C'est l'expérience sud-africaine qui a été finalement retenue comme modèle à suivre. Ahmed Ben Bella a invité le charismatique président Nelson Mandela à Alger pour faire part de l'expérience sud-africaine concernant l'amnistie générale instituée dans ce pays après que le plus célèbre prisonnier politique eut pris les commandes de la magistrature suprême. Cette figure de proue qui a fait de l'opposition au régime ségrégationniste de l'apartheid n'en sera que d'un grand apport au projet de Bouteflika qui devra permettre à l'Algérie de «panser ses blessures et colmater ses fissures profondes qui l'ont déstabilisée et failli la faire basculer dans l'anarchie». Ce sont les propos de l'expert international et non moins membre du bureau de la Commission nationale pour l'amnistie générale, M.Serraï, qui nous a révélé cette information au cours du débat à coeur ouvert qui a eu lieu dans les locaux de notre journal. Il nous a révélé également au cours de l'entretien à bâtons rompus que son institution détient un dossier exhaustif ayant trait à l 'expérience de l'amnistie générale en Afrique du Sud et dont son organisme compte s'inspirer. S'il n'a pas avancé de date concernant sa venue, il a néanmoins fait savoir que c'est l'expérience sud-africaine qui a finalement pris le dessus sur celles de certains pays qui ont instauré l'amnistie générale pour sortir de la crise politique qui les étouffait et leur rognait les ailes. Le royaume marocain qui a également instauré l'amnistie générale n'intéresse pas l'Algérie. Il faut signaler que l'Afrique du Sud est un pays qui a connu une tragédie nationale similaire à la nôtre et c'est grâce à la perspicacité et à la pugnacité de son leader que ce pays a pu s'en sortir et devenir un axe incontournable dans le tracé africain et un parangon des plus recherchés et des plus considérés en matière de réconciliation. Il faut rappeler également qu'après l'instauration de la loi amnistiante, des tribunaux populaires ou ce qu'on appelle les commissions de vérité et justice ont été mis en place à l'effet d'opposer les victimes à leurs bourreaux contraints de faire acte de repentance. L'amnistie générale est un procédé auquel ont recours les Etats quant la situation sécuritaire devient inextricable mettant en danger tout l'avenir de la nation. Par définition sémantique, l'amnistie est un acte juridique qui annule des condamnations et leurs conséquences pénales. L'expérience a été faite dans des pays qui ont souffert de guerres fratricides. Dans ce genre de conflits, les responsabilités sont souvent diluées, d'où la difficulté de rétablir la vérité vu que les preuves et pièces à conviction disparaissent comme neige au soleil. Des appareils de l'Etat et des institutions se trouvent impliqués dans des situations déshonorantes. L'Algérie n'est pas un cas isolé sauf qu'elle a connu la plus rude et la plus sanglante guerre sourde qui lui a valu un quasi-boycott du monde et un embargo qui ne disait pas son nom. Aujourd'hui, le concept d'amnistie est différemment apprécié selon que l'on soit pour ou contre le principe lui-même sans parler de son contenu qui est encore dans les limbes. Certains préfèrent que cette loi, puisque c'en est une, soit sélective afin qu'elle ne consacre pas l'impunité et c'est assurément cette problématique que posent les associations qui refusent l'idée en elle-même. Or jusqu'à présent, cette amnistie globale qui devra être soumise à référendum est encore méconnue dans le sens où il n'existe aucun document explicitant ses contours, ni même ses grandes lignes. Le texte en question ne se trouve que dans l'esprit de son architecte. C'est sans doute pour cette raison qu'elle suscite autant d'appréhensions des familles des victimes du terrorisme qui ont peur que leurs bourreaux ne s'en tirent à bon compte sans être jugés au préalable pour leurs crimes. Pour l'expert international, l'urgence est à l'écoute et à la collecte des propositions. «Celles-ci seront transmises à la présidence et c'est aux juristes de dégager le texte final. Notre objectif est de préparer les gens concernés au pardon. Notre pays ne peut avancer que s'il regarde en avant». Les 15 points élaborés en une plate-forme initiale constituant le document de base seront complétés grâce à un travail de proximité. M.Serraï affirme qu'«aujourd'hui les gens ont brisé le carcan de la peur et c'est sans doute l'étape la plus importante à franchir car il y a quelque temps, chacun était muré dans le silence. Les langues commencent à se délier et pour nous c'est le début d'un processus qui libère les esprits et les coeurs». Il a annoncé l'organisation de plusieurs meetings. Celui de Sétif et de Constantine seront d'une grande importance et c'est en éclaireur qu'il se rendra ce jeudi dans ces villes. Les membres de la Commission nationale pour l'amnistie générale comptent appuyer sur la chanterelle en procédant à la collecte des dossiers. Répondant à nos questionnements sur la portée réelle et les objectifs de l'amnistie générale. M.Serraï dira que«je veux donner à cette dernière une dimension nationale et non la cerner dans une vision étriquée. Certains, a-t-il indiqué, réagissent superficiellement au projet. Notre mission est de peser et sous-peser la réaction populaire et c'est à travers les meetings qu'on pourra se faire une idée réelle de l'adhésion des populations. Plusieurs requêtes et doléances nous ont été transmises entre autres, étendre l'amnistie à la réhabilitation des personnalités historiques. On ne peut tourner la page qu'après avoir assaini et purifié les coeurs», a t-il ajouté. Il nous a révélé que son institution effectue un bilan chaque jeudi. Aux juristes de compléter ce travail. La question de la fiscalité a été largement débattue au sein de la commission. «Les petites entreprises et les fermes agricoles ayant contracté des crédits mais ne pouvant les honorer parce qu'elles ont été touchées par le sinistre sont les premières concernées», nous a-t-il expliqué. «Il y a une réelle catastrophe économique». A la question de savoir si cette amnistie fiscale concernera les délits économiques, M.Serraï répliquera sans ambages: «On ne peut pas amnistier quelqu'un qui se pavane à Paris ou à Londres».