La Première ministre britannique Theresa May a mis en garde les parlementaires de son pays contre un blocage du Brexit, dans des déclarations publiées dimanche, après que la Haute Cour de Londres a jugé qu'ils devaient être consultés. Après cette décision rendue jeudi, le gouvernement conservateur a annoncé qu'il ferait appel devant la Cour suprême, et Mme May a affirmé maintenir son calendrier inchangé. Dans des déclarations publiées dimanche avant une visite en Inde, Mme May a mis en garde les membres du Parlement contre la tentation d'utiliser leur vote pour aller à l'encontre des résultats du référendum de juin, qui a vu la victoire du Brexit, la sortie du Royaume-Uni de l'Union européenne. Le résultat a été clair. Il est légitime. Les parlementaires qui regrettent les résultats du référendum doivent accepter ce que le peuple a décidé, a déclaré Mme May. La décision de la Haute Cour a suscité la colère de partisans du Brexit, inquiets du risque de torpillage par des parlementaires pro-UE du processus de mise en œuvre de cette sortie de l'UE, que Mme May a déclaré vouloir lancer avant fin mars. Ce n'est pas dans l'intérêt du pays, et cela ne nous aidera pas à obtenir les meilleures conditions pour la Grande-Bretagne, a déclaré la Première ministre. Nous devons maintenant nous concentrer sur la recherche de la meilleure issue, a-t-elle ajouté. Cela signifie maintenir notre plan et notre agenda, développer notre stratégie de négociation et ne pas mettre toutes nos cartes sur la table, a-t-elle dit. La décision de la Haute Cour de Londres, si elle est confirmée par la Cour suprême, risque de provoquer des débats parlementaires à rallonge, susceptibles de ralentir significativement la mise en œuvre du Brexit et de peser sur les négociations entre Londres et Bruxelles. Le leader du parti travailliste, Jeremy Corbyn, a déclaré qu'il n'avait pas l'intention d'œuvrer à l'inversion du résultat du référendum. Mais il a indiqué, dans une interview au Sunday Mirror, qu'il voterait contre l'activation par le gouvernement de l'article 50 du Traité de Lisbonne - qui lance la procédure de sortie de l'Union européenne - à moins que Mme May n'accepte d'œuvrer au maintien de l'accès de la Grande-Bretagne au marché unique européen et de garantir les droits européens sur le travail après le Brexit. Ces sujets doivent être la base des négociations. Et cela n'entraînera pas nécessairement un retard dans le processus, a dit M. Corbyn. Nous ne mettons pas en cause le référendum, a poursuivi le chef du principal parti de l'opposition britannique. Nous n'appelons pas à un second référendum. Nous appelons à ce que l'industrie britannique ait accès au marché européen. La décision de la Haute Cour a suscité des spéculations selon lesquelles Mme May pourrait convoquer des élections anticipées pour renforcer le soutien dont elle dispose à la Chambre des communes avant un vote sur l'UE. Les prochaines législatives ne sont pas prévues avant 2020. M. Corbyn a déclaré: Si le gouvernement convoque des élections, nous y sommes prêts. Défense de la justice Le gouvernement britannique a pris samedi la défense de l'indépendance de la justice. Il réagissait aux critiques portées contre la Haute Cour qui a jugé nécessaire jeudi que l'exécutif obtienne l'aval du Parlement avant d'entamer la procédure de sortie de l'UE. Dans un bref communiqué, la ministre de la Justice Liz Truss a rappelé que l'indépendance de la justice était "la base sur laquelle se fonde notre état de droit". Ce rappel fait suite aux critiques qui ont accompagné la décision des juges de la Haute Cour d'Angleterre. Un autre membre du gouvernement, Sajid Javid, secrétaire d'Etat aux Communautés et au Gouvernement local, a ainsi jugé que la décision des juges était "inacceptable" et contraire "à la volonté des Britanniques", qui se sont prononcés pour le Brexit lors du référendum du 23 juin. Le Daily Mail, à la une de son édition de vendredi, a estimé quant à lui que les trois juges à l'origine de cet arrêt étaient des "ennemis du peuple" "déconnectés" dont la décision va à l'encontre des suffrages des 17,4 millions de Brexiters. Relents "fascistes" Mais d'autres voix conservatrices se sont élevées contre ces réactions qui, selon l'ex-procureur général Dominic Grieve, ont des relents "fascistes". "Cela témoigne d'une totale incompréhension de la Constitution britannique (...) ou d'une volonté délibérée de la détruire", poursuit-il samedi dans les colonnes du Times. Dénonçant une atteinte à l'indépendance de la justice, le député tory Bob Neil, président de la commission judiciaire de la Chambre des communes, a jugé que de tels propos n'avaient "pas leur place dans un pays civilisé" et a invité Theresa May à réagir. Indépendance de la justice "L'opinion britannique reste convaincue de l'indépendance et de la probité des juges, mais ces propos médiatiques au vitriol au sujet du Brexit leur portent atteinte", écrit quant à lui l'ex-ministre de la Justice Charles Falconer dans le Guardian. Enjoignant dans un communiqué au gouvernement de condamner dans l'urgence ces "attaques injustifiées", le conseil du barreau d'Angleterre et du Pays de Galles a rappelé pour sa part qu'"une justice indépendante et forte est essentielle au fonctionnement de la démocratie et au maintien de l'état de droit". Mais Stephen Glover, éditorialiste du Daily Mail, a défendu samedi la couverture de l'affaire par son journal. Les juges, dit-il, n'ont aucune raison de se sentir intimidés par les critiques suscitées par leur décision. Theresa May a assuré vendredi la chancelière allemande Angela Merkel et le président de la Commission européenne Jean-Claude Juncker que la décision de la Haute Cour n'aurait pas de conséquences sur le calendrier du Brexit. La Première ministre entend entamer cette procédure de divorce à la fin mars.