Au dîner du Crif, certains candidats ne sont pas les bienvenus Discussion byzantine, s'il en est. Mais il n'en fallait pas plus pour déclencher une véritable tornade politico-médiatique jusqu'au point où Israël n'a pas hésité à interférer, pourtant dans un débat franco-français, pour «condamner avec force» des propos jugés révisionnistes. La campagne officielle du premier tour de l'élection présidentielle a commencé hier en France, dans une ambiance inhabituelle d'incertitude des électeurs sur le choix d'un candidat à 12 jours du scrutin. Des nouveautés, il y en a comme celle du temps imparti à chacun des 11 candidats en lice dans les médias audiovisuels qui devront veiller à une stricte égalité jusqu'au 21 avril prochain, quarante-huit heures avant le vote qui désignera les deux rivaux appelés à s'affronter au second tour. Les sondages continuent à donner le centriste pro-européen Emmanuel Macron et la représentante de l'extrême droite Marine Le Pen en tête des intentions de vote avec 23% mais, déjà, une surprise se profile avec un coude-à-coude entre le chef de file de la France insoumise, Jean-Luc Mélenchon et le candidat de la droite et du centre, François Fillon, désormais à égalité avec 19% chacun. Dans cette distribution des rôles, le porte-parole du PS, Benoît Hamon, se retrouve en train de manger son pain noir, avec 9% des intentions, au point qu'il ne craint plus de révéler pour qui il votera au second tour s'il est éliminé! Jamais, une élection présidentielle française n'aura été aussi incertaine et marquée du sceau du doute pour un grand nombre d'électeurs, désabusés au point de remettre en cause jusqu'à l'utilité d'un suffrage dont les politiques usent et abusent pour leurs seuls intérêts bien compris. Dans cette frange, il faut dire que la candidate du FN a le plus à gagner, nombreux étant les ouvriers et les petits commerçants qui optent pour le choix du désespoir, lassés des promesses aussitôt trahies de la droite comme du PS. Dans ce cas de figure, on peut s'étonner de la sortie hasardeuse sur les victimes juives du Vél'd'hiv (Vélodrome d'hiver, lieu de rassemblement de 13 000 juifs dont un tiers d'enfants parqués avant leur déportation en Allemagne, durant la Seconde Guerre mondiale). Marine Le Pen a cru anodin, pour ne pas dire, évident, de préciser les responsabilités du gouvernement de Vichy qui, pour elle, n'était pas celui de la France car, affirme-t-elle, les autorités légitimes se trouvaient alors à Londres. Discussion byzantine, s'il en est. Mais il n'en fallait pas plus pour déclencher une véritable tornade politico-médiatique jusqu'au point où Israël n'a pas hésité à interférer, pourtant dans un débat franco-français, pour «condamner avec force» des propos jugés révisionnistes. Quand on a une loi qui fait du moindre discours antisioniste un propos antisémite, il ne faut pas s'étonner de cette montée au créneau d'un lobby et d'un Etat confessionnel qui se sont autoproclamés gardiens vigilants de la flamme. Qui pourrait nier le caractère infamant des crimes commis au Vél'd'Hiv? Mais plus de 70 ans après, la polémique autour des propos de la candidate du Front national prend des contours autres que simplement historiques, surtout dans un contexte d'élection présidentielle où Marine Le Pen joue les épouvantails. Tous les moyens sont bons pour lui couper l'herbe sous les pieds, dès lors qu'elle sort des sentiers battus que sont l'immigration, l'islam et les Maghrébins genre suivez mon regard! Ceci implique cela, on tremble à l'idée qu'au soir du second tour, le Front national ne prenne le chemin de l'Elysée et que la France ne soit majoritairement bleu marine grâce au vote des «patriotes». C'est un coup à faire frémir non seulement le Crif mais aussi et surtout le gouvernement Netanyahu qui, n'en doutons point, n'hésiterait pas une seconde à mettre fin, avec la même détermination que Donald Trump en Syrie, à l'aventurisme des Français. Mais là, nous sommes en pleine politique fiction et c'est faire injure à l'intelligence des électeurs et des électrices, particulièrement celles et ceux de la France insoumise, que de croire un seul instant à une telle gageure. Il n'en demeure pas moins que le «dérapage» calculé de Marine Le Pen, digne héritière de son père malgré les aléas de la succession, toujours source de drames et de déchirements, va hypothéquer forcément la suite de son parcours. Quels qu'aient été ses calculs, la réalité est telle que certains propos sont tout simplement suicidaires eu égard à l'emprise absolue d'un lobby sur les médias et les cercles de décision politico-économiques. Bien sûr, il n'entre nullement dans notre propos de regretter les conséquences de cette dérive, au contraire. Mais force est de constater que, plus que jamais, en France la politique a ses raisons que la raison ne connaît point!