Le cinéma arabe à la croisée des chemins «Le cinéma arabe ne va pas bien. Neuf films ont été présélectionnés aux Oscars, mais aucun n'est arrivé dans la short list. Pourquoi?», a déclaré le directeur artistique Mohamed Allal. Alors que les projections des films arabes présélectionnés aux Oscars 2017 se poursuivaient encore à la base du 5-Juillet 1962 de l'Entreprise nationale des grands travaux pétroliers (GTP), un point de presse animé par les organisateurs des premières Rencontres cinématographiques de Hassi Messaoud et les différents invités arabes a eu lieu mardi dernier. Cette table ronde devait aboutir à une plateforme d'idées devant soutenir les pays arabes et les aider à trouver les mécanismes et les solutions pour sortir de la crise. «Le but de cette conférence est l'évaluation des films présentés dans ce festival, mais aussi aborder le rôle de la coproduction», dira le coordinateur de ces journées, Hassen Ben Zerari. Et le directeur artistique, Mohamed Allal, de déclarer: «Le cinéma arabe ne va pas bien. Neuf films ont été présélectionnés aux Oscars, mais aucun n'est arrivé dans la short list. Pourquoi? Chacun est invité à apporter son point de vue. La finalité de cette table ronde est de sortir avec des recommandations.». Prenant en premier la parole, le réalisateur algérien Lotfi Bouchouchi évoquera son récent voyage aux USA. «Je l'ai dit à maintes reprises, il y a deux conditions pour qu'un film réussisse: il faut que ce soit un beau film mais le plus important c'est l'argent qui l'accompagne pour sa promotion. C'est au moins 60.000 dollars pour dire que tel film est passé au USA. Pour la première phase, il faut au moins 200.000 dollars pour qu'il reste un mois aux USA, afin qu'il soit présenté et qu'il puisse rencontrer la presse. Sans cet argent, ce n'est même pas la peine d'y aller. Le nerf de la guerre, c'est l'argent. Dans les festivals il y a des jurys. Aux USA sans promotion pas la peine d'y aller.». La réalisatrice yéménite du long métrage Moi Noujoum, dix ans et divorcée a choisi également de parler de sa laborieuse expérience pour arriver à bout de cette aventure cinématographique. Elle dira pour sa part: «Personnellement je ne savais pas qu'il fallait tout cet argent pour aller aux Oscars.» Et de renchérir: «Je parle de ma propre expérience. J'ai découvert que le cinéma chez moi c'est surtout chercher de l'argent. L'histoire ne compte pas. Or, pour moi c'était l'histoire qui comptait et j'ai tout fait pour trouver cet argent et grâce à une amie qui était intéressée par cette affaire elle m'a aidée à financer ce film et j'ai rajouté mes économies. Bien sûr, tourner au Yémen pour moi était très difficile, cela ressemblait à un cauchemar. Mais c'est ma foi dans cette histoire qui m'a poussée à persévérer. En raison de nombreux obstacles, j'ai pu tourner 60% de ce que je voulais. Il fallait que je le finisse. Le cinéma dans mon pays est tabou, les hommes d'affaires en Algérie encouragent le cinéma, c'est bien, j'espère que cela poussera d'autres à le faire, car au Yémen ni les hommes d'affaires ni la société civile ne l'encouragent. Le Marocain Saïd khellaf, réalisateur du long métrage a miles on my shoes soulignera quant à lui: «Quand un film arrive aux Oscars, il n'appartient plus aux producteurs mais il représente le pays. Je ne comprends pas comment un pays qui a la chance de rayonner à l'étranger, son pays ne le soutient pas. S'agissant de la coproduction, le rôle du cinéma est justement de rapprocher les peuples quand les politiques n'y arrivent pas. C'est un message fort pour le monde. C'est aussi un bon point pour les sociétés privées de se faire connaître dans le monde quand elles subventionnent le cinéma.». L'acteur tunisien Lotfi Abdeli insistera quant à lui, sur le fait qu'il faut faire des films pour parler des problèmes de nos sociétés d'abord. Et d'estimer: «Le plus important est comment faire pour pousser nos gouvernements, comme on a fait en Tunisie, à croire en ses artistes, à créer des salles de cinéma, à donner de l'argent. Les idées tout le monde en a. le cinéma c'est de l'argent. Heureusement que beaucoup de films se font aujourd'hui avec moins de budget parce que les caméras sont plus légères. Aujourd'hui, le problème est: comment produire des films dans le Maghreb? Nous, on est un petit pays de 10 millions de personnes. On crée 12 films par an. C'est presque correct. L'année dernière, le cinéma tunisien a eu énormément de prix dans le monde. Moi ça m'intéresse que l'Algérie ait plus de prix. Vous avez beaucoup de potentialités et plus d'argent que nous. C'est à travers l'art qu'on peut combattre l'obscurantisme. Cette expérience avec les hommes d'affaires est un bon signe, le ministère de la Culture pourra comprendre que s'il ne s'investit pas, il sera dépassé par le privé. Chez nous aussi le privé facilite énormément les choses.». Pour sa part, l'acteur égyptien du film Ishtibak de Mohamed Diab, Tarek Abdelaziz a émis le souhait de voir le privé subventionner les films sans l'intervention de l'Etat. «Il faut aussi monter de nombreux ateliers d'écriture et assurer des formations pour les producteurs également...»Riad Ayadi, responsable de la boîte de distribution algérienne MD Ciné qui a réussi le pari cette année d'apporter au moins 50 films internationaux distribués dans différentes wilayas du pays dira: «Dans mon secteur d'activité en tant que distributeur en Algérie, le problème, le souci majeur numéro un est le suivant: nous avons des salles de cinéma qui ont été rénovées mais nous n'avons pas la technique qu'il faut. Nous n'avons pas de projecteurs DCP. Les derniers films produits en Algérie ont coûté des millions de dinars pour la post-production afin d'avoir d'excellents films puis, après, si on doit les faire passer dans les wilayas avec un data- show, ce n'est pas comme ça qu'on va récupérer les cinéphiles et le public algérien qui ont divorcé avec le cinéma, ces quinze dernières années. En travaillant avec deux ou trois salles en Algérie, en tant que distributeur, on est obligé de ramener des blockbusters américains, ce sont des films commerciaux, mais c'est la seule manière pour renouer le contact avec les cinéphiles algériens. On aimerait bien ramener des films arabes égyptiens, jordaniens etc., mais dans quelles salles? Le problème numéro un est d'équiper les salles en projecteurs numériques avec un son dolby 5 points. Parce que le son qu'il y a dans les salles aujourd'hui, ne marche pas avec les projecteurs DCP. le deuxième problème très important est de pousser le privé à ouvrir des multiplexes, des salles où on pourra varier et projeter notamment des films égyptiens, américains et des dessins animés, bien sûr.»