Les Marocains votaient hier pour élire leurs députés, dans un scrutin où les islamistes, à la tête du gouvernement de coalition depuis cinq ans, tenteront de conserver la majorité face aux «modernistes». Ces législatives s'annoncent comme un face-à-face serré entre le Parti authenticité et modernité (PAM), formation libérale fondée par un proche conseiller du roi Mohammed VI et aujourd'hui dirigée par Ilyas El Omari, et les islamistes du Parti justice et développement (PJD). Le PJD avait remporté une victoire historique en novembre 2011, quelques mois après une révision constitutionnelle menée par le roi pour calmer le «mouvement du 20 février», né dans le sillage du Printemps arabe. Le PJD, parfois comparé aux Frères musulmans égyptiens (une comparaison qu'il récuse), reste aujourd'hui la seule formation islamiste encore à la tête d'un gouvernement dans le monde arabe. L'arrivée aux affaires du PJD, associé au sein du gouvernement à des communistes, des libéraux et des conservateurs, n'a cependant pas entraîné de grands bouleversements politiques dans le pays. Le roi, chef de l'Etat et «commandeur des croyants», se pose en arbitre au-dessus des partis, et reste, de l'avis des analystes, le seul décideur sur les questions stratégiques, comme l'international, la sécurité et l'économie. Emmené par le Premier ministre Abdelilah Benkirane, le PJD, s'appuyant sur la classe moyenne urbaine et des militants très bien organisés, entend décrocher «un deuxième mandat» pour «continuer la réforme», avec toujours en arrière-plan le «référentiel» islamique. Dénonçant de son côté un bilan «catastrophique» et une «islamisation rampante» de la société, le PAM, implanté plutôt en zones rurales et chez les notables, se pose en «défenseur des libertés» et de la condition féminine.Il s'est fixé l'objectif d'une trentaine de femmes députés dans le prochain Parlement (où elles sont sous-représentées), et propose comme autre mesure phare la légalisation du cannabis. Sur la trentaine de partis en lice, huit ont une audience véritablement nationale et peuvent espérer obtenir un groupe parlementaire, dont la Fédération de la gauche démocratique (FGD). Héritière d'une longue tradition de gauche contestataire en lambeaux depuis des années, la FGD a fait une campagne remarquée sur le thème de la «troisième voie». Le parti Istiqlal, parti historique de la lutte pour l'indépendance, associé jusqu'en 2013 à la coalition gouvernementale du PJD, devrait également arriver en bonne position, car traditionnellement bien ancré dans la société. Près de 16 millions d'électeurs sont appelés à voter pour élire leurs 395 députés, dans 92 circonscriptions et selon un système de liste à la proportionnelle. 4000 observateurs, dont 92 internationaux, ont été accrédités. Le taux d'abstention, très élevé en 2007 (63%), toujours considérable en 2011 (55%), sera l'un des enjeux du scrutin, sachant qu'un tiers du corps électoral n'est déjà pas inscrit sur les listes. Ces législatives signent par ailleurs le retour des salafistes, candidats sous diverses étiquettes, dans le jeu électoral.