Quatre artistes ont exploré chacun cette thématique, à savoir Hakim Rezaoui, Fouad Bouatba, Halida Boughriet et Sofiane Zougar. Deux auteurs, deux propriétaires de lieux d'exposition mais pas que. Samir Toumi et Wassila Tamzali se sont donné le mot cette semaine en se lançant dans une aventure artistique née suite au succès du livre «L'effacement», (Ed, Barzakh). Profitant pour faire la promotion de son lieu nouvellement rénovée, Wassila Tamzali a organisé jeudi dernier une journée dédiée à la thématique de «L'effacement» entre vernissage et table ronde. Quatre artistes ont présenté des oeuvres en relation avec cette thématique qui au premier abord, disons-le, aurait pu être exploré encore plus en profondeur a fortiori dans ce pays miné d'une multitude de tabous. D'autant que le flou artistique même s'il reste une valeur sûre en termes plastico-esthétiques, il n'en demeure pas moins qu'il commence à s'essouffler sur le plan créatif. Celui qui s'est essayé à ce genre est le photographe Hakim Rezaoui qui nous a dévoilé une série de photos en noir et blanc intitulées respectueusement «Introspection» et «Hometown». Dans un environnement austère, l'homme semble se dissoudre dans un brouillard flottant fantomatique. L'artiste a employé pour ce faire, des jets d'encre imprimés sur du papier coton. Fidèle à son sujet de prédilection pour l'avoir vécu de près, l'artiste qui nous vient de Annaba, Fouad Bouatba continue à interroger la problématique de harraga et partant, du sentiment d'abandon de ces disparus dont on ne connaît rien, mais dont les traces survivent après leur disparition en mer. Ces traces sont ces chaussures retrouvées et rassemblées dans une charbonneuse installation comme pour témoigner de l'existence de ces «harraga» et les faire revenir parmi les vivants. Aussi c'est le but de cette exposition qui est composée également d'une image correspondant à un document administratif qui rappelle ces anonymes. Ce dernier est flanqué d'un dessin au milieu d'un cadavre échoué. A côté, l'artiste expose à même le sol presque des dessins sur papier réalisés au fusain où la technique bien fine, donne à voir en traits aiguisés ces nombreux harraga soit jetés en mer ou sur une barque de fortune. Non loin, abordant la thématique de l'effacement à sa manière, l'artiste polyvalente Halida Boughriet présente deux vidéos. La première de 6mn est intitulée Eldal (Shadow), 2009. Dans un champ vide des ombres de branches jouent entre la lumière et l'ombre. Et soudain surgit l'image d'un corps d'une femme gisant par terre. Celle-ci tourne à un moment donné sa tête. «Eldal propose une figure métaphorique et poétique de la vie. Un personnage se fond dans l'environnement naturel... Cette vidéo/performance interroge les domaines du perceptible et de l'invisible, un jeu sur la temporalité, la mobilité et le mouvement. L'ombre à plat organique révèle l'arbre, déplace le foyer du regard par son mouvement. Tout est contraste entre clair et obscur, formant une sorte de romantisme entre irrationnel et imaginaire. La lumière sublime le personnage immobile dans sa solitude mélancolique», explique l'artiste. En effet le corps ainsi filmé dans son absence, puis dans sa présence, entre proche et lointain finit par disparaître à nouveau, toujours dans ce vierge paysage hostile qui l'entoure. Le noir et blanc et le clair obscur sont un procédé qui marche à tous les coups et renforce toujours cette sensation de fragilité que nous avons de notre propre perception de l'être. Dans une autre vidéo réalisée cette année, appelé «Water of life», l'artiste a le visage magnifié par l'eau qui passe à travers une vitre qui la sépare du regard du spectateur. «L'artiste est immergée dans cette source en mouvement, créant le prolongement d'un espace «impalpable» et hors champ. Ce reflet absolu permet la mise en communication entre la projection du spectateur et celle de l'artiste», nous explique-t-on. Noyé sans se mouiller, ce visage disparaît en effet dans ce flot d'eau comme pour exprimer peut-être le vague à l'âme temporel qui secoue notre intériorité. Entre ici et là-bas, se joue parfois l'effacement de l'individu dans le regard de l'Autre, quand sa présence flotte en l'air. Enfin, dans un style plus académique basé sur des recherches est le travail de Sofiane Zougar divisé entre installation /documents et dessins toujours en noir et blanc. Ce travail intitulé «Caravan-Saraj» a été présenté l'an dernier lors de l'exposition «Identités» de Tlemcen (pendant une résidence artistique). «Il est le premier résultat d'une petite partie du projet de recherche Caravan-Saraj, où j'ai travaillé sur des images d'archives, le livre «La Grande maison» de Mohammed Dib et l'adaptation télévisée «Al Hariq». Mon intention était de questionner comment une figure héroïque idéale est créée dans un contexte social, politique et historique.» souligne l'artiste et d'expliquer: «Hamid Saraj était un militant du FLN. Mais ce qui m'a frappé le plus, c'est une phrase dans le livre «La Grande maison (1957)» où Mohammed Dib compare l'activisme de Hassan le professeur et Hamid Saraj: «Lequel d'entre eux est le patriote? Dans notre imagination, la figure du héros devait toujours être un militant du FLN, alors que dans le travail de Dib, c'était un militant communiste. L'identité sociale aborde cette partie de notre image de soi qui renvoie à notre appartenance à un groupe ou à une catégorie sociale en particulier.» Aussi l'un devrait s'effacer au détriment de l'autre et le plus important dans l'imaginaire collectif sans doute n'est pas le même dans l'imaginaire d'aucuns... Pour en savoir plus sur ce projet, cette exposition ayant eu lieu aux Ateliers sauvages, a été également marquée par un échange entre l'artiste Sofiane Zouggar et Nadira Lagoune directrice du Musée d'art moderne d'Alger (Mama) sur la genèse de ce projet...