S'exprimer par le corps est le propre de ces danseurs à l'énergie débordante de créativité. La salle Ibn Khaldoun a abrité, jeudi, un beau spectacle de danse hip-hop. Deux en fait qui ont donné à voir de belles chorégraphies. El Sabrine est le nom du premier spectacle présenté par la compagnie les Chriki's, un groupe de huit danseurs qui affirment: «Notre école c'est la rue.» Comprendre par là qu'ils n'ont fait aucune école de danse, mais seuls leur amour pour le hip-hop, leur courage et leur pugnacité les ont poussés à poursuivre dans cette voie artistique. Soutenus par les conseils de Kader Attou, chorégraphe de la compagnie Accrorap, ils développent leurs idées jusqu'à maturation en apprenant à «s'exprimer par le corps», comme le souligne Hichem qui se définit comme un danseur professionnel. Lui compte à son actif plusieurs participations à des spectacles hip-hop ici et à l'étranger. C'est l'aîné du groupe et il a la rage de vaincre. Le hip hop se joue en effet en compétition... Sur un travail de recherche musicale basé sur le répertoire algérois (rêve de Mohamed Rouane, Rym Hakiki...), les danseurs dévoilent leur «lutte» en tant que jeunes Algériens pour dire leur énergie positive de vouloir s'imposer en tant que danseurs hip-hop en Algérie. Le second spectacle signé Kader Attou, Douar, fait suite au travail entrepris dans le cadre de l'Année de l'Algérie en France avec une partie de Chriki's. Cela s'appelait Makach Mouchkel (il n'y a pas de problème), justement il y en a, et les jeunes Algériens désoeuvrés tuent leur ennui à s'inventer un nouveau monde, à rêvasser en écoutant dans un coin de rue Zahwania et à se marrer. Comme pour exorciser leurs démons. Les danseurs courent vainement dans l'espoir de rattraper le train de leur vie ou le bateau qu'ils tentent désespérément de suivre. Mais « leguia » comme un pot de colle les empêche d'avancer. Elle est paradis perdu et désillusion. Belles images scéniques où les rythmes alternés - électronique puis violon qui pleure sur leur sort - font ressortir et ressentir toute cette tension dramatique. Pas facile aussi d'assumer une double culture. Kader Attou fait ainsi un clin d'oeil à sa formation originelle, le cirque par ses acrobaties ou par ce tableau théâtral propre à faire amuser le public. Le voyage est le noyau central du spectacle Douar. Celui-ci se termine par une sorte de dédicace à tous les disparus de l'exil. Des noms, des échos, des appels dans le vide, des portraits qu'on brandit. Malgré quelques lourdeurs, le spectacle est intéressant à regarder de par le contenu existentialiste et philosophique qu'il charrie, à travers ces mouvements corporels qui dénotent le mal être et ce, de façon hautement esthétique. Beau «voyage» auquel le public a été convié...