Interview express avec l'auteur de «J' pète les plombs. J'ai perdu ma femme, mes gosses, mon job!» Ce n'est pas son cas... «Je ne veux pas être un singe ici dans ce zoo» scande Sérigne M'Baye alias Ixe dans le film de Denis Thybaud Dans tes rêves, scène décisive, séquence clef et choc dans le film. Si le rappeur veut réussir dans le milieu du rap, ici «l'artiste» clame haut et fort en se révoltant par les mots et la rime - son arme - sa liberté de penser et surtout d'agir. Il refuse de se soumettre au système qui veut qu'on réponde aux critères du producteur de spectacle, quitte à se «travestir». Un paradoxe, quand on sait que Ixe face à un public éberlué par ces paroles assenées, finira par applaudir quand même. Une liberté de se faire entendre et d'être accepté qui portera ses fruits parce qu'on est artiste. Le créateur n'est-il pas d'essence libre? Cela est généralement approuvé chez les artistes. Mais là n'est pas le propos. Car Ixe confirme bien la volonté d'un nombre d'artistes qui rêvent au succès, mais pas à n'importe quel prix. L'enjeu c'est d'être soi-même tout en appartenant à autrui: le producteur, le public. Sérigne M'Baye, chanteur ou acteur? Qu'importe, quand un réalisateur lui offre l'opportunité de faire les deux à la fois. Poussé vers la scène par Joey Starr, ce sont les chansons de son ex-acolyte de NTM, Kool Shen qu'il interprétera dans le film. Et c'est l'ex de Joey, Star Béatrice Dalle qui jouera le rôle de la productrice, Ava. Comme quoi le rap, un milieu encore fermé... L'anti «Star Academy» est décrit souvent comme un être frondeur et réfléchi à la fois. Nous l'avons rencontré en marge de la projection en avant-première... Sérigne M'Baye, il l'est effectivement. L'Expression: Pourriez-vous nous parler du rôle que vous campez dans le film Dans tes rêves ? Sérigne M'Baye:Je joue le rôle de Ixe, un jeune qui rappe, introverti qui est hanté par la mort de son père et à qui on propose le 1er rôle dans un spectacle. A partir de là, cela va changer toute la relation avec son entourage, notamment sa copine, sa mère, ses amis. Va-t-il réussir ou ne va-t-il pas réussir, telle est la question... La scène où vous interprétez un morceau qui agace l'auditoire qui est en face, mais ce dernier finit par applaudir quand même. C'est pour qu'il ne perde pas la face. De l'hypocrisie en somme. Bien sûr, parce que c'est un milieu très hypocrite. Ils ne veulent voir et écouter que ce qu'ils ont l'habitude d'entendre. Moi, j'aime beaucoup cette scène. Je suis vraiment tenté parfois de le faire quand on voit à chaque fois toutes les questions auxquelles on répond, toute l'image que j'essaye de donner et les gens sont focalisés sur les préjugés qu'ils ont. Parfois, j'ai envie de faire la même chose que Ixe, en fait. Question un peu plus personnelle. Vous vous êtes marié très jeune. Est-ce pour établir une sorte d'équilibre entre le monde du show-biz et la famille, pour ne pas «péter les plombs» justement? Je me suis marié à 20 ans par amour ! C'est la chose la plus importante pour laquelle on se marie. C'est par amour. Aujourd'hui j'ai 27 ans. Pour vous le hip-hop cela signifie quoi au juste? C'est un art qui vient de la rue. C'est une musique à part entière. N'est-ce pas aussi un art de vivre, une attitude, un comportement? C'est tellement compliqué... Ce n'est même pas une musique. C'est une culture... C'est un entonnoir, en fait, dans lequel on met plein de choses, plein d'aspirations différentes, plein de révolte, plein de paix, beaucoup de choses, et ce qui sort de l'entonnoir, c'est le hip-hop. Dans le milieu du rap l'image qui revient souvent généralement est celle de la violence. Ce qu'on voit dans le film à travers Ixe, c'est un être tout à fait calme, posé, aux antipodes du cliché du rappeur. La violence est à l'intérieur, en fait, et au lieu d'aller casser des voitures ou autre chose eh bien, c'est sa musique, son stylo et sa feuille qui permettent cela, c'est un exutoire, en fait. Sa violence, il l'expulse, à travers sa musique et la rejette. Connaissez-vous le rap algérien? Je ne connais que deux groupes qui sont MBS et Ntic qui sont venus en France. C'est tout. J'aime beaucoup dans le sens où partout où il y a la jeunesse et où on n'a pas trop les moyens de s'exprimer, le rap c'est toujours une musique émergente qui permet aux jeunes de s'exprimer justement. A l'instar du Sénégal ou de l'Algérie. Je suis vraiment content que le rap traverse les frontières et qu'il permet à beaucoup de jeunes qui n'ont pas l'habitude de parler, de trouver une façon pour dire plein de choses. Pour vous donc la musique à travers le rap doit impérativement véhiculer un message. Sinon qu'en est-il pour la «dance music». Ce ne serait pas de la musique d'après vous? Si, si on arrive à faire danser les gens et que cela leur permet d'oublier leurs problèmes et d'évacuer leurs soucis. Pourquoi pas? C'est une forme de message quelque part. Moi, je n'aime pas la musique créée, juste pour se faire de l'argent et rien que pour ça. Ce n'est plus de la musique pour moi!