«La Mauritanie est une terre marocaine et les frontières du Maroc s'étendent de Sebta au nord jusqu'au fleuve Sénégal au sud», a déclaré le 24 décembre Hamid Chabat, patron de l'Istiqlal, 3ème force politique marocaine. Une sortie médiatique qui complique le retour du royaume au sein de la famille africaine. Elle rend, en tout cas, encore plus suspecte la demande d'adhésion du Maroc à l'UA formulée officiellement par le souverain marocain. Mohammed VI dans des propos à peine voilés n'entend, en effet, par cette démarche que d'en exclure la République sahraouie, un de ses membres fondateurs. «L'UA resterait-elle en déphasage avec la position nationale de ses propres Etats membres, puisqu'au moins 34 pays ne reconnaissent pas ou plus cette entité (Rasd, Ndlr)...», avait-il écrit dans une missive adressée le 17 juillet au président en exercice de l'UA, le Tchadien Idriss Deby, à l'occasion de la tenue du sommet de l'Union qui s'est tenu à Kigali pour faire part de son souhait d'adhésion à l'Union africaine. Une déclaration qui confirme qu'il ne renoncera pas à son projet d'annexion du Sahara occidental. Une situation qui le met en porte-à-faux par rapport aux principes fondateurs de l'UA. Comment en effet vouloir en faire partie tout en s'appropriant les territoires d'un de ses membres fondateurs? Une situation kafkaïenne. Intenable pour les responsables africains. «L'UA demeure solidaire avec le peuple sahraoui et réaffirme avec force son droit à l'autodétermination», a tenu à souligner la présidente de la Commission de l'UA, Dlamini-Zuma. «Le Sahara occidental est le dernier avant-poste de l'occupation coloniale en Afrique, qui doit être démantelé dans l'accomplissement de la vision des pères fondateurs, à lutter pour une Afrique pleinement indépendante et souveraine», avait déclaré Robert Mugabe, président du Zimbabwe et ex-président de l'Union africaine, lors de la cérémonie de célébration des 52 ans de la fondation de l'OUA. Ces mises au point ne semblent pas avoir fait renoncer le pouvoir marocain à ses fantasmes expansionnistes. «La Mauritanie est une terre marocaine et les frontières du Maroc s'étendent de Sebta au nord jusqu'au fleuve Sénégal au sud», a déclaré le 24 décembre Hamid Chabat, patron de l'Istiqlal, 3ème force politique marocaine, membre du gouvernement de 1997 à 2013 sans interruption. C'est dire tout le poids qu'il pèse au sein de la classe politique même s'il a perdu des plumes. Les idées qu'il véhicule sont loin d'être marginales. Dangereuses pour la stabilité de la région, elles portent en elles les germes d'un bellicisme avéré. «L'atteinte à la souveraineté et à l'indépendance de la Mauritanie n'est pas la meilleure des façons de traiter les questions et les dossiers épineux et ne mènera pas à la résolution du conflit au Sahara occidental», lui a répondu le parti mauritanien au pouvoir, l'Union pour la République (UPR) qui a qualifié les déclarations du SG de l'Istiqlal «d'atteinte à la souveraineté et à l'indépendance de la Mauritanie». «Les revendications marocaines sur la Mauritanie ne datent pas d'aujourd'hui et ne sont pas l'apanage du leader de l'Istiqlal» signale Telquel sur son site. «De 1961 à 1971, le gouvernement marocain était même doté d'un ministère du Sahara et de la Mauritanie, un poste dont le premier occupant était l'émir Fall ould Omeir, un Marocain d'origine mauritanienne» précise l'hebdomadaire marocain. «Maroc et Mauritanie ne forment qu'un seul corps, unis par une même religion, parlant la même langue, appartenant à une même famille et pratiquant des traditions communes», aurait déclaré le défunt roi Mohammed V, ajoute le même média. Chabat n'a-t-il fait que déterrer le fantasme de «grand Maroc» entretenu par le Makhzen? Ses déclarations illustrent «la médiocrité politique d'une élite marocaine en faillite qui a enfoncé le Maroc dans l'isolement et dans un contexte de tensions avec tous ses voisins», note le parti présidentiel mauritanien. Des propos qui pèseront lourd lors du prochain sommet de l'Union africaine, qui se tiendra dans la capitale éthiopienne, fin janvier 2017. Mohammed VI risque de frapper longtemps aux portes de l'UA.