A deux semaines d'une présidentielle française très incertaine, le candidat de droite François Fillon et le héraut de la gauche radicale, Jean-Luc Mélenchon, tous deux en embuscade derrière les deux favoris, sonnaient hier la mobilisation générale pour faire mentir les sondages. Selon les dernières enquêtes d'opinion, le centriste Emmanuel Macron et sa rivale d'extrême droite Marine Le Pen se qualifieraient le 23 avril pour le second tour de l'élection, mais ils sont tous deux en légère baisse, à environ 23% des intentions de vote. A l'inverse, le candidat de la France insoumise Jean-Luc Mélenchon est parvenu ces derniers jours à se hisser au niveau du candidat de la droite, François Fillon, avec environ 19% d'intentions de vote au premier tour, selon un sondage BVA publié samedi. Les deux candidats, qui organisaient hier des meetings, espèrent toujours figurer au deuxième tour. «Rien n'est fait! Nous entrons dans une phase cruciale», déclare prudemment Emmanuel Macron, 39 ans, dans un entretien au Journal du Dimanche (JDD), dans lequel il décrit ses priorités au cours des premiers mois de son mandat s'il était élu. S'il accède à l'Elysée, comme le laissent entendre les sondages, le candidat pro-européen prévoit notamment d'effectuer «un tour des capitales européennes» pour proposer de «doter la zone euro d'un vrai budget» et «pour une vraie Europe à 27 de l'environnement, de l'industrie et de la gestion des migrations». L'ancien ministre du président socialiste François Hollande, qui n'a jamais exercé de mandat électif, promet également de soumettre un projet de loi de moralisation de la vie politique «avant les législatives» de juin, qui prévoira en particulier «l'interdiction du népotisme pour les parlementaires, qui ne pourront salarier aucun membre de leur famille». Une référence limpide au scandale qui éclabousse François Fillon, empêtré dans une affaire d'emplois fictifs présumés attribués à sa femme et deux de ses enfants, payés sur les deniers publics. Parti favori de l'élection, le candidat conservateur, inculpé en mars pour détournement de fonds publics, a chuté dans les sondages derrière Emmanuel Macron et la chef de file du parti anti-immigration et anti-euro Front national, Marine Le Pen. Handicapé par ces affaires qui ont pollué le débat électoral, François Fillon veut encore y croire et comptait marquer les esprits hier après-midi lors d'une grande réunion publique à Paris, où étaient attendues 20.000 personnes. «Tout ce qui ne tue pas rend plus fort», avait lancé vendredi en meeting l'ex-Premier ministre, porteur d'un programme d'austérité, qui se dit persuadé de pouvoir faire mentir les sondages tout comme il l'avait fait en remportant la primaire de la droite, contre toute attente. Désormais au coude-à-coude avec M. Fillon dans les sondages au terme d'une forte progression ces dernières semaines à la faveur de prestations télévisées remarquées, le candidat de la gauche radicale Jean-Luc Mélenchon tenait lui aussi un grand meeting hier à Marseille (sud-est) et espère y accueillir des dizaines de milliers de partisans. L'orateur enflammé de 65 ans, qui prône la rupture avec les traités européens de l'Europe «libérale», la sortie de l'Otan et la fin de la «monarchie présidentielle française», nourrit l'espoir de transformer la dynamique autour de sa candidature en une réelle chance d'être présent au second tour. «Le paysage a changé, cette élection est beaucoup plus incertaine, plus mouvante qu'en 2012 où elle était dominée par les deux grands partis à l'époque», fait valoir Manuel Bompard, son directeur de campagne. Le nombre d'indécis n'a jamais été aussi fort en France à deux semaines du vote, y compris chez ceux qui se disent certains d'aller voter. Un Français sur trois environ n'a pas encore décidé pour qui il va voter ou peut encore changer d'avis. Une indécision record qui complique le travail des instituts de sondage, sous haute surveillance après l'incapacité de leurs homologues anglo-saxons à anticiper l'élection de l'Américain Donald Trump et le vote pour le Brexit au Royaume-Uni. Autre particularité de ce scrutin: environ un tiers des électeurs disent vouloir s'abstenir, un record pour une élection présidentielle qui parvient d'habitude à mobiliser environ 80% des Français.