Qui dit presse écrite dit avant tout journalisme et journaliste. D'abord pour la nature du métier, ensuite pour les possibilités qu'il offre dans le traitement et la diffusion de l'information puis du message. Nonobstant les difficultés inhérentes aux aléas du métier, le journaliste est le plus souvent accusé, à tort ou à raison, du traitement sélectif de certains sujets relatifs à la culture. Si pour certains analystes, le journaliste semble en proie à une frénésie de scoop au détriment des valeurs colporteuses d'éducation nationale, il n'en demeure pas moins que les chargés de sa diffusion (la culture) ne ménagent, à mon humble avis, pas assez d'efforts pour influer sur le cours des tendances et tenter de les inverser au profit de la bonne cause. En l'absence d'une politique de gestion de la communication propre au patrimoine, la presse, qu'elle soit publique ou privée, n'accordera d'attention au sujet que ce que le secteur concerné lui offre comme moyens pour sa médiatisation. La préservation et la promotion du patrimoine restent étroitement liées à une démarche politico-communicative insufflée par les pouvoirs publics et en particulier le secteur de la culture. Notion et politique du patrimoine Au risque d'être corrigée par nos spécialistes, notre intention est d'esquisser uniquement la notion et non la définir. Je pourrais dire que la perception que nous avons aujourd'hui du patrimoine va au-delà de la simple collection d'objets d'art, de circonscription archéologique, d'entretien de vestiges ou de monuments dits «historiques». Le patrimoine s'étend aujourd'hui aux substrats matériels et immatériels. A des échelles et des temporalités différentes, il évolue progressivement de la culture à la science. Il y a lieu de retenir par ailleurs que l'idée est de naissance occidentale. Que ce soit dans l'évolution ou la progression du concept à des niveaux macro et microéconomiques, ou à travers les règles juridiques élaborées pour sa prise en charge, le statut qu'il mérite, son traitement et sa valorisation sont dimensionnés dans un contexte dit universel. Le patrimoine est, à mon sens, d'essence culturelle. C'est le réceptacle où se niche notre mémoire collective, notre différence, notre identité et nos valeurs ancestrales sur lesquelles se fondent la nation. C'est pour cela qu'il faut s'y intéresser. L'entourer de tout l'intérêt nécessaire est impératif pour sa promotion. Les notions diffèrent selon l'espace et le temps, selon les rapports socioéconomiques et politiques qu'entretiennent un ou des groupes sociaux avec leur environnement immédiat, leur nation toute entière. Le rapport peut, en l'occurrence, s'étendre comme c'est le cas aujourd'hui à des espaces politiques plus étendus. Les conventions internationales en la matière le prouvent. Il n'est pas de notre ressort de définir l'ensemble de ce contour, mais je peux néanmoins dire que de la simple propriété individuelle, en passant par l'espace urbain qu'est la ville au territoire national, la notion de patrimoine s'esquisse différemment. Elle se complexifie chaque fois que le débat idéologique s'enrichit d'un concept fédérateur. Quant à la politique nationale entreprise jusqu'à l'heure, elle gagnerait a être impulsée énergiquement. Le patrimoine mérite plus d'attention et d'égards de la part de toute la hiérarchie politique, des collectivités locales aux associations nationales. Elle doit adapter des méthodes modernes et des démarches participatives et de proximité dans la reconquête de la culture locale. Car il s'agit pour le cas de notre pays de restituer ce que la colonisation a essayé d'enterrer. On s'étonne de constater que notre politique est presque dictée par les organismes internationaux, à savoir l'Unesco et l'Alesco entre autres. Ils décident de la classification, de la normalisation et même des méthodes d'analyse et d'identification de notre patrimoine historique. Certains sites nationaux méconnus du grand public sont déjà partie intégrante du patrimoine mondial. Ceci ne réduit en rien leurs valeurs intrinsèques, mais témoigne par contre de l'absence d'une stratégie nationale en la matière. La séparation de la culture et la communication au niveau décisionnel le prouve. La culture est orpheline. Et la communication cherche preneur. Les objectifs de toute politique du patrimoine sont, bien entendu, la préservation, la conservation et l'entretien, la restauration, ainsi que la gestion. Et plus important encore à