Sur les affiches des partis qui les présentent, elles préfèrent se cacher derrière des silhouettes Les élections législatives qui sont censées être un moment d'affirmation et de confirmation de leur rôle politique sont devenues une occasion pour réveiller les conservatismes et les machismes les plus brutaux. Beaucoup de femmes candidates sur des listes électorales aux prochaines élections législatives refusent de dévoiler leur visage. Sur les affiches des partis qui les présentent, elles préfèrent se cacher derrière des silhouettes. Ainsi donc, au lieu d'aller à la recherche de candidates sérieuses, ambitieuses et ayant une vision, un projet, «un visage» à présenter et défendre, ils se rabattent sur des candidates alibis pour compléter leurs listes. Ce faisant, il commettent des ravages symboliques qui vont parfaitement à l'encontre des objectifs recherchés, à travers la mise en place du quota de 30% de femmes imposé par la réforme induite par le président Bouteflika en 2011. Pourtant, cette réforme est considérée comme une forme de «discrimination positive» par plusieurs militantes féministes qui y ont vu un moyen de promouvoir le rôle de la femme en politique. Une pétition a même circulé dans les milieux progressistes et féministes algériens pour apporter une caution à ce projet... Aujourd'hui, compte tenu de la condition de la femme qui reste juridiquement fragile et sociale, soumise aux desidérata d'un environnement machiste et patriarcal, il était et est encore évident que l'évolution de la femme ne peut ni se décréter ni s'imposer par le haut, mais se construire dans un rapport de forces concret au sein du corps social. Le cas échéant, les bons gestes des législateurs, aussi sincères soient-ils, ne peuvent que se fracasser contre les résistances de la société. Il en est d'ailleurs ainsi de la réforme du président Bouteflika qui a imposé un quota de 30% de femmes dans les listes électorales et ce malgré l'adhésion grandiose qu'a suscité le texte portant cette réforme lors de son adoption. Présentement, c'est l'inverse de ce pourquoi elle a été adoptée que cette réforme produit. En effet, en lieu et place de la valorisation de la femme et de la promotion de son rôle politique, cette exigence a été détournée par la majorité des partis politiques pour «humilier la femme et rappeler spectaculairement le rôle «secondaire», voire «figuratif», «instrumental» qu'elle est appelée et qu'elle doit jouer dans la société. Ainsi, en plus du fait que les femmes têtes de listes sont très peu nombreuses et n'atteignent en proportion même pas 20% de l'ensemble des candidatures, la majorité des femmes candidates figure au pied des listes et ne joue que l'accessoire rôle de figurantes. Mais pas seulement. Car, dans nombre d'affiches publicitaires des partis, les visages des femmes candidates se cachent derrière des silhouettes génériques. En plus de leur faire jouer un rôle de figurantes, ces partis ne mettent même pas les visages sur leurs affiches et documents publicitaires, ce qui est une perversion et l'idée même de «la présentation» et de «la représentation» de la femme. Cet état de fait, pour banal qu'il paraisse aux yeux de certains observateurs, reste néanmoins fort révélateur du poids du conservatisme, du machisme et du patriarcalisme dans la société. Ceci est davantage grave et dangereux quand on sait que ce ne sont pas seulement les partis réputés être islamistes ou conservateurs qui recourent à ce type de pratiques, mais également des partis ayant leur existence durant, revendiqué des visions progressistes, comme c'est le cas de l'Ufds qui a présenté des listes où aucun visage de femme n'est visible, toutes les candidates étant occultées par des masques-néants. Certains observateurs tentent de relativiser et de mettre ces pratiques sur le dos de la réticence de certaines femmes qui se voient investir le champ politique pour la première fois, arguant qu'une évolution graduelle va sans doute se faire en la matière. Mais, raisonnablement, il est difficile d'admettre qu'une femme qui prétend au statut de législateur soit frileuse sur une question aussi banale que le dévoilement de son visage, encore moins de lui faire confiance et de lui accorder sa voix, d'autant plus que, en plus de la méfiance qu'elle suscite, ces attitudes sont symboliquement fort humiliantes pour les femmes concernées en particulier et pour la femme algérienne en général, idéologiquement fort suggestives puisque, indirectement, elles cautionnent les conservatismes, les machismes et les patriarcalismes en vigueur dans la société et politiquement évocateurs de l'inconsistance et de l'inconséquence disciplinaire, et intellectuelle des partis concernés, tout particulièrement les partis de la mouvance démocratique, comme c'est le cas de l'Ufds, qui semble fermer les yeux sur ces graves dérives symboliques. Il est vrai que pour l'heure, cette pratique reste un épiphénomène, mais le fait qu'elle soit tolérée par des partis n'ayant jamais caché leur engagement en faveur de l'égalité homme-femme, risque de donner bonne conscience aux forces conservatrices et pousser vers sa généralisation lors des prochaines élections, notamment les municipales dont les relents villageois et tribaux sont à même de réveiller les gènes du conservatisme le plus brut et brutal.