Redonner à l'ecole algérienne sa véritable place Avec un pareil objectif, la ministre de l'Education ouvre le chantier le plus crucial et le plus déterminant de l'avenir de la nation algérienne. Benghebrit se dit déterminée à aller au bout de sa mission. Beaucoup de monde en embuscade pour une même cible. Nouria Benghebrit, la ministre de l'Education nationale. A quelques semaines du déroulement des examens de fin d'année, les islamo-conservateurs, des partis politiques, des intellectuels arabophones s'échauffent, scénarisent pour trouver la meilleure formule à même d'abattre cette Dame. Pourquoi ne pas rééditer par exemple le scénario de l'année dernière quand les fuites des sujets du baccalauréat sur les réseaux sociaux ont suscité une indignation nationale? Le premier ministre avait alors évoqué un complot contre l'Etat. Accusée datteinte à l'unité nationale, doutes sur ses origines, fuites organisées des examens, erreurs dans les manuels scolaires, accusations d'atteinte à l'unité nationale et le chapelet d'accusations est encore long. Après les injures, les campagnes de déstabilisation, de sabotage et de dénigrement, tous les coups sont permis, mais il en faut cependant beaucoup plus pour décourager cette inflexible Dame chargée expressément par le président Bouteflika de réformer l'école. Une mission d'une extrême complexité que celle de mener des réformes dans un système éducatif sclérosé par la pensée conservatrice. Mais le choix du chef de l'Etat est judicieux. Directrice du Centre de recherches en anthropologie sociale culturelle d'Oran (Crasc) de 1992 à 2014, membre du Conseil économique et social des Nations unies, auteur de plusieurs ouvrages et de publications de rang international, la ministre Benghebrit, qui détonne dans le paysage politique national, est dotée de solides atouts pour mener à bon terme la mission confiée par le président Bouteflika: réformer une école «sinistrée». En plus du blanc-seing du chef de l'Etat, cette petite-fille de Kaddour Benghebrit, fondateur de l'Institut musulman de la Grande mosquée de Paris, est portée par un soutien inconditionnel du Premier ministre, Abdelmalek Sellal. Il ne peut être autrement quand il s'agit de porter un choix sur un modèle de société. Pour l'heure, le constat est sans appel: l'école algérienne, de l'avis de tous les experts, est une calamité. Sur 100 élèves qui entrent à l'école primaire, cinq seulement décrocheront le bac sans redoubler.Aucun Etat au monde ne peut se targuer de pérennité avec un système éducatif boiteux qui reproduit l'échec. C'est un axiome, les nations se construisent sur la base d'une école moderne et ouverte. C'est parce que Benghebrit a tenté d'assécher ce marécage dont se nourrissent tous les obscurantismes qu'elle déchaîne les passions. Son projet de réformes inspiré des recommandations de la commission Benzaghou, laquelle commission a été installée par le président Bouteflika, dérange, fait peur. Car le raisonnement, l'esprit cartésien, la logique ne s'accommodent jamais avec l'obscurantisme. A l'apprentissage des langues et des sciences, l'acquisition de compétences, le goût de la réflexion et de l'innovation, les islamo-conservateurs préfèrent substituer l'apprentissage des ablutions et comment laver les morts. L'enjeu est de taille, et ce sont deux projets de société qui s'entrechoquent. De cette confrontation est d'ailleurs né le feu de la décennie noire entre la famille qui avance et celle qui recule. Tout en réformant les programmes, elle s'est attelée à former le personnel de l'Education nationale, des enseignants aux inspecteurs. Elle a procédé aux recrutements sur concours national transparent ouvert aux universitaires. Pas moins de 40.000 enseignants seront recrutés à la prochaine rentrée. Les manuels scolaires ne sont pas du reste: de 20% on passe à 80% d'auteurs algériens dans ces manuels, ce que ses détracteurs appellent «occidentaliser l'école algérienne». Avec un pareil objectif, la ministre de l'Education ouvre le chantier le plus crucial et le plus déterminant: l'avenir de la nation algérienne. Benghebrit se dit déterminée à aller au bout de sa mission. Elle a à coeur de réformer l'école en ruine. Mais qui dit ruine sous-entend en filigrane la reconstruction. L'espoir est possible sur ce champ de décombres où repousseront des fleurs... avec leurs épines.