Un vote que les sondages ont déjà orienté Ni le Ps ni les Républicains ne seraient donc au second tour, puisqu'on verra, nous promettent les sondages, Emmanuel Macron «écraser» la candidate du Front national, Marine Le Pen. Au lendemain de l'exploit peu banal de Jean-Luc Mélenchon qui a rassemblé 130 000 partisans place de la République, samedi dernier, le candidat du PS, Benoît Hamon a réussi, lui aussi, à faire salle comble au Zénith où il a reconnu, devant plusieurs milliers de supporters, que «cette élection ne ressemble en rien aux précédentes» et qu'il s'y est, pour cette raison, préparé sérieusement. Il n'empêche, une impression fâcheuse de chaos généralisé plombe les candidats de quelque bord qu'ils soient et en cette année politique qui a commencé sur les chapeaux de roue judiciaires et les révélations les plus affligeantes, le drame est déjà joué qui dit que le second tour de l'élection présidentielle ne verra présent ni le candidat du Parti socialiste et de la gauche rassemblée ni celui de la droite et du centre coalisé.Et là, c'est rien moins qu'un tremblement de terre qui sonne le glas du paysage politique français traditionnel où on découvre une formation de l'extrême droite devenue, avec une aisance désarmante, le premier parti de l'Hexagone, du moins si l'on se fie aux seules statistiques des sondages. A gauche, le fossé s'est considérablement creusé au point d'apparaître aujourd'hui irrémédiable entre les socialistes assumés et les socio-démocrates, entre les progressistes et les «rédempteurs» du socio-libéralisme version Valls-Hollande. Mais à droite, les tenants du gaullisme historique, ou du chiraquisme à un moindre degré, ont été bousculés par les sarkozystes et les démocrates chrétiens à la Fillon, droits dans leurs bottes en morale synthétique. Résultat, à force de composer avec les tendances plus ou moins chimériques d'un rassemblement élargi dont la seule finalité est d'agir comme un trou noir qui «entraîne dans une longue nuit pour la République», l'échec est consommé et autorise les nouveaux venus que sont Emmanuel Macron et Marine Le Pen, zeste light de l'ancien dogme lepéniste, à préparer, l'un ou l'autre, les bagages pour l'Elysée. «Nous avons trop cédé de terrain aux réactionnaires, aux extrémistes, aux partisans du repli» a clamé Benoît Hamon qui «tient bon dans la tempête», mais n'est-ce pas en définitive le chant du cygne socialiste dans sa dimension la plus pathétique?Ni le PS ni les Républicains ne seraient donc au second tour, puisqu'on verra, nous promettent les sondages, Emmanuel Macron «écraser» la candidate du Front national, Marine Le Pen. Un remake du 5 mai 2002, lorsque Jacques Chirac a profité du barrage au FN pour gagner avec 82,21% la présidentielle en ce temps-là. Sauf que ni la droite ni la gauche actuelle ne ressemblent peu ou prou à celles d'antan. Dans un contexte confus, véhément dénoncé par les candidats de la gauche et de la France insoumise qui en appellent à «un projet clair», les intentions de vote des Français virevoltent, au gré des jours, dans un incessant retournement qui donne le tournis aux dynamiques politiques classiques. Les Français sont en quête d'une alternative qu'ils ne voient «clairement» nulle part de façon irrécusable et ils doivent guetter la promesse médiane qui leur éviterait une nouvelle déception, peut-être encore plus cruelle que celle du mandat précédent. «Cessons d'accepter le déni» clame encore Hamon qui ne veut pas laisser tranquille «ceux qui veulent diviser les Français» mais que peut-il face à une situation où les Français n'ont jamais été aussi divisés qu'en ces années de terrorisme et d'islamophobie conjuguées, l'une se nourrissant de l'autre et vice versa. Condamner en la circonstance les «violences policières» qui durent depuis des années est méritoire en soi, mais le mal est si profond que la République ne saurait parvenir à s'affranchir des injustices consacrées et des dérives imposées par des lobbies puissants dans nombre d'institutions et dans un marché de l'emploi où les inégalités et les exclusions sont optimales pour les mêmes victimes, les mêmes franges marginalisées pour leur origine, leur couleur ou leur religion. Presque tous les candidats promettent des lendemains enchanteurs, et tous se disent antisystème. Mais le système est là qui les attend de pied ferme. L'hémicycle de l'Assemblée nationale, quand bien même renouvelé, les mettra-t-il une fois de plus face à une autre résignation?