En raison de la mauvaise gestion, conjuguée à sa rareté, le foncier industriel demeure encore pour longtemps problématique. «Entre 25 à 30 %, soit entre 5 et 6000 hectares d'actifs résiduels sont inexploités au niveau des zones industrielles (Z.I.). Cette superficie appartient soit à l'actif attribué non exploité et celui appartenant aux entreprises publiques dissoutes soit aux entreprises mais non exploitée», a déclaré, hier, Mohamed Kirat, directeur des services d'appui à l'industrie au niveau du ministère de l'Industrie sur les ondes radiophoniques de la Chaîne III au cours de l'émission «l'invité de la rédaction». En contrepartie et face à la pénurie foncière, l'inflation du prix des terrains, les opérateurs économiques ne cessent d'invoquer ces difficultés pour justifier la faiblesse des investissements. Pourtant, lorsque, commune par commune, on inventorie les terrains disponibles, ils semblent abondants. Aujourd'hui, l'Etat reste encore le détenteur de la plus importante réserve foncière industrielle. «La surface susceptible de recevoir les investissements aujourd'hui, en Algérie, ne dépasse pas 0,5% du territoire national», notait le Cnes dans son rapport «La configuration du foncier en Algérie: une contrainte au développement» présenté lors de la 24e session. L'institution présidée par Mohamed-Salah Mentouri regrettait alors l'absence d'une vision claire en matière d'aménagement du territoire avec pour conséquence «une anarchie dans le processus de localisation des projets». Un nombre considérable de terrains se trouvent actuellement «otages d'un système procédural archaïque et d'une bureaucratie avérée». «Le marché foncier, est-il noté, est mal connu en Algérie avec des prix de cession du domaine public qui procèdent le plus souvent des mesures accommodantes et des transactions privées qui gardent un caractère confidentiel.» Ce à quoi a répliqué récemment l'ancien ministres des Finances, Abdelatif Benachenhou, lors de la 3e rencontre algéro-française des chefs d'entreprise, qu'il n'y a pas , en réalité, de problème de «disponibilité de foncier industriel en Algérie mais plutôt une mainmise d'entreprises publiques et privées sur le foncier». D'ailleurs, l'article 85 de la loi de finances 2005 exige «la récupération par l'Etat des terrains occupés par les entreprises et non objectivement nécessaires à leurs activités». Apostrophé sur la superficie des terrains détournés, le représentant du ministère de l'Industrie est resté évasif. «Vous ne trouverez pas quelqu'un en Algérie capable de vous donner le moindre chiffre exact», a répliqué M.Kirat. Pourtant il suffit parfois d'un simple contrôle sur le terrain pour avoir une idée précise. A la question de savoir quelles sont les mesures prises par l'Etat pour éviter ce genre de détournement et de dilapidation du foncier, l'invité de la Radio nationale rétorque «nous sommes dans une conjoncture particulière et propice à toutes sortes de transactions. La nouvelle organisation portant création des Sociétés de gestion et de participation a gelé l'ancien système des Calpi. La nouvelle organisation n'étant pas mise en oeuvre, ce qui engendre un flottement (un vide juridique) propice à ce genre de situation». Ainsi, dans le cadre de la relance économique, il apparaît qu'il ne peut y avoir une économie productive sans qu'il y ait des mesures concrètes devant assainir l'environnement de l'entreprise. Le foncier industriel demeure le point d'achoppement. Pour prendre en charge ce problème, des Sociétés de gestion et des participations (SGP) ont été mises sur place le 23 juillet 2003. Leurs missions sont , entre autres, de gérer les espaces industriels, c'est-à-dire les Z.I. et de réguler l'accès au foncier industriel. Néanmoins, deux ans après, rien de concret n'a été fait. Sur le pourquoi de cet état de fait et comment résoudre le problème de sa prise en charge sérieuse, M.Kirat avoue: «Je n'ai pas besoin de rappeler que la question des zones industrielles (Z.I.) est une question très importante mais épineuse et très compliquée en même temps. De ce fait, on ne peut régler du jour au lendemain des problèmes nés ou qui prévalaient depuis trois décennies. Le problème, actuellement, réside dans l'accès au foncier industriel. Ce patrimoine, non renouvelable qu'est le terrain, fait l'objet d'une réglementation et de textes d'application. Les terrains appartiennent à des entités différentes, notamment les Domaines, le privé et les SPA. Donc, le transfert n'a pas encore eu lieu de ces entités vers les SGP. Ce qui fait qu'actuellement les SGP n'ont pas pu et ne peuvent encore attribuer le moindre mètre carré.» Mais devant la nécessité d'encourager l'investissement, une solution urgente est exigée dans les plus brefs délais. Pour répondre à une demande toujours croissante, M.Kirat préconise pour l'heure «l'exploitation des actifs résiduels, soit les lots de terrains appartenant aux entreprises publiques dissoutes depuis des années». Sur ce point, il révèle qu'un projet de circulaire est en élaboration, qui précisera les modalités devant permettre aux SGP de disposer de ces actifs résiduels. Ce projet devrait être soumis incessamment au gouvernement. «Nous attendons sa promulgation», précise l'intervenant. Pourtant, le chef du gouvernement, Ahmed Ouyahia, a réitéré la «volonté de l'Etat à assainir ces zones industrielles et à rétablir la force de la loi dans tous les secteurs». En attendant, le problème de l'exploitation des ces actifs demeure d'actualité. Sur ce, Mohamed Kirat souligne : «La priorité est de récupérer ces actifs pour les mettre à la disposition des SGP qui, à leur tour, vont les gérer à travers une concession. Il n' y aura plus de cession.» Ainsi, seront évitées les erreurs du passé et les détournements. «Quand on donne un acte à un investisseur même s'il y a un cahier des charges à respecter et un contrôle, il a la latitude de détourner ce terrain», reconnaît M.Kirat devant l'absence d'une réglementation adéquate. Pourtant, des mesures ont été prises dans ce sens depuis deux ans mais ne sont toujours pas effectives. «On attend toujours les textes d'application. Ces derniers tardent à voir le jour. Pourtant, l'ordonnance de 2001 prévoit la disposition par l'Agence nationale de développement et d'investissement (Andi) des actifs résiduels et repris par la loi de finances 2005 dans son article 85», se désole M.Kirat. Or, chacun sait que les lois ne peuvent être effectives qu'à travers les textes d'application qui, normalement, devraient être préparés simultanément. Au lieu de cela, on repousse sans cesse les délais sans se rendre compte des dégâts que cela peut occasionner. Et dans le cas où les résolutions prises ne sont pas suivies d'une application stricte sur le terrain, toutes ces mesures resteront un simple habillage. Mais apparemment, l'Etat est plus que décidé à mettre un frein à cette dilapidation et donner un nouvel essor à l'investissement. Sur ce chapitre, M.Kirat dévoile la création, prochainement, de trois villes industrielles dont l'une d'elles sera installée à Bellara dans la wilaya de Jijel, sur le site même de ce qui devait servir à la zone franche. Ces villes industrielles seront accompagnées de toutes les commodités, telles que les banques, les assurances, etc.