La coalition militaire saoudite au Yémen avait tout d'abord nié toute responsabilité dans cette attaque, puis elle a publié un communiqué pour suggérer une enquête à laquelle pourraient même participer les Etats-Unis. Quarante-huit heures après le carnage qui a fait 140 morts et 525 blessés à Sanaa, capitale du Yémen, les regards accusateurs se multiplient qui reprochent à l'Arabie saoudite, chef de la coalition à l'origine de cette attaque, de commettre des actes graves au moment même où certaines capitales occidentales tentent de clouer au pilori les alliés syrien et russe. Riyadh se retrouve ainsi sur la sellette, à un moment inopportun qui place dans un embarras certain les Etats-Unis. Les sources onusiennes qui ont communiqué ce bilan ont fait état de frappes aériennes délibérées ciblant une cérémonie funéraire à laquelle participaient un ministre de l'Intérieur, des personnalités politiques, des responsables militaires et de nom-breux civils majoritairement houthis. Le ton est d'ailleurs monté chez cette communauté en lutte avec la coalition au point qu'une manifestation a rassemblé, dimanche dernier, plusieurs milliers de Houthis aux cris de «Mort aux Al Saoud». Harangués par l'ancien président Ali Abdallah Saleh, allié des rebelles, les Houthis n'ont pas cependant répondu à son appel pour une mobilisation à la frontière saoudienne. La coalition militaire saoudite au Yémen avait tout d'abord nié toute responsabilité dans cette attaque, puis elle a publié un communiqué pour suggérer une enquête à laquelle pourraient même participer les Etats-Unis. Sauf que le bain de sang a entre-temps été dénoncé par Washington, Paris, Londres, Téhéran, Damas et les Nations unies et que, surtout, les Etats-Unis ont affirmé qu'ils vont réexaminer leur soutien à la coalition saoudite qui avait déjà été réduite depuis quelques mois. «La coopération sécuritaire des Etats-Unis avec l'Arabie saoudite n'est pas un chèque en blanc», a ainsi déclaré à titre d'avertissement Ned Price, porte-parole du Conseil de sécurité nationale à la Maison-Blanche. Et au cours d'une conversation téléphonique dimanche, John Kerry, le secrétaire d'Etat américain, a fait part de «sa profonde préoccupation» au vice-prince héritier saoudien Mohammed ben Salmane avant de l'exhorter à «prendre immédiatement les mesures nécessaires pour s'assurer qu'un tel incident ne se reproduise pas». Cette opprobre intervient au moment où l'Arabie saoudite fait face à de sérieuses difficultés économiques et financières induites par la chute des cours du pétrole ainsi que par ses multiples engagements militaires en Irak, en Syrie et au Yémen. Perdant peu à peu son statut de partenaire «privilégié» des Etats-Unis, qui ont résolu la quadrature du cercle pétrolier depuis qu'ils ont abouti à l'exploitation du pétrole de schiste, l'Arabie saoudite constate une détérioration croissante de ses rapports avec le chef de file des pays occidentaux, depuis bientôt deux ans, et le coup de grâce est intervenu avec le vote du Congrès, voici quelques jours à peine, en faveur d'une loi portant indemnisation des victimes du 11 septembre. Un texte qui vise directement Riyadh dont les avoirs aux Etats-Unis sont dé-sormais menacés.