Alors qu'Al Hoceima pourrait faire vaciller le trône, des sujets de sa majesté ont opté pour une immigration clandestine massive se noyant parmi tous les damnés de la terre qui fuient les ravages des guerres civiles. La «diplomatie spectacle» ne paie pas. Le souverain marocain a beau faire des pieds et des mains pour faire vibrer la fibre nationaliste des Marocains pour leur faire oublier la dure réalité de leur quotidien, cela ne prend pas. Dossier du Sahara occidental, adhésion à l'Union africaine, campagnes mensongères orchestrées contre l'Algérie: c'est toute la large panoplie dont a disposé Mohammed VI pour tenter de redorer le blason terni de son royaume. Non seulement il n'y est pas parvenu, mais il n'a de surcroît pas réussi à occulter un événement majeur qui le secoue: la colère du Rif. La situation est explosive dans cette région rebelle qui porte en elle les séquelles des violences du régime de Hassan II. Elle se caractérise par un taux de chômage particulièrement élevé, la culture du cannabis et demeure hantée par un drame récent: la mort d'un jeune poissonnier, Mouhcine Fikri, broyé par une benne à ordures. Plus de six mois après sa disparition atroce, il ne se passe pas une semaine sans qu'il n'y ait une manifestation, parfois violente, à Al Hoceima et sa région, souligne la presse marocaine. «Pour rappel, les circonstances tragiques de la mort de Mouhcine Fikri ont poussé des dizaines de milliers de personnes à travers le Maroc à manifester dans les rues. Si la tension est retombée rapidement dans les autres villes du Maroc, elle est restée très vive à Al Hoceima.» souligne l'hebdomadaire Tel Quel. Le climat qui y règne est quasi insurrectionnel. Sur fond de revendications sociales retentissent les voix indignées de milliers de manifestants qui battent régulièrement des rues de cette ville «laissée-pour-compte» pour demander «dignité, liberté et équité sociale et économique». Même si on essaie de donner une image idyllique du royaume il est important de préciser que la vie de tous les jours est loin d'être rose pour bon nombre de Marocains. Selon l'Organisation des Nations unies pour l'alimentation et l'agriculture, près de 4 millions d'entre eux vivent avec moins de 2 dollars par jour. 1,8% de Marocains vivent avec moins de 10 dirhams (environ 1 dollar) par jour, alors que 11% de la population marocaine disposent de moins de 20 dirhams pour subsister. «Au Maroc, les plus pauvres pâtissent d'un problème au niveau de la protection sociale. Seuls 36,8% des Marocains, dont la moitié en zone rurale, bénéficient des services sociaux», souligne le rapport publié par la FAO publié en 2015. Apparemment, cela n'a guère changé. Le Rif en témoigne. Ailleurs c'est la fuite. Alors qu'Al Hoceima pourrait faire vaciller le trône, des sujets de sa majesté ont opté pour une immigration clandestine massive se «noyant» parmi tous les damnés de la terre qui fuient les ravages des guerres civiles. Le royaume est-il devenu un enfer? A en croire la presse internationale qui décrit de façon détaillée la tentative avortée du «contingent» marocain en quête d'un ciel plus clément, ça en a l'air. «Près de 500 migrants, dont 277 Marocains, entassés sur une seule embarcation, ont été interceptés par les gardes-côtes libyens le 10 mai au large de la ville de Sabratha, alors qu'ils faisaient route vers les côtes italiennes», rapporte le magazine Jeune Afrique. «493 migrants étaient sur l'embarcation qui commençait à prendre l'eau, dont 277 originaires du Maroc et des dizaines d'autres du Bangladesh. Vingt femmes et un enfant étaient aussi à bord ainsi que des migrants originaires de Tunisie, Syrie, Egypte, Soudan, Pakistan, Tchad, Mali et Nigeria», a indiqué le porte-parole de la marine libyenne Ayoub Kacem. Pour partir de chez soi dans de telles conditions, il faut croire que la vie est devenue un purgatoire.