Donald Trump a bousculé jeudi ses partenaires de l'Otan en réclamant qu'ils paient leur écot, sans leur donner les gages espérés sur l'engagement américain à défendre l'Europe. Le président américain a tancé ses pairs lors d'une cérémonie au nouveau QG de l'Alliance à Bruxelles, affirmant qu'ils devaient«d'énormes sommes d'argent» en raison du déséquilibre entre les budgets militaires des Etats-Unis et des pays d'Europe. M.Trump s'est bien gardé de prononcer les mots rassurants que tout le monde attendait: un soutien explicite à l'«article 5» de l'Otan, qui prévoit que les Alliés volent au secours d'un des leurs en cas d'agression extérieure. En près de 70 ans, il est le premier président des Etats-Unis à refuser d'expliciter un tel engagement, inscrit dans le traité de Washington, soulignait Thomas Wright, chercheur à la Brookings Institution. «Ceci constitue un énorme choc pour les membres de l'Otan», a-t-il estimé sur Twitter. Le président russe Vladimir Poutine, avec lequel l'Otan entretient des relations glaciales mais que M.Trump admire, «sera ravi», selon le chercheur. Le secrétaire général de l'Otan, Jens Stoltenberg, s'est voulu rassurant à l'issue du sommet, tandis que M.Trump gagnait la Sicile pour une réunion du G7 à Taormina. «Il n'a pas mâché ses mots», a admis M.Stoltenberg mais«il a clairement exprimé son soutien à l'Otan», se félicitant que l'administration Trump propose d'augmenter de 40% les budgets alloués aux déploiements de soldats américains en Europe en 2018. La cérémonie, durant laquelle le président américain a dévoilé un débris du World Trade Center, était l'occasion idéale pour que M.Trump s'engage publiquement en faveur de cette clause de défense collective puisque après les attentats du 11 septembre 2001 les Etats-Unis ont justement invoqué l'article 5. Les diplomates à l'Otan tenaient pour acquis qu'il saisirait cette occasion. Mais l'imprévisible locataire de la Maison Blanche, qui a longtemps jugé l'Otan «obsolète», a préféré réitérer ses exigences financières à l'égard de ses Alliés. Il les a exhortés à «éradiquer le terrorisme», après avoir demandé une minute de silence pour les victimes de l'attentat jihadiste de Manchester. «L'Otan du futur doit se concentrer sur le terrorisme et l'immigration, ainsi que sur les menaces de la Russie et les frontières à l'est et au sud de l'Otan», a insisté M. Trump. «Nous devons êtres durs» et «vigilants» sur l'immigration, a martelé M. Trump, qui avait durement critiqué la chancelière allemande Angela Merkel pour avoir ouvert les bras aux réfugiés. «Des milliers et des milliers de personnes se répandent dans nos différents pays et se dispersent, et dans de nombreux cas, nous ne savons pas qui ils sont». «Les membres de l'Otan doivent enfin contribuer équitablement et remplir leurs obligations financières. C'est injuste pour les contribuables» américains, a-t-il reproché, soulignant que 23 des 28 pays membres ne payaient «toujours pas ce qu'ils devraient». M.Trump visait les pays de l'Otan dont le budget militaire n'atteint pas 2% du PIB, cap fixé pour 2024. Le magnat de l'immobilier n'a pas résisté à lancer une pique sur le coût du nouveau siège (1,1 milliard d'euros): «Je n'ai jamais demandé combien cela avait coûté», a-t-il plaisanté. Pour l'accommoder, les Européens ont accepté jeudi que l'Otan devienne membre à part entière de la coalition internationale contre l'EI en Irak et en Syrie, ce que Washington réclamait depuis plus d'un an. Des pays comme la France, l'Allemagne ou l'Italie étaient jusqu'ici réticents, craignant que cela détériore encore davantage l'image de l'Otan dans le monde arabe, même si tous les Alliés participent à titre individuel à cette coalition. Que ce soit sur la Russie, avec laquelle les relations de l'Otan et de l'UE sont glaciales depuis le début de la crise ukrainienne, sur le réchauffement climatique ou le libre-échange, difficile de trouver une «position commune», a reconnu le président du Conseil européen, Donald Tusk. Et la Première ministre britannique, Theresa May, n'a pu cacher son agacement devant des fuites, dans la presse américaine, d'informations cruciales dans l'enquête sur l'attentat de Manchester. Elle a profité du sommet de l'Otan pour signifier à M.Trump «que l'information que nous partageons doit rester confidentielle».