Un tournant décisif dans l'histoire de l'Algérie venait d'être abordé ce jour. «Les massacres de mai 1945 ont été un autre tribut que notre valeureux peuple à dû payer de sa chair et de son sang pour la liberté alors qu'il voulait exprimer sa joie. (...) Mais en guise de récompense, il dut subir les feux du napalm des tyrans du colonialisme lancés d'abord à l'est du pays pour s'étendre ensuite à travers tout le territoire», s'indignait, l'année dernière, le président de la République, Abdelaziz Bouteflika, pour qui «l'évocation de cet événement n'est qu'une opportunité pour interpeller la conscience humaine, confronter le criminel au drame de la victime et rappeler au monde entier le lourd tribut payé par notre peuple pour le recouvrement de sa fierté, sa dignité, sa liberté et sa souveraineté». L'averse de grêlons fait «le lit de son maître» disait, sur ces mêmes colonnes, Bachir Boumaâza, président de la fondation 8-Mai 1945, en référence au 1er-novembre 1954. Alors que l'Allemagne nazie capitulait et l'Europe fêtait sa libération, le peuple algérien, dont de nombreux fils ont laissé leur vie pour cette libération, s'apprêtait à réclamer, pacifiquement, son droit à l'existence et à la liberté. En effet, le déclenchement de la révolution armée était tout entier inscrit dans tous les aspects qui définissent «les événements du 8 mai 1945» ayant fait plus de 45.000 morts. «Aujourd'hui, les historiens et les politiques(...)qui ont étudié cette période, s'accordent à dire que le 8 mai 1945 fut la date fatale à partir de laquelle la révolution devint inévitable», soulignait Boumaâza. «Mai 1945 n'est pas perçu seulement sous l'angle de son bilan en pertes humaines et matérielles, mais par ses riches enseignements qui vont nourrir la réflexion du mouvement national. Les échecs sont souvent pour les peuples, une source d'enseignements précieuse pour opérer des avancées qualificatives sur leur parcours, il en fut ainsi du 8 mai 1945» ajoutait-il. Ainsi, dans sa logique tyrannique de «bastonnade», la France aura permis, à son détriment, une prise de conscience collective des politiques algériens et du peuple en général. Une «erreur» qui n'avait fait que le bonheur de cet «indigène». Cette «méprise» a permis à «cet Algérien» de franchir l'étape du «sous-développé» pour affirmer son entité propre. En effet, par sa politique de «matraquage», la France a sonné la fin d'une longue nuit coloniale et la rupture avec le processus d'assimilation. Un tournant décisif dans l'histoire de l'Algérie venait d'être abordé en ce jour fatidique. Les dirigeants nationalistes avaient saisi ce jour toutes les tergiversations du colon qui n'admettait pas que ce «nationaliste» devienne citoyen indépendant. Cette prise de conscience de nos dirigeants aura, par ailleurs, enclenché le processus de lutte pour l'indépendance. «Ce sont ces événements qui ont orienté les jeunes de ma génération vers le nationalisme» rappelait Me Abdenour Ali-Yahia, président de la Ligue algérienne de la défense des droits de l'Homme ( Laddh) après que la France n'eut pas tenu ses engagements. Cette France des droits de l'homme, cette France de la civilisation qui avait trahi ceux qui l'ont défendue et libérée du nazisme. Aujourd'hui, la France en particulier, fête en grande pompe la victoire sur le nazisme sans pour autant avoir reconnu ses «crimes contre l'humanité» de manière officielle même si M. Colin de Verdière, ambassadeur de France à Alger, a qualifié ces événements de «tragédie inexcusable». De ce fait «les Français sont donc plus prompts à évoquer les grands principes des droits de l'Homme s'agissant des exactions nazies mais s'agissant de leurs crimes, ils rechignent à les reconnaître» analysait Bachir Boumaâza. Les événements de 1945 auront été ainsi un prélude à la naissance du nationalisme algérien qui a permis à l'Algérie de recouvrir son indépendance.