Pour beaucoup d'observateurs, le parti de Ali Benflis a peur d'affronter l'urne parce que celle-ci risque de remettre en cause sa place de deuxième force politique du pays acquise lors de la dernière élection présidentielle. Bien qu'elle soit prévisible, la décision de Talaie El Hourriyet de boycotter les prochaines élections législatives a surpris plus d'un. En effet, après l'annonce par le RCD et le FFS, partis ouvertement opposés au pouvoir et qui militent depuis des décennies pour la re-fondation du système politique algérien, de leur participation à cette échéance électorale, il était attendu que toutes les autres formations se réclamant de l'opposition leur emboîtent le pas. Mais le parti de Benflis, qui prétend à un rôle éminemment important sur la scène politique nationale, a préféré se distinguer en optant pour le boycott. Pourquoi une décision aussi radicale pour un parti fraîchement créé, qui bénéficie d'une grande popularité, qui se veut moderne et moderniste? Pour beaucoup d'observateurs, Talaie El Hourriyet a peur d'affronter l'urne, parce que celle-ci risque de le surprendre et de remettre en cause sa place de deuxième force politique du pays acquise lors de la dernière élection présidentielle. Cette analyse est indirectement corroborée par le constat alarmant du parti qui prévoit «une fraude massive» lors des prochaines législatives, malgré les assurances. «La tenue d'élections, dans un contexte politique lourd d'incertitudes, ne peut être considérée autrement que comme une diversion qui permettra au gouvernement, qui vise déjà l'échéance 2019, de gagner du temps et de détourner l'attention du citoyen des problèmes d'un quotidien de plus en plus intenable. Ces élections ne présentent aucun intérêt à partir du moment où l'appareil politico - administratif en a déjà arrêté les conditions et les règles et qu'il a, probablement, déjà scellé l'attribution des quotas aux formations politiques participantes en fonction de leur degré d'allégeance ou d'insoumission au pouvoir,» lit-on en effet dans le rapport élaboré par le collège électoral de Talaie El Hourriyet qui, tout en pointant du doigt la nouvelle loi électorale et la Haute Instance indépendante de surveillance des élections qui, pour lui, n'offrent aucune garantie de transparence, affirme que «les élections ne présentent aucune perspective de sortie de l'impasse politique ni de réponse adéquate à la crise économique ni de réduction des tensions sociales». Toutefois, Fayçal Hardi, chargé de communication du parti, exclut complètement cette vision qui, expliquet-il, ne cadre ni avec l'esprit ni avec la lettre puisque le discours de Talaie El Hourriyet, bien qu'il soit prononcé par Ali Benflis, ne reflète pas sa propre opinion. Bien au contraire, insiste-t-il, les positions de Talaie El Hourriyet sont l'émanation de la base. «Talaie El Hourriyet a un programme, une ligne politique et une identité politique et il tient à la respecter. La décision de boycotter les élections législatives n'a pas été prise par des personnes. C'est l'émanation de la base. Nous avons engagé une large consultation au niveau de la base, deux mois durant. Les superviseurs de cette consultation qui se veut un processus d'aide à la décision, ont fait des rapports au comité central du parti. Suite à l'examen de ces rapports, le comité central a soulevé la question du boycott qui a été soumise au vote. Les partisans du boycott l'ont emporté. Ce qui importe pour nous, ce n'est pas de prendre part à une élection, mais de respecter le fonctionnement démocratique du parti et de défendre au mieux notre projet politique», a-t-il expliqué.Plus précis, le parti de Ali Benflis considère, par ailleurs, qu'«il n'y a pas de grands bénéfices à attendre des petites causes, car il n'y a que les grandes causes qui rendent même les gains les plus petits plus gratifiants et plus honorables». Ces déclarations, pour le moins intrigantes, suscitent des questionnements quant à ce que Talaie El Hourriyet estime être «de grandes causes» et celles qui le sont moins. Toutefois, sur ce point précis, Fayçal Hardi, n'a pas donné de réponse précise et s'est contenté de dire que «Talaie El Hourriuet n'a pas été créé pour participer à des élections». Ainsi donc, pour excessive qu'elle puisse paraître, compte tenu des positions précédentes de Ali Benflis qui a pris part à deux élections présidentielles, celles de 2004 et de 2014, cette décision de boycott des législatives semble obéir à une stratégie finement réfléchie: donner la primauté à la construction d'un vrai parti politique moderne et démocratique.