La visite qu'entreprendra aujourd'hui et demain le président François Hollande en Algérie devrait être sanctionnée par une déclaration commune, feuille de route d'un «partenariat privilégié tourné vers l'avenir» voulu par les présidents Hollande et Bouteflika. Un projet souvent formulé, mais rarement atteint. C'est un dessein louable, respectable et constructif. Toutefois, ce partenariat «exceptionnel» peut-il se concevoir sans que le passé colonial de la France en Algérie soit définitivement assaini et reconnu ? Il y a eu des précédents qui se sont soldés par l'échec et la déception : le pacte d'amitié préconisé par Jacques Chirac a trébuché sur ce préalable à la perspective de tout projet d'avenir. Le partenariat «stratégique» avancé par Nicolas Sarkozy a, lui aussi, buté sur la question mémorielle. Président de la République française, François Hollande a qualifié la rafle du Vél d'Hiv d'il y a 70 ans de «crime commis en France par la France». En fera-t-il de même pour les crimes de la colonisation en Algérie ? Pour précision, dans son livre Devoirs de vérité (entretiens avec Edwy Plénel, éditions Stock, 2006), alors premier secrétaire du PS, François Hollande avait pris position sur les responsabilités de l'Etat français sur son passé colonial et ses conséquences. Certes, le président Hollande a reconnu, sans la qualifier, la répression féroce de la manifestation pacifique des Algériens de Paris et sa région du 17 Octobre 1961. D'autres gestes symboliques suivront-ils ? La reconnaissance du passé colonial et des crimes de la colonisation apaisera, enfin, les mémoires encore douloureuses, rendra justice aux victimes et mettra également fin aux instrumentalisations et calculs politiciens entretenus de part et d'autre. La France, frappée par la crise financière internationale et la récession économique, peine à redresser son économie, à sauver son industrie et ses emplois. Et l'Algérie, pour sa part, a besoin de conforter son développement économique, de diversifier son tissu industriel, de s'ouvrir aux nouvelles technologies, d'offrir des perspectives à sa jeunesse… Le pragmatisme est certes légitime, mais il ne suffit pas à construire ce grand projet auquel aspirent aussi bien les citoyens français qu'algériens. En effet, le partenariat fondé sur la seule coopération économique, aussi privilégiée soit-elle, ne saurait être à la hauteur des attentes, des aspirations et des exigences des peuples algérien et français qu'unissent tant de liens. Soit une relation bilatérale égalitaire, équilibrée, multidimensionnelle, fondée sur la considération et le respect mutuels, sur des valeurs partagées, soucieuse des droits et libertés individuelles, comme la circulation des personnes sans entrave de part et d'autre. La relation humaine, riche de par son histoire, sa composante, ses potentialités, n'est-elle pas en réalité la substance incontournable de ce partenariat tant déclaré mais rarement atteint ? Aussi sa réalisation – pour qu'il ne se limite pas à une simple et belle déclaration d'intention de plus – est déterminée par la mise à plat de tous les contentieux, de tous les litiges, et par une volonté politique portée à l'unisson. C'est ainsi qu'il scellera, enfin, la réconciliation algéro-française tant de fois différée. Le moment, pour ce faire, est peut-être venu, cinquante ans après l'indépendance de l'Algérie.