L'évidence d'un art exceptionnel transparaît à travers la pudeur illuminée de chacun de ses tableaux qui dit l'Algérie. Imaginons un mur, plutôt un espace vertical sobre mais vivant, car peuplé de signes intelligents, d'où se dégage une douce étrangeté à laquelle nous ne pouvons résister et qui nous envahit progressivement jusqu'à nous faire découvrir, dans un foisonnement de tendresses colorées, la poésie, ou mieux, les poésies de notre pays. Ces peintures sur cet espace sont exécutées de main d'artiste, un artiste algérien, sans doute connu,... il y a longtemps. Je l'ai rencontré, il y a peu, à Paris, au 11e Maghreb des livres. Oui, j'ai retrouvé Mohamed Aksouh, un jeune de soixante-dix ans, calme et méditatif, aux yeux soudain ardents du bonheur intérieur de pouvoir, lui encore aujourd'hui, présenter ses peintures pareilles à des poésies écrites sur des pages d'un livre intitulé Oui, Algérie. Ô combien d'artistes (peintres, écrivains, poètes, dramaturges, chercheurs scientifiques, bâtisseurs de notre Algérie) sont passés, sont restés au passé ! Ô combien furent méconnus même en leur temps ou sont presque totalement oubliés aujourd'hui, sont ignorés par la génération actuelle ! Qui sont-ils donc ces peintres dont on ne dira jamais assez la sensibilité exquise de leur talent et que Mansour Abrous a essayé généreusement de nous remettre en mémoire en écrivant très justement: «De quoi «Le fils du pauvre» peut-il encore s'appauvrir sinon du délestage qu'on lui fait de son Pays et de sa Mémoire. Mais face à l'érosion actuelle du destin national, il y a des intellectuels et des artistes esseulés, soldats solitaires, qui ressemblent de plus en plus à des «passeurs de phrases» et à des «colporteurs d'images». Là où ils se trouvent, en Algérie ou à l'étranger, là où ils créent, là où ils se produisent, là où ils réussissent, les artistes algériens se font un devoir d'ingérence dans la sphère de l'art mondial. Ils font reculer l'isolement de l'Algérie. Grâce à eux, l'Algérie ne décroche pas de l'universel et elle ne se dérobe pas à sa quête de modernité.» (*) Il nous faut retrouver tous nos artistes et leurs oeuvres, les connaître et les reconnaître avant que le temps passe encore et encore et que la mémoire s'étiole et que les zélateurs pleins d'une heureuse ignorance et gavés de stupidité s'emparent de nos trésors et les jettent en grains de luxe à l'exécrable volaille caquetante et servile. Il faut donc se remémorer Mohamed Aksouh, né le 1er juin 1934, enfant de Belcourt-Alger. La dure vie le pousse à l'âge de 14 ans à être forgeron-serrurier. En 1959, il s'essaie à la sculpture et réalise des bas-reliefs en terre, plâtre ou métal, puis il commence à peindre. À l'indépendance, il participe à des expositions organisées à Alger (Galerie 54) et à Paris. En 1965, il s'installe dans la région parisienne et durant l'été, il travaille à Peniscola, sur la côte espagnole où séjournent quelques-uns de ses amis peintres algérois. À partir de 1970, ses expositions personnelles se multiplient avec succès dans plusieurs galeries célèbres des villes de France et d'Europe et...d'ailleurs. La lecture des peintures récentes de Mohamed Aksouh - et plus fortement que les anciennes dont on se plaît encore à déchiffrer l'exorcisme subtil des violences de l'histoire - nous révèle un peintre poète, raisonneur et raisonné, doux de coeur et fragile d'âme : dur l'exil qui dure ! Sa peinture est indissociable d'un expressionnisme inspiré du fonds ancestral berbère et arabe et où domine toujours une lumière fauve et nacrée plus que voile soyeux irréaliste, apaisante et bienfaitrice plus que message incongru briseur de rêve indivis et de lumière aux multiples tonalités. Aussi est-il vrai que «si l'art n'a pas de patrie, les artistes en ont une». C'est par ainsi, dois-je le répéter, que Mohamed Aksouh est considéré, à juste raison, comme le peintre des lumières changeantes où se cristallise toute la tendresse de son Algérie.(*) Les artistes algériens, dictionnaire biographique (1917-1999) par Mansour ABROUS Casbah-Editions, Alger, 2002, p. 3.