travers cette liste d'actions reste la médiatisation aux fins de la culturation des générations. En un simple mot, c'est l'urbanité recherchée pour le citoyen dans toute sa dimension sociale, économique, politique et historique. En terme journalistique, c'est sensibiliser par le biais de la diffusion de l'information pédagogique à travers une démarche communicative bien gérée. C'est une tâche bien ardue, qui mérite non seulement l'attention nécessaire, mais aussi un engagement de fer. De l'information au message, un travail de longue halène les attend. Un engagement encore plus valorisant si le spécialiste en la matière sensibilise à son tour le journaliste et le professionnel des médias. Pour ce faire, si la presse est redevable de cet engagement vis-à-vis de la mémoire, la politique et ceux qui la font le sera tout autant. Le journaliste est porteur de cette action pédagogique si on lui procure les moyens de cette politique. Le journalisme est une profession qui consiste en la collecte, le traitement et la diffusion de l'information. Cette dernière est issue de faits qu'il s'agit de proposer au large public dans un emballage adéquat. Cette offre constitue l'ossature du journal. C'est un acte de marketing puisqu'il engage une économie et incite un marché d'offre et de demande. Ce qui intéresse en premier lieu le journalisme, c'est l'actualité. C'est une marchandise périssable qui se vend dans l'immédiat. Le travail d'investigation réclame plus de temps. Il s'agit de recouper, d'analyser et de traiter minutieusement le sujet. C'est un processus plus long et plus complexe. A cet égard, le constat est évident. Le patrimoine est devancé par nombre de préoccupations sociales: le logement, l'emploi, la santé et bien d'autres paliers de la vie quotidienne. Cette classification presque naturelle est calquée dans le schéma technique d'exercice du journalisme. La profession de journaliste explicitée au titre 3 du code de l'information, dans son article 28, stipule : «Est journaliste professionnel toute personne qui se consacre à la recherche, la collecte, la sélection, l'exploitation et la présentation d'informations et faits de cette activité sa profession régulière et sa principale source de revenus». Le journaliste est tenu de répondre à cette exigence en se consacrant exclusivement au travail d'investigation et de recherche, de collecte et de sélection des faits sociaux pour leurs exploitations à des fins de sensibilisation. Le passionné ou l'amateur est désintéressé. Son unique désir est de planer dans cette atmosphère belliqueuse du quatrième pouvoir sans aucun engagement. La réalité est donc tout autre. La majeure partie des journalistes susceptibles de répondre à cette exigence et qui peuvent agir dans l'intérêt de la promotion et sensibilisation patrimoine exercent en temps partiel, car il s'agit de profils et non de professionnel des médias. L'autre aspect concerne aussi bien le choix des organes de presse qui ont recours à la pige, comme moyen de réduire conséquemment leurs dépenses, mais aussi à la collaboration ou au partenariat. Les correspondants locaux recrutés dans l'optique initiale ne répondent souvent pas à la seconde. Le journal gère ainsi ses finances et fait abstraction des sentiments des journalistes ou leurs préoccupations culturelles. L'absence de spécialisation, une autre face de l'hydre accentue l'écart déjà sidérant de la gestion du patrimoine. Cette lacune amplifie en ce sens le désavantage cumulé au titre des difficultés qui entravent la prise en charge de la question. Elle pousse par contre à une réflexion profonde sur la stratégie à entreprendre pour infléchir la tendance. Encore un désavantage qui plaide pour une démarche... Le champ médiatique national peut s'évertuer d'être bien lotis en matière de foisonnement d'organes. 105 titres nationaux couvrent ainsi cet espace aujourd'hui. Parmi eux, nous enregistrons 45 quotidiens dont 25 en langue française, 49 hebdomadaires dont 28 dans la même langue et 11 magazines qui touchent entre autres thématiques à l'économie, la médecine, le sport et très peu, voire un, à la culture. En matière de tirage, les quotidiens nationaux réunis nous donnent 1.500.000 exemplaires/jour. les hebdomadaires comptabilisent à eux seuls plus de 622.000 exemplaires par semaine. Quant aux magazines, ils ne dépassent pas les 600.000 exemplaires. Une simple arithmétique nous renseigne sur le faible impact médiatique de ces supports. Ce quantitatif n'apporte en réalité que très peu en la matière. 