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Dix enfants, dix mille dégâts
LA CHRONIQUE JUDICIAIRE
Publié dans L'Expression le 21 - 03 - 2005

Oyé, oyé, citoyennes, mères de famille au foyer, un appel à la vigilance est lancé depuis les salles d'audiences...
Oui, mesdames et mesdemoiselles, n'ouvrez plus vos portes à des étrangères, vos coeurs, vos oreilles et vos écrins à bijoux. Vous risquez très gros... Les fameuses «gazanettes» et autres «gitanes»... il n'y a jamais eu de répit dans les tentatives d'escroquerie. Naïma, Yasmina, Nadjia, Aziza, Baya, Kheïra, Aïcha, Ania, Latifa, ont été victimes des agissements de Khalti Fatma qui aurait pu s'appeler Hadda, Hoda, disons El Hadja. Cette détenue au physique d'une employée de la fonction publique près de la retraite, avait une spécialité: elle repérait les mères de familles. Elle les repérait du côté de l'oued Kniss (Ruisseau), place Emir Abdelkader, au Ravin de la auvage ou encore à Naïli Med (ex-Vincent Boumati, d'El Harrach).
Elle les suivait jusqu'au pas de la porte de leur domicile. Elle avait l'audace de revenir un peu plus tard, soit le lendemain ou encore en semaine. Elle se présentait devant l'appartement d'une victime. Cette dernière ouvrait la porte: «Bienvenue, El Hadja. Qu'est-ce que je peux faire pour vous, madame?», demandait innocemment la mère de famille qui tend la main vers la boîte de gâteaux que tend El Hadja. Elles s'installent, El Hadja parle mariage. Le stratagème est déclenché. Suivons plutôt le témoignage de Ouardia, Yasmina, Naïma, pour être édifiés sur les agissements de cette femme divorcée, mère de dix enfants, résidante à l'ouest de Bab El Oued. Naïma d'abord, a raconté que khalti Fatma lui avait demandé si elle avait une jeune fille à marier. «Lorsqu'elle m'avait posé la question, un sourire d'ange est venu éclairer son visage complètement serein. Un sourire envoûtant, je le jure. Elle m'a appelée par mon prénom», continue la première victime qui a, en outre, souligné le caractère sérieux de sa question et «l'info relative à l'âge de ma fille». Elle sanglote: «A 35 ans, on est heureux d'avoir un mari pour sa fille. Surtout que Khalti Fatma m'avait informée que son fils se fichait de l'âge. Il l'a voulait de bonne famille...».
- Ok, ok, madame. Venez-en aux faits. Que s'est-il passé exactement ce jour, chez vous ? demande agacée, la juge. Supercherie.
Naïma, comme Ania, Nadjia, dira que la visiteuse avait fixé un bijou que je portais ce jour-là. Elle le trouvait non entretenu. «Elle me proposa alors de le nettoyer, d'en faire un très beau bijou, quoi !, termine la maman...
«Comment a-t-elle su que vous aviez une fille de 35 ans à marier? Et pourquoi spécialement vous ?... coupa le procureur avec l'autorisation de la juge qui avait «senti» que le parquetier dominait le dossier. «Elle m'a probablement vue chez le taleb qui m'avait prescrit un talisman en vue d'éloigner le mauvais oeil. Il faut bien que ma «petite» fonde un foyer». «Bon, bon, madame, nous avons une longue liste de victimes», tonne la magistrate qui a laissé le murmure de l'assistance courir entre les bancs de la salle d'audiences.
Seul Me Tlilli resta de marbre. Cela ne l'amusait pas. Il attendait plutôt le moment, le bon moment, pour plaider au bénéfice des victimes.
Zohra, quant à elle, a dit au juge que Khalti Fatma lui avait demandé «des nouvelles de ma tante paternelle qu'elle disait bien connaître. Elle m'avait mise en confiance», a récité la victime avant de l'informer qu'elle avait un bon parti pour elle et de lui proposer de réparer les bijoux cassés. «C'est ma spécialité», avait assuré la femme escroc qui prendra un petit lot de bijoux et disparaîtra dans la nature, me laissant rassurée sur le sort de mon bien.
«Et vous avez remis vos bijoux à une femme que vous n'avez jamais vue?», questionne la présidente avant de donner la parole au procureur qui a, tout de go, lancé que la femme algérienne aime par priorité et par-dessus tout ses bijoux, ses enfants et son mari.
«Cette femme qui ne peut élever le ton aujourd'hui a eu raison de la naïveté de certaines mères de famille qui n'ont pas encore compris les basses manoeuvres d'inconnues aux desseins connus», a marmonné le parquetier qui a réclamé une peine sévère et exemplaire: «Quatre ans ferme».
La bonne dame baisse la tête. Son avocat, lui, lève la tête et en vingt lignes demande la clémence du tribunal pour cette malheureuse divorcée, mère de dix enfants, donc trente bouches à nourrir (petit déjeuner, déjeuner et dîner). «Et puis, Monsieur le président, les victimes ne sont pas des gamines. Elles se sont laissé faire en toute connaissance de cause», a encore souligné le conseil qui a rappelé que la loi ne couvrait pas les idiots et les naïfs. Le dernier mot de Khalti Fatma a été: «Laissez-moi rentrer auprès de mes enfants». Elle ne pleure pas, remarquez.
La présidente ne veut pas rendre le verdict sur le siège. Elle préfère encore la réflexion. Elle avait pris la bonne décision, car en se penchant mieux sur le dossier qu'elle avait mis en examen, elle découvre que l'inculpée avait aussi falsifié sa propre identité et ce, grâce à Me Tlilli. Khalti Fatma n'était pas elle. Qui est-elle? On reprend tout à zéro. En attendant, l'inculpée Khalti X... reste en taule, le temps des investigations...


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