La France saura-t-elle réhabiliter ces hommes qui se sont sacrifiés pour la libérer du nazisme? Les anciens combattants algériens, au cours de la Seconde Guerre mondiale, continuent de vivre dans le dénuement le plus total. Ces hommes, dont certains ont été décorés par le président Jacques Chirac à l'occasion du soixantenaire anniversaire du débarquement allié en Provence, se retrouvent livrés à eux-mêmes. Méprisés, droits spoliés, ils continuent de réclamer une considération à la hauteur de leurs sacrifices. Aussi symbolique soit-il, le geste du chef de l'Etat français, n'efface pas l'injustice vécue par les anciens combattants d'Afrique et du Maghreb, dont les pensions, malgré une récente revalorisation, restent bien inférieures à celles de leurs frères d'armes français. Un deux poids, deux mesures, voire une ingratitude que les anciens combattants algériens ne cessent de dénoncer. «Une discrimination indigne d'un pays qui se veut la patrie des droits de l'homme», déplore le colonel Pierre Bovy, vice-président délégué de l'Union fédérale des associations françaises d'anciens combattants, à l'occasion du soixantième anniversaire du débarquement allié en Provence. Pour illustrer le calvaire des anciens combattants les exemples ne manquent pas : le cas de Tahar Zaïm est édifiant. Le tribunal administratif de Poitiers (centre) avait ordonné le 4 mai la revalorisation de la pension avec effet rétroactif à partir du 2 août 1975 et avait donné deux mois aux autorités compétentes pour prendre «toutes les mesures» nécessaires pour compenser les 30 années d'arriérés. Malheureusement, cet ancien combattant qui a rendu l'âme il y a de cela trois mois, n'aura pas la joie de profiter de sa pension. «Il est mort dans le dénuement le plus total» a déclaré son avocat à la presse. D'après lui, M.Saïm, cet Oranais qui avait combattu dans les rangs français, pendant la Seconde Guerre mondiale, bénéficiait depuis 1975 d'une pension fixée à 76 euros par mois, contre 427 euros pour un ancien combattant français. Tahar Zaïm avait été appelé sous les drapeaux le 20 octobre 1937 et avait combattu jusqu'au 30 juin 1945. Il avait été fait prisonnier de juin 1940 à septembre 1942, et avait ensuite rejoint les Forces françaises libres. Un exemple qui relance le débat sur les conditions sociales de centaines d'anciens combattants algériens, dont la plupart ne perçoivent pas de pension, alors que d'autres font l'objet de discrimination, n'étant pas alignés sur le régime des retraites destinées aux anciens combattants français. Pourtant, dans un arrêt du 30 novembre 2001 le Conseil d'Etat a jugé que la distinction de traitement entre anciens combattants français et étrangers était une discrimination fondée sur la nationalité contraire à l'article 14 de la Convention européenne des droits de l'homme (Cedh). Il est utile de rappeler que selon une loi votée en 1959, les pensions, rentes et allocations versées par l'Etat aux anciens militaires étrangers ayant combattu dans l'armée française, sont en effet cristallisées au jour de l'indépendance de leur pays. Une mesure à laquelle s'oppose l'association des anciens combattants algériens, qui exige des autorités françaises la reconnaissance de leurs droits moraux et matériels. Surtout à «indemniser tous les anciens combattants algériens en leur accordant une pension équivalente à celle des combattants français». Un principe défendu par le chef de l'Etat, l'année dernière, après s'être recueilli au cimetière de Verdun à la mémoire des Algériens morts lors de la Seconde Guerre mondiale. L'armée d'Afrique, composée de troupes levées par la France dans l'ensemble de son empire colonial, et plus particulièrement en Afrique du Nord, comptait à l'heure du débarquement en Provence, en août 1944, 173.000 Tunisiens, Marocains, Algériens, Africains d'Afrique occidentale et équatoriale. 44.000 d'entre eux y ont laissé leur vie. A quelques encablures de la signature du traité d'amitié avec l'Algérie, la France saura-t-elle réhabiliter ces hommes qui se sont sacrifiés pour la libérer du nazisme? En tous les cas, ce ne sera que justice, puisque c'est là un autre aspect du devoir de mémoire et surtout de reconnaissance que doit la France aux anciens combattants algériens.