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"Un enfant autiste peut réussir normalement sa vie"
LEILA TLEMSANI, PSYCHOLOGUE-ORTHOPHONISTE, À L'EXPRESSION
Publié dans L'Expression le 03 - 04 - 2017

Depuis 11 ans qu'elle exerce la fonction de psychologue-orthophoniste au sein de la polyclinique de Bouchenaf, relevant de l'Epsp de Hydra, Mme Tlemsani a pu acquérir un capital d'expérience indéniable en termes de prise en charge des enfants autistes. Les nombreux cas qu'elle a eu à traiter lui ont permis d'être aujourd'hui très connue sur la place d'Alger et surtout très sollicitée par les parents ayant des enfants autistes. Dans l'entretien qu'elle a bien voulu nous accorder, Mme Tlemcani revient sur la définition de l'autisme et donne son point de vue quant à la prise en charge correcte de l'enfant autiste.
L'Expression: Pouvez-vous nous définir ce que c'est au juste l'autisme?
Leila Tlemsani: La définition de l'autisme peut être exprimée de deux façons. Celle que privilégient les psychologues et orthophonistes et celle connue dans le domaine médical. Pour les psychologues et les orthophonistes, l'autisme est un trouble qui se traduit par la faiblesse ou l'absence totale de la faculté de la perception chez le nouveau-né. Pour les pédiatres, l'autisme est le résultat d'un dysfonctionnement quelque part dans le cerveau du nouveau-né qui fait que la capacité d'interpréter les stimulus extérieurs chez ce dernier est faible ou absente.
A quel âge peut-on déclarer l'autisme chez l'enfant?
Je rejoins les scientifiques qui disent que la maman est la mieux placée pour détecter l'autisme chez son enfant en observant son évolution comportementale (absence de langage, stéréotypes, absence d'interaction avec les autres), mais il y a quand même un âge vers lequel l'autisme peut se confirmer. C'est l'âge de 3 ans. Si à cet âge-là, l'enfant ne parle pas et ne réagit pas avec le monde qui l'entoure, il s'agit presque à 100% d'autisme.
Qui doit prendre en charge un enfant autiste en premier?
Vous savez l'orthophoniste, même s'il peut reconnaître l'autisme chez l'enfant, il n'est en aucun cas habilité à le déclarer aux parents de l'enfant. Cette tâche est du ressort du pédiatre ou du pédopsychiatre. Ce sont ces derniers qui peuvent le faire après avoir examiné l'enfant et écarté les autres pathologies. Donc ça va de soi, la prise en charge de l'autiste se fait en premier lieu par les pédiatres, ensuite par les orthophonistes et des psychologues.
En tant que professionnelle dans le domaine, préconisez-vous l'inscription de l'enfant autiste dans des classes ordinaires à l'école ou plutôt dans des classes spéciales?
Je préconise leur insertion dans des classes ordinaires, et ce, pour deux raisons. D'abord, cela facilitera leur socialisation, ensuite et cela doit être connu, un enfant autiste peut dépasser de loin un enfant ordinaire en termes d'intelligence. Néanmoins, je conditionne au préalable leur insertion dans des classes ordinaires par le recrutement des auxiliaires de vie scolaires (AVS). Un enfant autiste est hyperactif. L'insertion des enfants autistes doit se faire aussi avec des enfants ordinaires au niveau des crèches. Je le dis et je le redis, un enfant autiste ne peut jamais se développer si on l'isole de la société.
Du point de vue de la législation, l'enfant autiste est-il protégé?
Malheureusement non. Le ministre de la Santé affirme qu'il y a des lois qui le protègent, mais dans la réalité on ne les retrouve pas. Les parents d'enfants autistes souffrent énormément pour inscrire leurs enfants et dans des crèches et dans des écoles. Dans les centres de formation professionnelle par exemple pour les adolescents et adultes autistes, il n'y a aucune loi qui prévoit leur insertion.
Un message peut-être en direction de la société de manière générale quant au changement de son regard à l'égard des autistes?
Le seul message que j'ai à adresser à la société, c'est de lui demander de cesser de voir l'enfant autiste comme un enfant anormal. Il est peut-être différent, mais un enfant autiste peut rattraper et réussir normalement sa vie. Nous avons des exemples d'enfants autistes ingénieurs, des cadres supérieurs et ayant pu fonder normalement des foyers. Alors, je leur demande seulement de ne pas les isoler et se manifester en permanence à leurs côtés. C'est cette présence et affection qui aideront l'enfant autiste à se développer et rien d'autre.


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