Un preux combattant Revenant de Tunisie, il tombe au champ d'honneur, le 7 décembre 1959, en Wilaya II historique, au cours d'un accrochage avec l'ennemi. Gloire éternelle à Si Abdelkader et à tous les martyrs de la révolution. Abdelkader El-Bariki a eu un long parcours en Wilaya III historique où il se révéla un chef valeureux et exceptionnel, un preux combattant qui a bâti sa réputation en remportant des victoires et en récupérant des armes au cours des nombreux accrochages qu'il avait, avec sa compagnie d'élite, engagés sans répit contre l'ennemi. Il a été dur avec ses hommes, comme avec lui-même quand il s'agissait de discipline, mais singulièrement attentionné à leur égard en veillant à ce qu'ils ne manquent de rien. En le faisant venir auprès de lui, en Wilaya III, à son retour de la mission qu'il avait effectuée, en octobre 1956, dans les Aurès, le commandant Amirouche lui confia le commandement de la Région 4, zone 3 (devenues, respectivement, Région I et zone 2 en 1958) avec le grade de sous-lieutenant; une région fortement marquée par la présence d'une population en majorité dominée par les messalistes qui avaient manifestement besoin d'un homme à poigne afin de mettre de l'ordre et de l'intégrer dans la lutte de Libération nationale sous l'étendard du FLN. Quelque temps après, il est nommé chef de compagnie en zone I (rive droite de la Soummam) avant de rejoindre, un peu plus tard, la zone 2 où, en sa qualité de chef militaire, il se distingua alors en participant, à travers toute l'étendue de la rive gauche de la Soummam, à des actions militaires organisées par les unités combattantes des quatre régions de la zone. En certaines occasions, il fait preuve d'initiative en se rendant, seul ou avec un groupe de combattants, aux abords des postes militaires, pour attaquer l'ennemi et maintenir chez lui un climat permanent d'insécurité, notamment en allant surprendre les sentinelles d'Ighzer Amokrane ou bien celles de l'Azib Ben Ali Chérif qui, inlassablement, surveillent à la jumelle la contrée environnante depuis le mirador pour signaler le moindre mouvement suspect aux artilleurs qui s'empressent d'envoyer une salve d'obus. C'est pourquoi il lui faut agir pour les neutraliser. Une cible qu'il rate rarement Il faut savoir que Si Abdelkader a élu domicile au village d'Ath Chila, au douar Ouzellaguen, où il réside avec son épouse depuis 1958. A cet égard le hasard a voulu que l'hôpital de l'ALN soit implanté dans ce même village, une excellente occasion pour lui de rendre visite aux malades chaque fois qu'il vient séjourner auprès de sa famille. C'est pour nous un immense plaisir de le recevoir et de découvrir, en lui, un homme admirable, affable et prévenant, particulièrement envers les malades et les blessés dont il se sent très proche, et avec qui il converse durant de longues heures. Militaire incontestable Chef militaire d'une grande popularité, ses hauts faits d'armes ne se comptent plus et le distinguent de certains chefs militaires jugés moins offensifs. Ces qualités ont, de toute évidence, accru sa popularité parmi les djounoud, ses supporters les plus ardents, comme le furent celles de ses pairs prestigieux, à l'image de Chaïb Mohand Ourabah, Lahlou Hocini, Mohamed Zernouh, et bien d'autres figures de légende tombées au champ d'honneur, les armes à la main. D'aucuns estiment, néanmoins, que Si Abdelkader El Bariki fut un chef militaire incontestable qui n'avait pas encore montré suffisamment d'aptitudes dans le domaine politique pour gagner la population à la cause nationale, dès lors que cette qualité morale ne convenait nullement à son tempérament de chef militaire enclin à user de la force brutale pour atteindre ses objectifs. Or, ces affirmations singulières sont loin de refléter la réalité et le récit qui va suivre leur apportent un démenti formel. En plus de la guerre que Si Abdelkader déclarait aux sentinelles, il lui arrivait aussi, avec ses djounoud, de dresser très tôt le matin un barrage sur la Route nationale reliant Sidi-Aiche à Akbou, en vue d'intercepter les conducteurs téméraires qui, en raison de l'urgence, empruntent en solitaire cette voie dangereuse pour traverser la vallée de la Soummam, au lieu de se joindre