En dépit des assurances des responsables municipaux et des expérimentateurs, une éventuelle fraude n'est pas à écarter lors de cette élection présidentielle. Aucun pays n'est à l'abri de la fraude. Ce phénomène menace de nouveau la présidentielle française surtout avec l'application du système de vote électronique. En effet, près de 1,5 million sur un total de 44,5 millions d'inscrits exprimeront, le 22 avril prochain, leur choix via l'Internet. Plus de 80 municipalités de 3500 habitants sont partiellement ou totalement équipées. Reims est l'une des plus grandes villes à basculer, cette année, dans le scrutin électronique. Celle-ci a fait déjà le test dont 100.000 inscrits ont pu s'essayer au scrutin électronique. Remis en marche depuis trois ans, cet ancien système suscite de plus en plus l'inquiétude de la classe politique. À une semaine du premier tour présidentiel, la fiabilité des machines à voter est remise en cause. Cette semaine, c'est le Front national (FN) qui revient à la charge. S'expliquant sur ce point, Marine le Pen, fille du candidat de l'extrême droite, a affirmé n'avoir aucune confiance en ce système. «J'ai les mêmes craintes que les experts. Il est très facile de modifier les résultats et l'on ne peut pas recompter car il n'y a pas de preuve du vote. Je n'ai pas confiance», a -t-elle déclaré. Selon elle, «l'isoloir et l'urne sont des choses auxquelles les Français tiennent». Marine Le Pen s'est également dite «inquiète» d'autant que «tout le monde est contre, sauf Nicolas Sarkozy». Fidèle à son père, la fille n'a pas mâché ses mots pour fustiger «l'américanisation hystérique» du candidat UMP. «Aux Etats-Unis, ils sont revenus sur cette méthode», a-t-elle ajouté. Elle a aussi dénoncé la gestion de ces machines à voter par une société privée. À l'exception du parti de l'UMP, toutes les formations politiques se déclarent opposées à ce système. Le Parti socialiste (PS) vient de demander un moratoire sur l'utilisation des machines à voter électroniques lors des prochaines élections présidentielle et législatives. La semaine dernière, la direction du PS a tiré la sonnette d'alarme contre «les risques de fraude et d'erreurs massives». La députée européenne, Adeline Hazan, membre du bureau national du PS et chef de file de l'opposition municipale, explique la crainte du PS par la faiblesse technique des appareils installés dans certaines villes comme les villes d'Epernay et d'Issy-les-Moulineaux. Cela justifie, à ses yeux, «la très grande vigilance du PS». De son côté, le candidat centriste, François Bayrou, avait déclaré, rappelons-le, en début mars, qu'il fallait «suspendre toute utilisation» de ces appareils qui équipent une cinquantaine de communes françaises. La fiabilité du système en question a fait l'objet de plusieurs enquêtes récemment. Peut-on détecter un trucage? Est-ce que la vérification est possible? La réponse à ces questions reste toujours inconnue. Malgré les assurances des responsables municipaux et des expérimentateurs, le système électronique est controversé. Ses adversaires estiment qu'il remet en cause la régularité des opérations électorales (secret du vote, transparence du dépouillement...) et qu'étant adopté au cas par cas, il rompt l'égalité entre les citoyens. La machine électronique supprime le vote nul. Toutes les machines à voter ne proposeront que deux choix: le vote pour son candidat ou le vote blanc.Cette disposition technique épargnera aux scrutateurs les fastidieuses manipulations des bulletins nuls, source de bien des contestations. Le bureau national du PS craint les «multiples incidents de fonctionnement», qui auraient été répertoriés aux Etats-Unis sur les machines ES&S-iVotronic, ainsi que les réticences de certains pays européens, comme l'Irlande et les Pays-Bas, sur les machines de marque Nedap, qui représentent 80% du parc installé en France. Aujourd'hui, il existe trois modèles d'ordinateurs de vote agréés: Nedap, le plus utilisé (45 villes, 800 bureaux de vote équipés), Point & vote et iVotronic. Ces modèles ne gèrent que l'enregistrement du vote et le dépouillement. L'identification de l'électeur et l'émargement se déroulent comme pour les votes «papier». Enfin, il reste à savoir si les machines à voter fonctionneront parfaitement le jour J.