«L'année dernière, on a eu près de 60 milliardaires à l'Onda» Rencontré à l'Esplanade de Riad El Feth où s'est tenue du 27 avril au 3 mai la 3ème édition du Salon de la créativité, le directeur de l'Office national des droits d'auteur et droits voisins (Onda) a établi avec nous le bilan de cette manifestation, non, sans nous faire part de plusieurs projets, voire d'importantes révélations sur la situation des droits d'auteur et la place qu'occupe l'Algérie dans le sillage international... L'Expression: Quelle évaluation faites-vous de cette édition du Salon de la créativité qui vient de fermer ses portes? Sami Bencheikh: Si je dois tout de suite évaluer la portée de cet événement, je dirais d'abord que sur le plan de la participation et par rapport aux années précédentes, cette année nous avons eu une envergure d'une dimension internationale. Puisque cette 3ème édition a vu la participation de groupes africains, de la Tunisie, du Maroc, du Cameroun, du Mali. Nous avons également eu au sein de cette 3ème édition du Salon de la créativité une réunion du comité exécutif de Pacsa. Le Pacsa c'est le Panafricain des artistes, une organisation panafricaine sous l'égide de la Sisac, la confédération internationale des sociétés d'auteurs. Ils sont cinq membres dans le comité exécutif... ils étaient là. Ils ont tenu leur réunion, mieux encore! ils ont revu leur statut et ont permis l'entrée d'un artiste algérien en l'occurrence Kouider Bouziane qui a rejoint le Pacsa directement en tant que membre du comité exécutif. L'Algérie est rentrée de plain-pied en tant que membre de droit au sein du Pacsa. Ça c'est le deuxième événement. Le 3ème élément important à souligner est qu'on a eu pendant toute la durée du salon la présence de la Sisac parmi nous. Deux dames de la Sisac étaient là du début à la fin. Elles ont eu la possibilité de rencontrer les artistes algériens, d'échanger avec certaines ambassades ici et avec notre ministre, des associations au sein du salon avec l'Ecole des beaux-arts, l'Insm et pour la bande dessinée avec Z-link. La Sisac pour rappel, représente les plus grandes sociétés du monde en droits d'auteur. Et le fait qu'elle soit présente à Alger avec deux directeurs c'est une véritable victoire. Cela donne plus de crédibilité et de poids au salon et renforce l'image de l'Onda sur la scène internationale... Tout à fait. Cela veut dire que le bruit qui vient d'Alger est écouté. On nous prend au sérieux aujourd'hui. à la Sisac à Paris ils sont 11. Ils ont envoyé deux directeurs ici pendant toute la durée du salon. J'ai vu sur le site de la Sisac une très grande visibilité du salon de créativité. Voilà les trois grandes idées qui ressortent de cette 3ème édition du Salon. Maintenant sur le plan de la participation, nous notons 92 stands. On avait prévu 100. Des participants en tant que stands, des partenaires, des associations, des éditeurs de livres, de musique etc, alors que lors de la 2ème édition, ils étaient 68. En termes de quantité, il y a un bond. Nous avons également eu en termes de visite presque 5000 visiteurs. Hier, nous avons eu 10.000 visiteurs, nous avons emprunté la méthode de calcul de nos amis de la Sûreté nationale qui sont là avec nous. Ils nous ont appris à calculer le flux. Du début à aujourd'hui, nous sommes près de 45.000 à 50.000 visiteurs. C'est énorme pour une activité de jeunes; ce n'est pas la foire internationale, ou le Sila. L'objectif derrière cette activité c'est celui de l'Onda, sensibiliser le maximum de jeunes, de lycéens, étudiants autour de la nécessité de respecter les artistes. La nécessité de représenter les créateurs d'oeuvres c'est pour cela qu'on a des peintres, des sculpteurs, des gens qui font de la recherche en termes de créativité. Et ça donne de merveilleuses choses. Mieux encore, cette édition a vu l'organisation d'une journée de formation pour les étudiants de l'Ismas, des Beaux-Arts et de l'Insm et nous avons eu aussi une matinée avec nos amis les journalistes que nous allons renouveler, car de nombreux journalistes n'ont pu assister à cette demi-journée de formation. Il y avait d'autres actualités sur les élections etc, je me suis engagé à réorganiser dès la fin de ce salon après les élections une journée d'étude entière dédiée à la presse. C'est pour permettre à nos amis de la presse de maîtriser l'activité des droits d'auteur et d'aborder l'exportation des oeuvres, les droits des artistes en connaissance de cause. Il y a une forte dynamique dans le domaine musical en Algérie aujourd'hui. C'est indéniable. Pourquoi ne pas créer à l'instar de la Tunisie avec les JMC qui prennent de l'ampleur ou encore le Maroc (Visa for Music) un salon dans ce sens en Algérie? En fait l'idée de ce salon, c'est aller vers ce genre de manifestation. Vous avez dû remarquer que nous priorisons la musique. Voyez avec les activités artistiques chaque soir, les batlles de musique de break dance, les stands de studios d'enregistrement, de vente de matériels de musique, de sonorisation, c'est vrai que nous sommes en train et probablement la 4ème édition sera un petit Midem. Je peux promettre que si l'Algérie organise un salon de la musique, nous aurons la participation des plus grosses boîtes internationales. Les Marocains et les Tunisiens ont l'évènement mais les relations ce sont les Algériens qui les ont. L'Onda est le seul pays en Afrique et dans le Monde arabe qui siège au conseil d'administration de la Sisac. Monsieur Bencheikh a plus de possibilité d'entrer en contact avec EMI, Virgin etc, les majors de la musique... J'ai plus de facilité étant moi-même membre