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Balufu Bakupa Kanyinda (Cinéaste)
« Il manque la foi en soi »
Publié dans El Watan le 18 - 10 - 2007

Sympathique, philosophe aussi, le réalisateur est surtout très imprégné d'une histoire dont il se sent responsable. Né le 30 octobre 1957 à Kinshasa, le réalisateur congolais Balufu Bakupa Kanyinda a étudié la sociologie, l'histoire et la philosophie à Bruxelles avant de se former au cinéma en France, en Grande-Bretagne et aux Etats-Unis. Ecrivain et poète, il a signé des textes de réflexion sur le cinéma africain et il enseigne le cinéma. En 2006, il a été invité par la New York University à professer sur le campus ouvert à Accra, au Ghana. Il a réalisé plusieurs documentaires, dont Dix mille ans de cinéma (1991), Thomas Sankara, l'espoir assassiné (1991), Bongo libre... (1999) et Afro@digital (2002), ainsi que des courts métrages tels que Le Damier – papa national oyé ! (1996) et Article 15 bis (1999). Il a obtenu de nombreux prix et mentions dont celui du Meilleur court métrage du Sud, Namur, (1998), le Tanit de bronze des Journées cinématographiques de Carthage (2000) ou le Prix du public - meilleur court métrage au Festival des films africains, Angers (2001).
Etes-vous habité par le juju, comme votre personnage dans le film ?
Oui, je crois à la foi, ma foi, la foi en soi tout simplement. Le juju, ce n'est rien d'autre. C'est croire en quelque chose, et dans le film Juju Factory, c'est l'usine : comment usiner sa propre foi ? A la fin, la question est posée : avoir foi en soi ou rester debout dans le chaos de l'histoire. Qu'est-ce qui manque à l'Afrique qui nourrit le reste du monde ? La foi en soi ! Certains croient en le christianisme, d'autres en leurs mosquées et pour l'Afrique, il manque la foi en soi, c'est tout. Croire qu'on peut commencer par se nourrir soi-même, c'est ça le juju dans le film. Le juju est dans la tête, dans le corps qui devient l'usine de la foi. La philosophie chrétienne, celle de Hegel, avait séparé le corps de l'âme, mais l'âme est dans le corps et le corps porte l'âme. Le juju est dans son usine.
Pensez-vous que la foi peut tout régler ?
Bien sûr. Ho Chi Minh a dit : « Nous gagnerons cette guerre parce que notre cause est juste. » C'est la foi. Les Américains ne gagneront pas en Irak parce qu'ils n'ont pas la foi, leur foi est dans le dollar. Il faut croire en notre place dans l'humanité, croire en notre histoire, croire que la terre du Congo qui a porté Patrice Lumumba est une terre de grandeur,
Le film est une métaphore sur la création en exil, il y a une part de vous…
Oui, une grande part. Il s'agit pour moi d'un exil culturel et non politique. C'est dramatique d'aller étudier très loin, de prendre un avion pour aller à l'école, de quitter sa mère, sa terre. Au début, on ne s'en rend pas compte, et puis, au fur et à mesure, on prend conscience de certaines choses, notamment la colonisation zaïroise, Mubutu qui n'est que la façade du colonialisme. Ce sont des moments très durs où je me suis dit, je n'ai pas de pays. Moi, je n'ai jamais souhaité changer de nationalité. Je suis né Congolais et je mourrai Congolais. Si je changeais, j'aurais l'impression de trahir Lumumba, mon pays, l'Afrique. Mais ça, c'est moi, ça peut être une décision non rationnelle. Dans le film, je reprends une citation de Victor Hugo (Les Méditations) : « L'exil est un champ de ruine, seule reste debout la cathédrale. » Donc la foi. Même lui avait le juju. L'exil ne finit jamais, j'ai vécu les deux tiers de ma vie en exil, ça finit avec la mort, c'est inévitable. Ce qui a été dur, c'était d'être assis à regarder son pays, son peuple, se faire détruire par Mubutu et sa bande. Je ne pouvais pas y aller parce que j'avais un passeport de réfugié.
Mais vous allez souvent dans d'autres pays d'Afrique…
Oui, j'enseigne en Zambie, en Afrique du Sud. Et je passais toujours au-dessus de ma terre, de mon pays… Jusqu'à l'arrivée de Kabila, en 1996, quand j'ai réalisé Les Damiers, j'étais au bord de la folie. La mort de Mubutu m'a libéré. Je dormais tous les jours avec la radio, espérant entendre cette nouvelle et le jour où c'est arrivé, j'étais dans un avion ! J'allais présenter mon film à Toronto et quand je suis descendu d'avion, des journalistes m'attendaient pour m'interviewer et j'ai dit : « On ne pleure pas la mort d'un chat. » Je me suis sentis heureux, je ne fêtais pas la mort d'un homme, c'est l'un des miens malgré tout et il fait partie de ma responsabilité. Mais j'avais l'impression que même lui était libéré du mal qui l'habitait, qu'à la fin de sa vie, il s'est regardé dans un miroir et s'est dit : « Qu'ai-je fait à mon peuple, à l'Afrique ? » Dans Juju Factory, la même question revient : « Qu'avons-nous fait de bien, qu'avons-nous fait de nous-même ? » Mais il ne faut pas confondre l'exil et l'émigration. C'est un choix, non pas de vendre ses muscles, mais de se mettre un peu à l'écart.
Depuis que vous êtes retourné dans votre pays, pensez-vous y faire quelque chose pour le cinéma ?