5% de la population est ainsi touchée par la presse quotidienne si nous considérons le non-vendu comme négatif. Le champ médiatique se rétrécit davantage avec les rubriques et les priorités qui s'y greffent. La page culturelle est le plus souvent reléguée au dernier rang dans la hiérarchie éditoriale. La lecture de cette page est réduite ainsi à une marge de 0.2% de possibilités. La lecture type est en quête généralement d'actualité, de sensationnel ou de faits divers anodins et divertissants. La publicité, un autre rempart, s'impose aujourd'hui par la multitude de ses offres. L'actualité nationale constitue le maillon de la chaîne, suivie des rubriques international, sport et les faits divers. La page culturelle est une sorte de mesures d'accompagnement. Bien qu'elle soit quotidienne, elle reste accessoirement disposée et sous-traitée par la rédaction. Le traitement de l'information relative au patrimoine est conjoncturel, occasionnel ou circonstanciel. Le journaliste quant à lui, son pouvoir d'influence dans certains journaux est d'autant plus réduit dans la prise de décision éditoriale que l'est la rubrique. Le code de l'information au titre, une des dispositions générales, nous informe que «les titres et organes d'information... participent au rayonnement de la culture nationale et à la satisfaction des besoins des citoyens en matière d'information, de développement technologique, de culture, d'éducation et de loisirs, dans le cadre des valeurs nationales et de la promotion du dialogue entre les cultures du monde, conformément aux articles 2, 3, 8 et 9 de la Constitution». Cette manière de stimuler l'engagement, n'est qu'un souhait et non une exigence. Elle reste imposée uniquement aux organes étatiques du secteur public qui n'affrontent pas le marché. Il y a lieu de souligner alors qu'une stratégie communicative s'impose à ce titre pour parer à cette hégémonie moderne du marché de l'information. Inverser les tendances, c'est adopter donc une démarche stratégique conséquente. Démarche communicative La presse et les institutions comme le souligne un professionnel sont condamnées à s'entendre. L'un a besoin de l'autre et la réciproque est vraie. Les institutions sont des sources d'informations fiables et le journaliste est pour eux le meilleur médiateur avec la population. Cette interaction plaide pour la mise en place d'une stratégie commune de communication. Comme l'information est le plus souvent plus abondante que sa diffusion, il est nécessaire pour réussir une démarche sectorielle d'essayer de se placer en première ligne dans ses priorités. Les études en la matière nous conseillent d'adopter vis-à-vis du journaliste une attitude de partenariat et non d'adversité. Il s'agit de communiquer ensemble avant de le faire avec le public. Pour la promotion du patrimoine, une information occasionnelle relative à une journée ou un événement particulier est certes utile, néanmoins dépourvue d'impact pédagogique. Le sentiment ou le ressentiment que ronronnent nos concitoyens envers tout ce qui représente le beylek, une notion qui perdure malheureusement encore au sein de notre société, est qualifié de propagande. Les outils de communication indispensables à une bonne démarche sont : la conférence de presse, le dossier de presse, l'attaché de presse, le club et les éditions en tous genres, bulletins, lettres etc. Cette panoplie de moyens bien que conventionnels, est d'une retombée très positive dans une stratégie mûrement réfléchie. Si le premier outil permet une livraison directe de l'information à plusieurs journalistes à la fois en répondant à leurs éventuels interrogations, le second bien préparé leur permet d'épargner du temps et de l'énergie dans la recherche, le traitement de cette information. L'attaché de presse par contre, s'il noue avantageusement des relations d'équité avec la presse, réussira à fédérer leurs énergies et leurs professionnels à sa cause. Nous n'avons pas la prétention d'avoir épuisé le sujet, mais notre objectif initial était de permettre une plus large vision sur la question qui demeure inépuisable. Permettre l'ouverture des pistes de réflexions, de débats et de recherche en matière de communication institutionnelle et en particulier celle liée à la presse écrite. Le même schéma avec quelques adaptations peut s'étendre aux autres médias. La politique de gestion du patrimoine devrait s'en inspirer.