directeur de la Sisac. Les Tunisiens n'ont pas accès au Sisac, les Marocains non plus. Je pense sincèrement que l'année prochaine on va aller vers un Midem, ce qui se fait chaque année en France. D'ailleurs, c'est dans une semaine, il va s'ouvrir avant Cannes. Nous aurons la chance et le plaisir de l'organiser ici. Je vous le promets. J'y vais depuis deux ans. L'année dernière, j'ai eu l'occasion de présenter une communication sur les droits d'auteur dans les pays arabes... Des artistes plasticiens sont partis à Genève récemment dans le cadre d'un évènement autour de la propriété intellectuelle. Un mot là-dessus? Dans le dispositif international de la propriété intellectuelle, il y a une redevance pour le droit de suite. Le principe c'est lorsqu'un artiste plasticien vend une oeuvre, ou une toile et que cette toile quelques années après, soit revenduee, à chaque fois que cette toile est revendue, on reverse à l'auteur de la toile 5% du nouveau prix. C'est une manière d'intéresser les artistes auteurs des oeuvres aux futures négociations qui vont porter sur leurs oeuvres parce qu'avant, l' histoire des arts plastiques nous a montré que les plus grands auteurs ont vendu des toiles pour cinq centimes, pour trois fois rien du tout. Ces toiles au bout de 20 ans, pourtant ont été vendues à des milliards de dollars alors que l'auteur ne faisait que regarder, le pauvre! Il voyait ses propres travaux vendus à des milliards de dollars alors que lui, il les avait vendus pour manger. La loi internationale introduit ce que nous appelons le droit de suite. L'auteur va suivre la vie de son oeuvre à chaque fois qu'elle est revendue, soit dans le cadre d'un héritage, d'un commissaire priseur, une vente aux enchères etc, on va lui reverser même 30 ans après, 5%du prix de la vente. Et comme les prix augmentent d'année en année, cela veut dire que les 5% qu'il va récupérer à chaque fois, ça sera 10 ou 15 fois plus le prix initial. Cette réunion à Genève porte donc sur ce droit de suite. J'ai envoyé moi-même, à la charge de l'Onda deux artistes algériens dont Zoubir Hellal, mieux encore, il fera partie d'un panel pour intervenir. Car en Algérie, nous sommes avec le Sénégal, les deux seuls pays en Afrique à avoir ce dispositif, celui du droit de suite. C'est dire qu'aujourd'hui en matière de droit d'auteur et de la propriété intellectuelle l'Algérie représente une véritable plaque tournante en Afrique et dans le Monde arabe puisque l'Algérie je le rappelle, va abriter bientôt le bureau extérieur de l'Ompi pour l'Afrique. L'Ompi est en train d'ouvrir des bureaux dans chaque continent. D'ici le mois de novembre, le bureau de l'Ompi sera en Algérie. Ce choix n'est pas fortuit. Actuellement à l'Ompi, il y a un concept en vogue qui s'appelle le «capacity bulding» qui veut dire comment un Etat peut construire des idées, et installer des traditions dans sa société civile, du respect du droit d'auteur, de la propriété de l'Autre. Il faut que les gens comprennent avant d'utiliser un livre, une musique, une pièce de théâtre, un film, il faut demander l'autorisation. Il ne faut pas télécharger, il ne faut pas aller graver ou acheter dans la rue, voilà véritablement l'esprit dans lequel on veut mettre la société civile et nous avons fait un grand pas. Le piratage, nous le savons très bien existe partout dans le monde en dépit de toute les velléités pour l'arrêter, c'est presque utopique d'ailleurs de l'endiguer. Que fait tout de même l'Onda pour combattre et atténuer ce phénomène en Algérie? Le piratage est véritablement un fléau international. Je fais partie des 18 plus grandes sociétés dans le monde, puisque je siège au conseil d' administration de la Sisac, je le rappelle. L'autre fois on était à Pékin, nous avons appelé le responsable de YouTube justement par rapport à ces questions d'utilisation d'oeuvres sans autorisation de leurs titulaires. Aujourd'hui, le piratage est présent partout dans les plus grands pays du monde. Sauf que, en Algérie nous utilisons les rentrées de la copie privée qui est une redevance que nous percevons et qui est versée par les importateurs de PC, de portables, de flash disk, tous les produits qui permettent de fixer une oeuvre, un film. Il y a une redevance que payent les importateurs chez l'Onda. Cette redevance est très importante, car elle bonifie les répartitions des artistes. Par exemple, si vous êtes artiste, quand on vous calcule vos droits, avec le piratage vous n'avez que 100.000 dinars ou 200.000 dinars, mais en multipliant vos droits par 3,5 vous obtiendrez beaucoup plus. On a vu des artistes qui sont arrivés à des milliards. L'année dernière, on a eu près de 60 milliardaires à l'Onda. Il faut qu'il y ait un réflexe pour aller déclarer ses oeuvres à l'Onda, pour les protéger et si ces oeuvres passent à la radio, la télé, sur YouTube ou sur les réseaux, vous percevez des droits. Pour info, après YouTube, nous allons signer dans environ une semaine avec Amra. c'est véritablement la plus grosse boîte aujourd'hui qui gère les réseaux sociaux. Elle réunit huit grandes plates-formes qui exploitent les espaces de diffusion, de téléchargement et de mise à disposition de films, de pièces de théâtre, de clips, nous sommes en phase de négociation. D'ici une semaine, nous allons signer devant la presse avec toutes ces plates-formes. Je rappelle que les montants qui seront versés à l'Onda seront des montants issus des recettes publicitaires. Ils vont nous donner une part de cette pub, lorsque cette publicité est postée sur des oeuvres algériennes. Tout cela va donner encore plus d'oxygène à nos artistes.