La «cyberbarricade» algérienne se compose de quelques pages Facebook qui rassemblent, chacune, plusieurs centaines de milliers de membres. Le ministre de l'Habitat, Abdelmadjid Tebboune, a accusé cinq sites Internet, deux en France, un au Maroc et deux autres en Allemagne et en Israël d'avoir fomenté le plan de déstabilisation de l'Algérie, qui a démarré à Béjaïa. Les Etats-Unis se plaignent d'avoir été l'objet d'une vaste cyberattaque orchestrée par Moscou. Le ministre français de la Défense a révélé que son pays avait fait l'objet de 24 000 cyberattaques durant l'année 2016. C'est dire que la première cyberguerre mondiale est bel et bien engagée. En Algérie, le gouvernement ne communique quasiment jamais sur ces questions, même si de temps en temps, l'opinion est informée d'une attaque contre des portails d'entreprises ou d'institutions nationales. Le pays qui entre à peine dans le cyberespace n'est pas ce qu'on pourrait qualifier de cible privilégiée dans cette cyberguerre. Mais cela ne le met pas à l'abri d'une autre forme «d'agressions» beaucoup moins «perfectionnées», mais tout aussi destructrice. Dans cette cyberguerre des sous-développés, où des pays entiers ont été engloutis, les réseaux sociaux ont fait des ravages. En Syrie, en Libye, en Tunisie et en Egypte, le Web 2.0 a multiplié par mille la vitesse de propagation de la rumeur et mis des Etats au banc des accusés, avant même que les politiques n'aient compris ce qui leur arrive. Le printemps arabe relève de cette attaque violente qui a été d'une efficacité redoutable. Plus de 6 ans après la première «révolution», les Algériens ont été témoins et victimes d'une offensive sur le modèle du printemps arabe. L'attaque a lamentablement échoué, certes, mais ce n'est pas parce que le pays a déployé ses bataillons de cyberguerriers. L'essentiel de la bataille a été livré sur la Toile et les expressions violentes sur le terrain n'ont été que le prolongement de ce qui se déroulait sur les réseaux sociaux. De même, la fin rapide du complot est la conséquence d'une riposte claire et tout aussi efficace de la part des Algériens qui ont retourné la cyberarme contre les agresseurs. Mais, il faut dire que dans cet épisode inédit dans l'histoire moderne du pays, la riposte algérienne n'était pas organisée. Comme si les Algériens avaient jeté des pierres à la face de blindés venus envahir leur pays. Cette fois, ça a marché, mais rien ne dit qu'une prochaine tentative plus «perfectionnée» ne vienne pas briser le mur de défense citoyen. Pour l'heure, la «cyberbarricade» algérienne se compose de quelques pages Facebook qui rassemblent, chacune, plusieurs centaines de milliers de membres. Les partages des uns et des autres apportent une réponse jusque-là efficace, mais qui pèche par un déficit en communication. En fait, on sent bien l'improvisation et les réactions à chaud, sans analyse derrière. Cette carence peut, à terme, jouer un mauvais tour à l'Algérie. Ceux et celles qui la défendent n'ont pas une «feuille de route» lisible, susceptible de conforter leur message. En fait, la «cyberarmée» algérienne professionnelle n'existe pas encore. Des pays de même niveau que l'Algérie déploient un arsenal, suffisamment bien élaboré pour construire un système de défense efficace. La Tunisie et le Maroc, à titre d'exemple, sont assez bien «bétonnés». De la matière audiovisuelle et écrite positives sur les deux pays est présente sur le Net et permet aux internautes d'en user pour répondre aux attaques. Ce travail de production n'est pas systématique en Algérie. On voit de temps en temps des vidéos positives sur l'Algérie, mais ce sont des efforts personnels et pas du tout organisés. De fait, sur la Toile, les messages négatifs restent dominants, ce qui fragilise le pays et facilite la propagation de rumeurs, comme celles qui ont conduit aux incidents de Béjaïa. L'autre axe de travail que l'Algérie n'a même pas effleuré connaît une exploitation optimale de la part de la Russie. Russia to day et Sputnik ont, en effet, réussi une entrée en force dans le cybermonde et produisent de très nombreux documents qui remettent en cause les versions occidentales nuisibles à l'image de la Russie. Ces deux médias qui émettent en arabe, en français et en anglais apportent de l'eau au moulin de tous ceux qui mettent en doute la sincérité des dirigeants occidentaux. L'influence de sputnik qui a ouvert un bureau à Paris est telle que les autorités françaises pensent à lui interdire toute activité. Sputnik est un média à part entière et ses reportages obtiennent parfois des millions de vues. Une prouesse médiatique qui a le mérite de donner une image positive de la Russie et réduire, à sa plus simple expression, toute propagande anti-russe. L'Algérie gagnerait à s'en inspirer.