Drame quotidien des migrants dont la Méditerranée est devenue le tombeau de milliers d'entre eux Sept pays parmi les plus riches du monde réunis en Sicile, l'île où s'échouent quotidiennement des centaines de migrants: le symbole est criant. Mais l'Afrique restera reléguée à quelques paragraphes dans le communiqué final du G7. Pendant que les grands de la planète discutent dans le cadre somptueux de Taormina, les migrants continuent à traverser la Méditerranée. Plus de 1 500 d'entre eux ont ainsi été secourus pour la seule journée de vendredi. Et, sommet du G7 oblige, les débarquements ont été interdits cette semaine en Sicile. «Jamais un G7 ne s'est tenu aussi proche de l'Afrique, mais jamais l'Afrique n'a été aussi loin des préoccupations du G7», se désole Friederike Röder, responsable de l'ONG One, qui suit les réunions des sept grands (Etats-Unis, Grande-Bretagne, France, Italie, Allemagne, Japon et Canada) depuis des années. Et pourtant, l'Italie, pays hôte du sommet, a fait de l'Afrique une de ses priorités et avait choisi à dessein la Sicile, «au coeur de la Méditerranée» et «pont entre l'Europe et l'Afrique», selon les mots du président du Conseil Paolo Gentiloni. En première ligne face à la crise migratoire, l'Italie, qui a vu débarquer plus de 50.000 personnes sur ses côtes depuis le début de l'année, comptait faire adopter une déclaration ambitieuse par le G7 de Taormina, et poser les prémisses d'une vision à long terme des rapports avec l'Afrique. Selon des sources diplomatiques italiennes, une déclaration séparée sur l'Afrique et la «mobilité humaine», une façon positive d'envisager les migrations, était en projet. «Les Américains ont tué le projet et ont fait savoir fin avril qu'ils refusaient toute déclaration séparée», selon Friederike Röder, déplorant que la vision sécuritaire constitue l'alpha et l'omega de la relation avec l'Afrique. «Nous devons être durs et vigilants» sur l'immigration, a lancé cette semaine le président américain Donald Trump en tournée européenne, liant une nouvelle fois immigration et terrorisme: «des milliers et des milliers de personnes se répandent dans nos différents pays et se dispersent, et dans de nombreux cas, nous ne savons pas qui ils sont», a-t-il déclaré à Bruxelles. «Le problème n'est pas tant Trump que les autres pays, qui n'ont rien fait pour sauver le projet italien et qui se laissent faire», déplore la responsable de One. Résultat, la question des migrations et de l'Afrique en général devrait faire l'objet d'un ou deux paragraphes dans le communiqué final du G7, selon des sources italiennes. Pourtant, cinq chefs d'Etat et de gouvernement africains étaient invités à Taormina. Le Niger, l'Ethiopie, le Kenya, la Tunisie et le Nigeria -d'où vient le plus gros contingent de migrants en Italie- ont participé hier matin à une réunion avec les membres du G7. L'occasion pour le président nigérien Mahamadou Issoufou de rappeler que les flux migratoires résultaient de «la combinaison du terrorisme, de la pauvreté, des effets du changement climatique, et de la pression démographique». Et d'appeler ses pairs occidentaux à envisager une approche globale mêlant «des mesures sécuritaires, et des mesures en matière de développement économique et social». «Le Niger est bien placé pour comprendre les enjeux liés au terrorisme et au réchauffement climatique. Ce sont des questions que nous vivons au quotidien», insiste une source de l'entourage du président Issoufou. «Nous attendons plus de solidarité sur les questions essentielles, il faut trouver une solution en Libye, il faut des engagements précis en matière alimentaire, et il faut que les Européens convainquent le président Trump de rester dans l'accord de Paris» sur le climat, selon cette source. Rencontrant M. Issoufou en bilatérale vendredi, le chef d'Etat français Emmanuel Macron, qui a fait de la lutte contre le terrorisme une de ses priorités à l'international, a toutefois promis «une politique exigeante en matière d'aide publique au développement» afin «d'installer durablement la paix et la stabilité démocratique et économique» en Afrique. Mais les engagements pris en 2015 lors d'un précédent G7 en Allemagne restent à tenir. Les pays riches avaient alors promis d'allouer 0,7% de la richesse nationale à l'aide publique au développement, et s'étaient engagés à oeuvrer pour sortir 500 millions de personnes de la faim et de la malnutrition d'ici à 2030.