Il n'y a plus de doute, l'Organisation des Nations unies est bien la protectrice et la défenderesse des droits de l'homme et des peuples opprimés. La preuve en a été donnée par la mésaventure arrivée à la journaliste et économiste jordanienne Rima Khalaf, chef de l'Escwa [Commission économique et sociale (de l'ONU) pour l'Asie de l'Ouest] acculée à la démission par le secrétaire général de l'ONU, Antonio Guterres. La faute de Mme Khalaf? Avoir écrit noir sur blanc dans son rapport sur les territoires palestiniens occupés comment ceux-ci vivaient sous un régime qui s'apparente à l'apartheid. Le crime de la chef de l'Escwa est donc d'avoir dénoncé la gestion par Israël des territoires palestiniens sous sa domination. Plutôt que de retirer son rapport du site Internet de l'Escwa, Rima Khalaf a déposé sa démission dans une lettre adressée au secrétaire général de l'ONU, dans laquelle elle a défendu la pertinence de son rapport et dit «comprendre» l'ONU soumise à de fortes pressions. Il aura ainsi suffi qu'Israël et les Etats-Unis haussent le ton pour que le rapport en question mute en brûlot et est prestement retiré. On conçoit que l'ONU soit une grande institution internationale ayant pour vocation la défense de la paix et de la sécurité dans le monde comme le définissent ses textes fondateurs. Or, dans l'absolu, rien de plus faux que ces beaux principes humanitaires qui auraient dû faire de l'ONU une organisation au-dessus de la mêlée et surtout échappant aux pressions de quelque ordre qu'il soit, défendant a contrario des intérêts particuliers autres que ceux pour lesquels cette institution a été créée: rapprocher les hommes et instaurer la paix et la sécurité entre les nations. A l'évidence, nous en sommes loin. Très loin même. Le cas des territoires palestiniens, en attente de solution depuis 70 ans, en atteste grandement. Sans surprise en vérité, le secrétaire général de l'ONU fraîchement élu, Antonio Gueterres, - à l'instar de ses prédécesseurs - n'avait pas les moyens [politique et juridique] de résister aux pressions, ne pouvait qu'obtempérer aux oukases. Ce n'est donc pas nouveau! Il eut cependant moins de cran que son prédécesseur, Boutros Boutros-Ghali, qui en 1996, fit publier par l'ONU un rapport accablant sur Israël après le massacre du camp de réfugiés de la Finul de Cana au Liban où 106 civils, dont des enfants, ont été tués par des tirs de l'armée israélienne. Boutros-Ghali ne retira pas le rapport du site de l'ONU et résista aux oukases de Washington qui opposa son veto à un second mandat du diplomate égyptien. C'est feu Boutros-Ghali qui, en l'occurrence, a protégé les principes et la raison d'être de l'ONU, pas ceux qui ont les yeux fixés sur la réussite de leur carrière. Un secrétaire général de l'ONU ne peut être limogé, au pire, il se heurtera au veto d'un membre permanent, lors du renouvellement de son mandat de quatre ans. Ceci dit, le rapport de Rima Khalaf ne fait que confirmer ce que tout le monde subodore: un pouvoir d'apartheid qui ne supporte aucune contradiction, dès lors qu'il est protégé de l'intérieur même de l'institution onusienne et l'impunité lui est garantie. Israël un pouvoir d'apartheid? Qui en doute? Tout ce que fait, ce qu'a fait Israël dans les territoires palestiniens plaide en ce sens, les signes en sont visible partout: le mur de séparation, les multiples check-points de contrôle qui font des Palestiniens des étrangers dans leur territoire et l'impossibilité pour eux de se déplacer à l'intérieur de leurs villes et villages, interdiction pour les étrangers - fussent-ils diplomates, ministres, artistes...- d'entrer dans les territoires occupés sans l'autorisation d'Israël. Le secrétaire général de l'ONU lui-même ne peut se rendre à Ramallah sans l'autorisation d'Israël. Le dernier SG de l'ONU, Ban Ki-moon en connaît quelque chose qui eut l'occasion de vérifier cette réalité. A Jérusalem-Est occupée, les Palestiniens n'ont pas le droit de prendre les mêmes transports que les Israéliens. Ghaza est sous blocus israélien depuis dix ans, sans que l'ONU puisse y changer quoi que ce soit. Ce sont là des faits que chacun peut vérifier. Aussi, si ces contraintes imposées aux Palestiniens ne s'apparentent pas à l'apartheid, c'est quoi alors? Des douceurs distribuées par le philanthropique Israël? En fait, il est dangereux de dire la vérité sur Israël, le faire c'est à ses risques et dépens. Ce qu'a constaté la diplomate jordanienne qui a eu la droiture et le courage de dire non au diktat d'Israël et des Etats-Unis, en partant la tête haute. Le déshonneur dans cette affaire, ce n'est pas Rima Khalaf. Le déshonneur, c'est l'ONU [dont les secrétaires généraux sont réduits à des pantins exécutant les desiderata des puissants] qui porte, comme une croix, le boulet de la soumission aux puissants, au détriment des intérêts des peuples qu'elle est censée défendre et protéger.