Prenant tout le monde par surprise, la Première ministre britannique Theresa May a appelé hier à la tenue d'élections législatives anticipées le 8 juin afin de renforcer sa majorité en vue des négociations du Brexit. Les divisions au Parlement de Westminster «menacent nos chances de faire du Brexit un succès. Tenir ces élections est l'unique moyen d'assurer la stabilité pour les années à venir», a souligné la cheffe du gouvernement conservateur dans une déclaration solennelle devant sa résidence officielle du 10, Downing Street. Pour valider la tenue du scrutin, la Première ministre doit encore obtenir aujourd'hui l'aval du parlement à la majorité des deux tiers. L'opposition travailliste a donc en théorie le pouvoir de bloquer l'initiative. Mais son leader Jeremy Corbyn a immédiatement «accueilli favorablement» l'annonce de Theresa May, laissant anticiper un feu vert sans équivoque des députés. La perspective d'élections anticipées a immédiatement fait grimper la livre. En poste depuis moins d'un an, Mme May compte tirer profit de l'extrême faiblesse des travaillistes dans les sondages pour conforter son mandat et sa majorité par le vote populaire avant les difficiles négociations sur la sortie de l'Union européenne. Mme May a pris les rênes de l'exécutif, sans être élue, quelques jours après le coup de tonnerre du référendum du 23 juin 2016 où les Britanniques se sont prononcés à près de 52% pour un Brexit, conduisant son prédécesseur conservateur David Cameron à la démission. Les prochaines élections législatives n'étaient prévues que pour 2020. Mais Theresa May, dont la popularité est au zénith, a estimé que c'était le bon moment pour renforcer sa légitimité et avoir les coudées franches, alors que s'ouvre une période de deux ans de discussions délicates avec l'UE. «Nous avons besoin de nouvelles élections et nous en avons besoin maintenant. Nous avons une opportunité unique de le faire avant d'entrer dans le vif des négociations» avec l'UE, a-t-elle déclaré. Le leader du parti libéral-démocrate, Tim Farron, a quant à lui appelé les pro-UE à saisir «cette chance pour changer la direction de notre pays» et «éviter le désastre d'un Brexit dur», qui verrait une sortie du pays du marché unique, comme le préconise Theresa May. A ce jour, le parti conservateur ne dispose que d'une courte majorité de 17 députés au parlement de Westminster et le gouvernement n'est pas à l'abri d'une rébellion dans son propre camp susceptible de freiner son action. La tentation était grande d'augmenter cette majorité puisque les sondages prédisent tous un boulevard aux Tories face aux travaillistes et leur leader radical Jeremy Corbyn en cas d'élection anticipée. Deux enquêtes d'opinion publiées le week-end dernier par les instituts You Gov et ComRes ont encore donné 21 points d'avance aux conservateurs, un gouffre que Theresa May a donc finalement choisi d'exploiter. Si le scénario d'élections anticipées donnait lieu à des spéculations récurrentes, l'annonce hier en milieu de matinée par Downing Street que l'ancienne ministre de l'Intérieur allait s'exprimer une heure plus tard devant sa résidence officielle a pris tous les observateurs par surprise. Ces dernières semaines, les services de la Première ministre avaient vigoureusement écarté la tenue de telles élections. Mme May a dit avoir longtemps réfléchi avant de se résoudre «avec réticence» à appeler de nouvelles élections. Mme May a formellement déclenché le processus de sortie de l'UE le 22 mars, soit neuf mois après le référendum, ouvrant la voie à deux ans de négociations pour défaire les liens tissés pendant 44 ans entre le Royaume-Uni et l'UE. Les discussions ne devraient pas commencer véritablement avant fin mai-début juin pour un départ effectif du Royaume-Uni de l'UE prévu fin mars 2019.