au convoi de véhicules civils escortés par les militaires. Une vallée où règne l'insécurité et dont la réputation de coupe-gorge avait dépassé les frontières de la Wilaya III, au point que l'ennemi, en proie à moult revers et aux dures épreuves qu'il ne cesse de subir, l'a surnommée «la vallée pourrie». Pour le barrage d'aujourd'hui, le choix de la date et du lieu où il sera dressé coïncide avec l'anniversaire de l'armistice, signé le 11 Novembre 1918, marquant la fin des combats de la Première Guerre mondiale et célébrant la victoire des Alliés et la défaite de l'Allemagne. Si Abdelkader et ses djounoud ayant déjà, très tôt le matin, occupé la Route nationale entre Takriets et Ighzer Amokrane, au lieudit Bouthaghout, sont surpris lorsque surgit, soudain, au détour d'un tournant, un camion civil roulant à vive allure et arborant, bien en vue, le sigle de «Café Nizière». Une aubaine pour nos combattants qui l'immobilisèrent sans encombre, avant de découvrir, tout étonnés, qu'il transportait, non pas du café, mais une dizaine de personnes. Qu'allons-nous faire de vous maintenant? Il s'agit d'anciens combattants venus des localités environnantes. Habillés de neuf, ils arborent fièrement leurs médailles accrochées sur leurs poitrines et multiplient les saluts en direction des militaires, croyant avoir affaire à des soldats français. Mais, après s'être rendu compte de leur méprise, ils sont alors saisis de peur craignant de recevoir un châtiment exemplaire. Le conducteur quant à lui, est dans le même état d'esprit que ses compagnons. Interrogé, il assure, pour se défendre, n'être qu'un pauvre employé que son patron a chargé de conduire jusqu'à Akbou ce groupe d'anciens combattants pour prendre part à la cérémonie marquant l'anniversaire de l'armistice. Après les avoir fait descendre du véhicule et alignés au bord de la route, Si Abdelkader les rassure, en promettant, qu'il ne leur sera fait aucun mal. Puis, par des mots simples, mais fermes, il s'adresse à eux en ces termes: «Hier, vous aviez combattu pour libérer la France de l'occupation allemande. Sachez qu'aujour- d'hui, cette même France, que vous aviez servie avec dévouement, est notre ennemi. Elle nous fait la guerre, occupe notre pays et asservit notre peuple. Nous la combattons maintenant depuis quatre ans, en vue de mettre fin au système colonial et pour arracher notre indépendance. La question qui se pose est: qu'allons-nous faire de vous maintenant, sachant que votre venue, aujourd'hui, pour fêter la victoire aux côtés de notre ennemi, est un engagement volontaire et un choix politique condamnable? Nous n'allons pas vous éliminer mais, par contre, nous faisons appel à votre conscience afin de vous ressaisir en faisant un choix ferme et définitif: «Etes-vous avec l'Algérie combattante pour libérer le pays, ou bien avec la France coloniale pour perpétuer sa domination?» Réfléchissez bien et gardez votre réponse. Libre à vous, maintenant, de choisir entre ces deux alternatives: vous rendre à Akbou pour participer à la cérémonie, en vous couvrant de honte et en déshonorant vos familles? Dans ce cas de figure, il vous faudra alors vous y rendre à pied, en suivant la route jusqu'à Ighzer Amokrane, distant de plusieurs kilomètres, ou bien alors rebrousser chemin et rentrer chez-vous dignement en vous engageant à adhérer à notre combat. Quant au véhicule appartenant à un colon, connu dans la région, il sera détruit.» Quelques jours après, nous avons appris, avec satisfaction, qu'ils ont fait preuve de repentir en choisissant, finalement, de rebrousser chemin et de rejoindre leurs familles. Le discours imposant, qu'il leur a tenu, a donc porté ses fruits dans la mesure où ils ont retenu la leçon après avoir pris conscience de leur égarement. Voilà comment, Si Abdelkader El-Bariki a réussi à démontrer superbement à ses détracteurs qu'il maîtrisait parfaitement le domaine politique. Après la disparition du colonel Amirouche, il quitta alors la Wilaya III pour se rendre en Tunisie où il séjournera quelques mois. A son retour, il tombe au champ d'honneur, le 7 décembre 1959, en Wilaya II, au cours d'un accrochage avec l'ennemi. Gloire éternelle à Si Abdelkader et à tous les martyrs de la révolution.