L'église de Tanta ciblée par un attentat kamikaze 44 personnes ont été tuées et plusieurs dizaines d'autres blessées dans les attentats qui ont frappé hier une église copte d'Alexandrie et une autre église dans la ville de Tanta, au nord du Caire, selon les médias égyptiens... 38 personnes ont été tuées et des dizaines de blessées dans l'attentat qui a frappé hier une église copte d'Alexandrie, quelques heures après un premier attentat meurtrier commis contre une autre église dans la ville de Tanta, au nord du Caire, selon les médias d'Etat égyptiens. L'explosion a également fait une quarantaine de blessés selon les autorités du pays, au moment où la communauté chrétienne s'apprête à célébrer la semaine sainte qui a commencé avec la fête des Rameaux. Un responsable du service des urgences de l'hôpital universitaire de Tanta, où ont été transférées les victimes du premier attentat kamikaze, a affirmé qu'il y avait plus de 13 morts. Ces attaques interviennent quatre mois après celle qui avait fait une trentaine de morts dans une église de la capitale. Elles assombrissent également le climat avant une visite du pape François prévue les 28 et 29 avril en Egypte, tandis que la branche égyptienne du groupe Etat islamique a appelé à frapper les chrétiens coptes. Ces attentats, curieusement revendiqués aussitôt par Daesh et dramatiques à plus d'un titre, illustrent une situation inquiétante dont les pays voisins de l'Egypte, focalisés sur la montée des périls en Libye, ne semblent pas avoir pris l'exacte mesure. Acculé en Irak et en Syrie où ses derniers bastions sont en péril, Daesh a entrepris de se redéployer depuis plusieurs mois. Certes, la perte de Syrte a retenti comme un glas dans la stratégie du groupe terroriste qui a revu à la baisse ses ambitions immédiates en ordonnant un repli stratégique à ses combattants. Ceux-ci ont, en effet, opéré un come-back vers Derna qui fut un fief stratégique avant que les tribus libyennes ne les en extirpent et, surtout vers le Sud profond où la conjonction avec nombre d'autres factions du même acabit (Boko Haram, Al Mourabitoune, Al Qaïda au Maghreb, etc.) autorise un redéploiement petit à petit conséquent. Mais Daesh a un autre atout, décisif celui-là, puisqu'il dispose depuis trois ans maintenant, du Sinaï égyptien où il multiplie, souvent en toute impunité, les attaques contre les soldats du maréchal Al Sissi et les attentats contre les touristes. En connexion plus que probable avec les Frères musulmans, traqués par les services de sécurité égyptiens qui leur imputent certains de ces attentats, l'EI parvient à surmonter ses nombreux revers et charge Wilayat el Sinaï, sa branche locale, de poursuivre son combat au-delà de la bande côtière entre Ghaza et la capitale régionale d'Al Arich, dans le nord-est du pays. Cette ville méditerranéenne de 160.000 habitants compte plusieurs réseaux dormants de Daesh dont la mission est de «surveiller» les sites touristiques de cette région. Sauf que les grands hôtels et les camps touristiques de Charm el Cheikh, Dahab et Noueiba sont fortement prisés par les touristes...israéliens et que, de ce fait, l'alerte maximale a été déclenchée depuis des lustres, de sorte que rares sont les attaques visant cette catégorie d'hôtes. Les Israéliens ont pris des mesures de rétorsion au lendemain des tirs de roquettes qui ont ciblé les 9 et 20 février derniers la station balnéaire d'Eilat, comme de fournir une série de drones à l'armée égyptienne pour surveiller l'ensemble de la zone et parer à cette «menace terroriste imminente». Le Caire ne fait pas mystère, d'ailleurs, du niveau «sans précédent» de coopération entre ses propres services de renseignements et leurs homologues sionistes. Malgré quelques avatars, cela a permis l'élimination de plusieurs figures notoires de Daesh, comme Abou Anas al Ansari, membre fondateur de Ansar Bait al Maqdis annexée à l'EI en 2014 sans parvenir, pour autant, à freiner la progression du groupe terroriste dans le Sinaï et dans le Sud égyptien. Illustration statistique de cette montée en puissance, le nombre de combattants est passé de quelques centaines en 2011 à plus d'un millier actuellement, ce qui «explique» la violence et la multiplication des embuscades tendues aux forces de sécurité égyptiennes. Sans doute la mutation de la composante humaine, hier des bédouins révoltés par les arrestations arbitraires et les humiliations, mais aujourd'hui de jeunes islamistes tout droit sortis des universités, a-t-elle de quoi préoccuper davantage les états-majors. En témoigne l'attaque de grande envergure qui a visé, en 2015, la ville de Cheikh Zoueid. Depuis, Daesh a opté pour des actions plus restreintes, mais en désignant les Coptes comme la cible principale de ses exactions. D'où les attentats qui ont frappé les églises de Tanta et d'Alexandrie qui impactent directement l'économie du pays, largement dépendante du tourisme que l'EI veut tarir pour asphyxier le gouvernement d'Al Sissi. Les Coptes se savent les victimes expiatoires de cette stratégie du groupe Etat islamique et, le mois passé, sept chrétiens ont été assassinés rien qu'à El Arish. A Ismaïlia, ce sont 200 familles qui vivent, ou plutôt survivent, dans une peur quotidienne et le chemin de Nekhl, jadis ouvert au pèlerinage chrétien vers le monastère de Sainte-Catherine, est devenu la route de la mort. Dans la vallée des Pharaons, les missionnaires de Daesh poursuivent une propagande féroce, alternant les intimidations et les représailles pour contraindre la population à intégrer les rangs du djihad. A tour de bras, des campagnes de «moralisation» sont poursuivies avec la destruction des produits censés faire prospérer le pouvoir (médias, tabacs, etc.) et la décapitation des adeptes du soufisme. Les directives viennent directement de... Mossoul, en Irak, et de Raqqa, en Syrie. Malgré une mobilisation impressionnante de plus de 30.000 hommes, lourdement équipés, le gouvernement égyptien peine à réduire cette progression rampante qui risque, à brève échéance, de sceller la conjonction avec les éléments du groupe terroriste basés dans le Sud libyen. Alors, le danger sera bien plus manifeste...