Quelque 1 300 Français, entre entrepreneurs, artisans et même des artistes, ont opté pour le paradis fiscal maltais fuyant ainsi les impôts et les lourdeurs français, rapporte hier Médiapart. «En parcourant la liste, nous avons été frappés par la diversité des profils. On y trouve une majorité de patrons de PME, dans tous les secteurs ou presque: informatique, finance, immobilier, vin, agriculture, cosmétiques, vente, pêche, aéronautique, textile, recyclage, restauration», précise le journal électronique suite à une enquête qu'il a menée, ajoutant que des travailleurs indépendants de toutes sortes (consultants, petits commerçants, médecins, graphiste, enseignants, un professeur de musique...) ont été tentés par ce paradis. Le listing confidentiel issu des Malta Files, analysé par Mediapart et ses partenaires de l'European Investigative Collaborations (EIC), un consortium de 13 médias, montre qu'au moins 1 291 Français sont impliqués dans des sociétés immatriculées à Malte, dont parmi eux des célébrités et des grands patrons. Nombre de concernés, sous couvert de l'anonymat, ont confié au journal qu'il est facile d'optimiser sa fiscalité, voire de frauder, même sans être expert en montages offshore, exprimant le ras-le-bol de nombreux petits patrons contre les impôts et les charges, mais aussi les réglementations françaises. Il cite, entre autres, le cas d'une entrepreneure en colère qui a un site marchand qu'elle détient via une société maltaise. «Je l'ai fait pour lutter contre la concurrence déloyale», a-t-elle expliqué, soulignant qu'«on a ouvert les frontières et des sites étrangers proposent des articles expédiés d'Asie à des tarifs dérisoires et sans frais de port, tandis que nous on paye 60% de charges. Le système français nous empêche de travailler». Il explique que la majorité des Français vont à Malte pour son système de remboursement de l'impôt sur les sociétés (IS) détenues par des étrangers (un taux environ de 5%, contre 33,3% en France), en plus du fait que Malte fait partie de l'Union européenne. Médiapart a estimé que l'impunité pourrait bientôt toucher à sa fin, dans la mesure, explique-t-il, le listing de Malta Files est tombé entre les mains des institutions étatiques d'un certain nombre de pays de l'UE qui se partagent les données. Des estimations font état que la France perd par an entre 60 à 80 milliards d'euros, du fait de l'évasion fiscale. En 2012, un rapport du Sénat avait indiqué que l'effet de l'évasion fiscale sur les finances publiques en France représenterait un manque à gagner annuel de 30 à 36 milliards d'euros. La Commission européenne indique un chiffre de 1000 milliards d'euros pour les 28 Etats de l'UE, avant la sortie du Royaume-Uni, et les pays de l'Ocde entre 100 à 240 milliards d'euros. Le nouveau président français, Emmanuel Macron, a promis d'examiner avec ses partenaires européens pour un renforcement des règles contre les paradis fiscaux. «On ne peut plus avoir un système où les accommodements, les arrangements avec la fiscalité ne sont pas les mêmes selon qu'on est petit ou grand», avait-il déclaré aux médias durant sa campagne électorale.