La guerre imposée au Yémen est en train de détruire le plus vieux patrimoine de la civilisation humaine Des contacts inédits entre la coalition dirigée par l'Arabie saoudite et les rebelles chiites au Yémen ont permis un échange de prisonniers et une accalmie à la frontière saoudo-yéménite, près d'un an après le début du conflit. Adam Baron, chercheur au European Council on Foreign Relations, a qualifié ces développements de «significatifs» alors que des alliés de Riyadh s'inquiètent de l'aggravation de la crise humanitaire au Yémen et des activités croissantes de groupes jihadistes dans le Sud où les rebelles chiites ont été chassés l'été dernier. Un caporal saoudien fait prisonnier au Yémen a été échangé contre sept Yéménites, des rebelles chiites présumés, à la faveur d'une trêve humanitaire à la frontière annoncée hier par la coalition militaire arabe qui intervient au Yémen depuis le 26 mars 2015. Cette coalition sous commandement saoudien appuie le gouvernement yéménite en lutte contre les rebelles houthis qui contrôlent encore de vastes régions du nord et la capitale Sanaa. Elle poursuit une campagne aérienne contre des cibles rebelles mais semble enlisée dans ses opérations au sol en soutien aux combattants loyaux au président Abd Rabbo Mansour Hadi, réfugié en Arabie saoudite. «Le prisonnier saoudien, le caporal Jaber Assad al-Kaabi, a été récupéré et sept Yéménites, capturés sur le théâtre des opérations proche des frontières sud de l'Arabie saoudite, ont été remis» à la partie yéménite, a indiqué la coalition dans un communiqué. C'est la première fois qu'un tel échange a lieu entre les Saoudiens et les rebelles. En décembre, les rebelles et les forces gouvernementales avaient échangé plus de 600 prisonniers grâce à une médiation tribale. Selon le communiqué de la coalition, cité hier par l'agence saoudienne SPA, le dernier échange a eu lieu à la suite d'une démarche de dignitaires et de chefs de tribus du Yémen visant à «instaurer le calme à la frontière entre l'Arabie saoudite et le Yémen en vue de distribuer de l'aide humanitaire dans les villages yéménites proches du théâtre des opérations». Le commandement de la coalition a indiqué avoir répondu favorablement à cette démarche et envoyé de l'aide humanitaire au Yémen à travers le poste frontalier d'Alb. Le conflit au Yémen a fait en un an plus de 6.100 morts, 30.000 blessés et provoqué une grave crise humanitaire. La coalition a déclaré «espérer voir la trêve se maintenir à la frontière, de manière à favoriser une solution politique au Yémen, sous les auspices des Nations unies et conformément à la résolution 2216 du Conseil de sécurité». Elle n'a pas fait explicitement mention de la présence de responsables houthis parmi les négociateurs de la période d'accalmie. Mais des sources proches des négociations ont affirmé mardi que les Houthis avaient dépêché une délégation en Arabie saoudite pour négocier une trêve à la frontière, théâtre de fréquents incidents armés. Plus de 90 personnes, dont des militaires et des civils, ont été tuées dans le sud du royaume par des tirs en provenance du nord du Yémen, une région contrôlée par les rebelles qui ont plusieurs fois utilisé des missiles Scud. «Une délégation des Houthis se trouve dans le sud de l'Arabie saoudite pour des pourparlers sur un cessez-le-feu à la frontière», avait indiqué l'une des sources proches des négociations, parlant sous couvert de l'anonymat. «Les pourparlers (avec les Houthis) portent uniquement sur une trêve à la frontière, sans aucun engagement sur les bombardements des zones tenues par les miliciens Houthis», a déclaré une autre source. Ces pourparlers, les premiers depuis le début des opérations militaires saoudiennes, interviennent au moment où l'ONU tente de relancer les pourparlers de paix interyéménites, en panne depuis une première session organisée en Suisse en décembre. Farea al-Muslimi, expert yéménite qui collabore avec l'institut Carnegie, a dit qu'il ne fallait pas se bercer d'illusions quant à une fin prochaine du conflit. Cependant, l'annonce d'hier est selon lui «un pas dans la bonne direction» alors que les Saoudiens, empêtrés dans de sérieux problèmes économiques, «cherchent clairement une porte de sortie» au Yémen.