et l'inquiétude grandit sur les conséquences de la paralysie sur l'économie, alors que la commande publique est bloquée et qu'aucune nouvelle initiative n'est possible. Des élections législatives organisées le 20 décembre 2015 avaient débouché sur un parlement divisé entre quatre grandes forces politiques: le PP, le PSOE (socialistes), Podemos et Ciudadanos, un parti de centre libéral. Ces formations n'ont ensuite pas réussi à s'entendre pour investir un cabinet, malgré de nouvelles élections, convoquées le 26 juin. Le PP l'avait alors emporté, mais avec 137 sièges sur 350 il doit se trouver un allié pour que son chef Mariano Rajoy puisse être à nouveau investi, sans succès jusqu'à maintenant, les autres lui reprochant sa politique d'austérité et la corruption dans ses rangs. Le PSOE, avec 85 élus, détient la clef: son abstention permettrait à M. Rajoy de gouverner en minorité. Mais son chef Pedro Sanchez le répète à l'envi: «Non, c'est non». Pedro Sanchez envisagerait désormais de tenter pour la deuxième fois de former un gouvernement «alternatif». Il avait échoué au printemps. Il serait disposé, selon ses ennemis, à gouverner en alliance avec Podemos et avec le soutien actif ou passif des élus indépendantistes basques et catalans, contre l'avis d'une partie des socialistes très attachés à la défense de l'unité de l'Espagne. «Si Pedro Sanchez veut gouverner avec 85 sièges, l'extrême gauche et les indépendantistes, c'est une option totalement délirante», a déclaré M. Rajoy en clôturant la campagne en Galice, vendredi soir. «Il est dans une fuite en avant (...) dans une course vers le précipice», a dit le porte-parole du PP Pablo Casado, samedi. Au sein même du PSOE, la crise est ouverte, certains évoquant la possibilité de forcer Pedro Sanchez à la démission. M. Sanchez apparaît de plus en plus isolé, même si, samedi, un dirigeant régional, le Catalan Miquel Iceta, l'a encouragé à rester «ferme». «Au nom de Dieu, délivre-nous», du PP a-t-il hurlé lors d'un meeting. Sa position risque d'être difficile à tenir au lendemain des régionales, si son parti obtient de mauvais résultats et il est dépassé par les alliés de Podemos en Galice et au Pays basque, comme certains sondages le prédisent. Et si en même temps le PP se maintient, la pression serait d'autant plus forte sur le chef socialiste et ses partisans pour qu'ils déclarent forfait et permettent à la droite de gouverner. Si le 31 octobre aucun nouveau gouvernement n'est investi, la Constitution obligera le roi à dissoudre le Parlement et convoquer de troisièmes législatives en moins d'un an, pour décembre. Trois-quarts des Espagnols ne le souhaitent pas, selon un sondage récent publié par le quotidien de centre-gauche El Pais.