Bien sûr. Pas une école de formation, mais plutôt des sortes d'ateliers. On a beaucoup de retard, culturellement parlant. Je compte y tourner mon prochain film et former tous ceux qui travailleront avec moi. Pour Juju Factory, en dehors de moi et du directeur photo, Olivier Pulinckx, déjà professionnels, tous les autres je les ai formés. J'aime transmettre, mais on ne transmet pas le métier en soi, on transmet l'intuition, l'esprit.
Le spectre de Lumumba hante le personnage central du film. Comme vous...
Je n'en suis pas sorti. Et le Congo ne s'en sortira jamais s'il ne règle pas la question de Lumumba. Nous avons des comptes à rendre à nos ancêtres. Quand l'un de nous meurt, on lui donne une sépulture. Or le plus grand d'entre nous n'en a pas. On est dans le chaos. Quand une société ne respecte plus ses règles, c'est le chaos. Je participe à faire prendre conscience de ça. D'ici à 2011, je pense que nous pourrons enterrer Patrice Lumumba, le ramener à la maison et lui dire : « On t'a fait trop de mal, tu as longtemps erré, on ne t'a pas donné le chemin pour retourner au village des ancêtres, maintenant, voilà ton chemin. »
Votre long métrage est chargé de littérature…
Moi, je viens de l'écriture et c'est mon écriture qu'on retrouve dans le film. Je n'ai jamais publié parce que j'ai eu des difficultés. J'ai eu un contrat à Paris, mais j'ai laissé courir, parce qu'on voulait réécrire mon livre pour les Français, un peu comme dans le film. D'ailleurs, il est conçu comme un livre, comme si on tournait des pages.
Comment vous est venue l'idée de le faire ?
En 2004, j'étais au Gabon, j'étais sur un autre film. Puis cette idée m'est venue. En fait, tout existait déjà, je n'ai fait que le porter sur l'écran. Je suis parti à Bruxelles, chez un cousin, et j'ai commencé à écrire Juju Factory. Plus tard, alors que le film était déjà mixé, je me suis rendu compte qu'une pièce n'était pas à sa place. J'ai presque tout refait au montage.
Comment qualifiez-vous votre cinéma ?
Je dirais plutôt que je raconte l'Histoire. C'est ça mon cinéma. J'aime les films qui dérangent, dans le sens philosophique, le genre de films qui donnent à réfléchir après. C'est ce cinéma qui m'intéresse. Cette petite place de gens désargentés, cette petite fenêtre que nous laisse Hollywood, je la prends. Il y a peu de temps, j'ai refusé de faire un film avec dix millions de dollars, parce qu'on m'a parlé de l'argent et pas du film et puis, on voulait que je le formate pour le public américain. J'ai répondu que je n'étais pas formatable. On n'a pas le même rêve. Moi, j'aspire à bien vivre dans le confort, mais je ne rêve pas de devenir milliardaire, je le suis déjà dans ma tête. Mon cinéma n'est pas hybride, il ne parle pas aux Français. Il me parle à moi d'abord et, comme je suis un humain parmi les humains, il parle donc à tout le monde. Je ne peux pas faire du cinéma africain avec des thèmes rabâchés, délavés… Le cinéma n'est pas thématique, il est narratif. C'est une illusion, une représentation, c'est le génie même de l'art. Pourquoi faire un film sur la misère, il n'y a que des gens qui sont pauvres dans leur tête. Or l'Afrique n'est pas pauvre.
Il s'agit d'une « petite production extra-indépendante » selon vos dires, n'avez-vous pas trouvé de financements européens ?
Ce n'est pas le genre de films qu'on finance. On trouvait que ce n'était pas un film africain parce qu'il n'a pas été tourné en Afrique ! J'en ai entendu d'autres. J'ai donc choisi de le produire seul, avec les moyens du bord. J'ai convaincu toute l'équipe de s'investir et le film marche bien. Iil n'est pas sorti en salle mais on le loue très cher et il a déjà payé presque la moitié de ses dettes.
Comment êtes-vous arrivé au cinéma ?
Par la narration. J'aime raconter des histoires. C'est mon désir de raconter le Congo, l'Afrique, je fais ce cinéma pour ça. Avec l'écriture, j'ai été déçu. Enfin, par l'édition. Et puis j'ai compris une chose : l'écriture ne parle pas aux Africains, alors que l'image, si.
Connaissez-vous l'Algérie ?
La dernière fois que j'ai vu Alger, c'était le 28 février 1991. Je m'en souviens très bien, le jour de la première capitulation de l'Irak au Koweït. C'était une journée assez triste. A Alger, il y avait des manifestations d'islamistes tout de blanc vêtus. C'était impressionnant. Sinon, j'aime l'Algérie. J'appartiens à la Tricontinentale et Alger était sa capitale. Quelles que soient les déroutes ultérieures de l'histoire, l'Algérie reste très importante. Le peuple algérien est admirable dans l'histoire des révolutions et surtout dans l'histoire des poètes. Il ne faut pas oublier Kateb Yacine. Qui n'a pas lu Nedjma, n'a pas lu la littérature. Un pays qui a porté Kateb Yacine ne peut pas être un petit pays. Les Algériens doivent être fiers de l'avoir porté sur leur terre. Au-delà de toutes les révolutions, il est la plus grande. Il représente tout l'édifice de l'intelligentsia, de l'intellectualisme, de la révolution algérienne, africaine, parce que l'Algérie est complètement africaine.


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