François Fillon, l'ambition intime qui s'effiloche Evidemment, l'affaire ne sera pas conclue en deux temps trois mouvements. Les enquêtes vont durer plusieurs mois et d'ici à ce que des procès s'ensuivent, de l'eau aura coulé sous les ponts de la Seine. Le 27 novembre dernier, François Fillon remportait avec fracas le second tour de la primaire de la droite et du centre contre Alain Juppé. Contre toute attente, celui que ni les sondages ni les analystes des observatoires et autres centres de recherches n'avaient pas vu venir avait proprement écrasé les joutes électorales, finissant dans un sprint éblouissant avec 66% des voix sur un total de plus de 4 millions de votants. Même le malheureux rival qui a longtemps caracolé en tête des prévisions avait dû jeter l'éponge, dégoûté par un sort aussi contraire qui favorisait un homme aux solides épaules et aux propos rectilignes sur la nécessité de rendre à la France ses oripeaux catholiques et de virer à droite toute en matière économique et sociale. Pour François Fillon, l'ancien Premier ministre de Nicolas Sarkozy, l'avenir s'annonçait des plus roses. Sa victoire au second tour de la présidentielle, en mai prochain, ne faisait pas l'ombre d'un doute malgré les rodomontades du Front national de Marine Le Pen, qui s'est donné beaucoup de peine en effet pour relooker le parti et le rendre moins rebutant. Mais voilà qu'avec les révélations du Canard Enchaîné, sur les emplois fictifs supposés de Pénélope Fillon, la femme au foyer du candidat des Républicains et du Centre, tout risque de basculer tant la tempête politique agite le paysage français. L'épouse du député de Paris est mise en cause dans deux affaires. Entre 1997 et 2008, elle aurait perçu ni plus ni moins que 500 000 euros en tant qu'attachée parlementaire de son mari, puis du successeur de celui-ci. Chose dont la réalité est apparemment difficile à cerner, Mme Fillon, mère de cinq enfants, s'étant présentée durant la campagne de la primaire comme une femme au foyer, jusqu'à déclarer en 2016 au journal Le Bien public: «Jusqu'à présent, je ne m'étais jamais impliquée dans la vie politique de mon mari.» Une journaliste, Christine Kelly, citée par Le Canard Enchaîné et entendue par les enquêteurs de la brigade financière, assure qu'en 2007 Mme Fillon n'exerçait aucune fonction. De là à ce que l'enquête ne soit ouverte pour détournement de biens publics, il n'y avait qu'un pas. Quant à l'autre affaire, elle concerne une collaboration avec La Revue des deux Mondes, propriété du milliardaire Marc Ladreit de Lacharrière... ami de François Fillon, moyennant 5 000 euros par mois. Là encore, l'ex-directeur de la revue, Michel Crépu, avoue «n'avoir jamais rencontré Pénélope Fillon et ne l'avoir jamais vue dans les bureaux» du magazine. Seule concession: il évoque deux ou trois notes de lecture. Et ainsi, une enquête est également ouverte pour abus de biens sociaux. Evidemment, l'affaire ne sera pas conclue en deux temps trois mouvements. Les enquêtes vont durer plusieurs mois et d'ici à ce que des procès s'ensuivent, de l'eau aura coulé sous les ponts de la Seine. Juridiquement, le couple Fillon est tranquille car il incombe à la justice de prouver qu'il y a eu des emplois fictifs. Mais c'est politiquement que l'ardoise risque d'être particulièrement lourde. L'ancien Premier ministre a bien tenté de disculper son épouse, affirmant qu'elle aurait rédigé ses discours, tenu ses permanences et bénéficie de tout son amour, mais le préjudice moral et donc politique peut s'avérer fatal. Pour un homme qui s'est présenté durant la primaire comme le candidat de la vertu et de l'intransigeance, à l'opposé de Nicolas Sarkozy, l'impact de cette affaire est terrible. Nombre de ses électeurs ont été séduits par cette image de candidat de la vérité et de la droiture. Son «Qui imagine le général de Gaulle mis en examen?», a même marqué les esprits et maintenant qu'il dénonce «les boules puantes» et crie au complot et à la misogynie, on voit mal comment il parviendrait à convaincre les nouveaux déçus de la droite. La droite entière est abasourdie par le PénélopeGate, à un moment où les électeurs français ne cachent guère leur désillusion et leur choix de l'abstention pour dire leur rejet du système et des élites, convaincues de pratiques immorales et de corporatisme exacerbé. Qui plus est, François Fillon a multiplié les maladresses, déclarant jeudi dernier sur TF1 qu'il avait aussi rémunéré ses fils avocats pour se faire ramasser le lendemain par le journal Libération qui révélait que ses enfants n'avaient pas encore «prêté serment». Tous les regards à droite convergent désormais vers le malheureux rival de la primaire, Alain Juppé, qui a vite mis les pendules à l'heure en excluant «clairement et définitivement» son retour dans la course. Voire...Fillon est encore loin d'être le mentor du parti Les Républicains et, déjà, il s'est fait quelques ennemis aux dents longues. Des noms circulent, qui parce qu'elle a été exclue de la liste des candidatures aux prochaines législatives, qui parce qu'il garde des souvenirs cuisants quand il dirigeait le parti et d'autres encore. Dans la tempête, il aura donc bien du mal à trouver le soutien enthousiaste de sa famille politique. Au Front national, on se frotte les mains tandis qu'à la veille de la primaire socialiste pour laquelle les partisans de Benoît Hamon préparent activement la fête, beaucoup se demandent comment la gauche pourrait se rassembler avec autant de discordance et de rancunes joyeusement distribuées par François Hollande, durant tout un quinquennat.