Emmanuel Macron accomplit son devoir électoral C'est en «homme libre» comme il aime à se qualifier qu'il aborde la question de la colonisation frontalement et sans aucun complexe. La victoire sans surprise d'Emmanuel Macron au second tour de l'élection présidentielle française ouvre d'excellentes perspectives dans les relations algéro-françaises. Ce jeune homme a pris sur lui de briser les codes et proposer une approche décomplexée du partenariat entre Alger et Paris. En fait, le nouveau président français a mis le doigt sur la plaie et s'est clairement engagé sur la voie de sa guérison, la seule qui vaille et qui consiste à se dire les quatre vérités. Emmanuel Macron a choisi d'abord, Alger pour évoquer sans «sourciller» la question de la colonisation française en Algérie. Féru d'histoire, il savait ce qu'il en était. Il a dit les choses telles qu'elles étaient et telles qu'elles devaient être dites. «La colonisation est un crime contre l'humanité», avait-il affirmé dans un entretien à un média algérien. De retour en France, le candidat à la présidentielle française était conscient du séisme «mémoriel» qu'il venait de provoquer au sein de la société politique de son pays. Il a tenu tête à l'avalanche de critiques, émanant essentiellement des milieux de l'extrême droite et des nostalgiques de l'Algérie française. Vaciller sur ces questions, c'est s'effondrer et se retrouver otage des associations de rapatriés d'Algérie et de harkis. Ses prédécesseurs à l'Elysée ont tenté d'arrondir les angles et ils en avaient perdu toute initiative. Emmanuel Macron, dont la question de la mémoire ne relève pas d'une quelconque stratégie politicienne, a maintenu ses propos, jusqu'au débat d'entre deux tours avec Marine Le Pen où il a clairement annoncé son intention d'ouvrir le dossier de la colonisation tout en soulignant les crimes d'Etat de la France en Algérie. Emmanuel Macron n'est donc pas dans l'apparence ou la séduction politicienne sur le thème de la mémoire. Il n'a pas eu de discours selon les circonstances. Il veut réellement crever cet abcès, pour le bien de la France, d'abord et ensuite pour construire une relation profonde et sincère avec l'Algérie. En stratège accompli, le nouveau président français connaît parfaitement l'importance géostratégique et économique de l'Algérie. Il a compris que toute tergiversation sur la question de la mémoire entraînerait des coupures dans le réseau algéro-français. Cela était le cas avec Jacques Chirac, bâillonné par la loi sur les bienfaits de la colonisation qui a considérablement brouillé les ondes entre les deux pays, jusqu'à enterrer le pacte d'amitié que Paris entendait signer avec Alger. L'épisode Chirac n'est pas unique, puisque après un quinquennat catastrophique de Sarkozy, la tentative de François Hollande de reprendre le dialogue des mémoires s'est heurtée à ses hésitations «politiciennes» sur le sujet. Ce qui a eu pour résultat de refroidir les relations entre les deux pays. C'est sans doute pour avoir bien «lu» l'histoire immédiate algéro-française, que Macron a décidé de construire son mouvement politique «En Marche!» en dehors des influences «mémorielles» pour se soustraire à toute pression. C'est en «homme libre», comme il aime à se qualifier, qu'il aborde la question de la colonisation frontalement et sans aucun complexe. Conforté par des sondages, où une majorité de Français approuvent sa démarche, le nouveau président français jette le pavé dans la mare, sans que cela ne l'éclabousse. Sa «liberté» est certainement son meilleur allié pour refonder les relations entre son pays et son ancienne colonie, l'Algérie. S'ouvre donc une perspective historique, sans précédent dans l'histoire des relations algéro-françaises. Une fois, le complexe du colonisateur enterré, l'Algérie et la France peuvent édifier un partenariat digne de ce qui a été réalisé entre la France et l'Allemagne. Bien mieux encore, disent les spécialistes, dans la perspective d'une relation apaisée entre les Etats, la communauté algérienne de France servira de formidable pont entre les deux sociétés. Il y a dans cette proximité algéro-française dans la métropole un formidable levier de croissance pour l'Algérie et la France. Cela, Macron l'a bien compris et son côté progressiste et humaniste donnera un souffle nouveau au partenariat, non pas seulement en termes de projets physiques à l'image de la très attendue usine Peugeot, mais également dans les esprits, en principe orientés dans le sens d'un contrat d'avenir entre deux nations et deux sociétés qui se respectent. Le ministre des Affaires étrangères, Ramtane Lamamra a affirmé qu'Emmanuel Macron est un ami de l'Algérie. Il ne s'est pas trompé en faisant cette déclaration. A travers ce jeune «prodige» français, l'Algérie et la France ont l'occasion historique de construire un axe Alger-Paris qui rythmera la vie politico-économique en Méditerranée, en Afrique et même en Europe.