Le grand challenge du Premier ministre, c'est de convaincre les députés Le nouveau Premier ministre se doit d'user du préjugé positif dont il dispose pour briser les tabous et transmettre la mystique du travail, dont il a toujours fait une devise. Le staff gouvernemental planche actuellement sur le Plan d'action que le Premier ministre présentera devant l'Assemblée populaire nationale, le 18 juin prochain. L'exercice n'est pas facile, sachant l'impérieuse nécessité de réaliser des arbitrages douloureux. En effet, le nouvel Exécutif entame sa mission dans les pires conditions qui soient. La principale ressource en devise du pays fond comme neige au soleil. A quelques jours du grand oral du Premier ministre, le pétrole affiche une triste mine, puisqu'il s'est échangé hier à moins de 48 dollars le baril. Ce chiffre à lui seul donne la mesure des défis qui attendent l'équipe de Tebboune dans l'ensemble de ses départements. Le Premier ministre connaît sa feuille de route. Il en a tracé les grandes lignes à sa nomination à la tête de l'Exécutif. La santé, l'Education nationale et le logement auront donc la part du lion dans le déploiement du gouvernement sur le terrain. Il faut dire qu'en fixant ces priorités, Abdelmadjid Tebboune ne s'est pas trompé. Ces trois secteurs réunis toucheront la quasi-totalité de la société algérienne. Même si les temps sont durs et que les finances vont sérieusement manquer, le gouvernement semble insister sur les fondamentaux qui donnent aux Etats de se sortir de toutes les crises: la ressource humaine. En fait, Abdelmadjid Tebboune entend investir d'abord dans les Algériens. C'est un investissement à long terme, mais que le Premier ministre veut engager maintenant, parce qu'au final, le retour sur investissement aura un effet dopant sur la nation avec un grand «N». Le Premier ministre ne part pas sur du néant. Les gouvernements précédents qui appliquaient le même programme, celui du président de la République, ont réussi d'importantes avancées sur les chantiers de l'école, de la santé et du logement. Ainsi, la préoccupation de garantir un enseignement de qualité aux Algériennes et Algériens demeure une «nécessité» qui ne souffrira pas du déficit financier. Il faut dire qu'en la matière les efforts fournis pour faire accéder l'Algérie au rang de pays au système éducatif performant sont colossaux et se poursuivront avec le nouveau gouvernement. De même pour le secteur de la santé, où les Algériens ont certainement constaté par eux-mêmes la nette évolution de la situation à travers la réalisation de dizaines de nouvelles structures, dont nombre d'entre elles ont soulagé quelque peu les malades du cancer. En sus de la baisse à plus de 80% des prises en charge médicales à l'étranger, le plan anticancer, de plus d'un milliard de dollars, illustre à lui seul, l'investissement de l'Etat dans ce secteur. Avec Tebboune cela se poursuivra. Pour l'habitat, les citoyens sont témoins de la formidable dynamique qui a amené l'Algérie à s'imposer comme le seul pays au monde à offrir des logements aux couches les plus démunies. Les millions de logements réalisés en l'espace de quelques années, font certainement partie de l'investissement que l'Etat a engagé et est déterminé à le mener à terme, dans le Plan d'action du gouvernement. En affirmant ses priorités, Tebboune doit savoir que les objectif fixés sont réalisables, lui qui vient d'un secteur qu'on disait structurellement incapable d'aborder la crise du logement. En homme de terrain averti et efficace, il a réussi la gageure, non seulement, d'ouvrir le chantier du siècle, mais d'intégrer presque à 100% le processus de production du logement en Algérie. Sitôt installé à la tête de l'Habitat en 2013, il a annoncé son intention d'en finir avec les importations des matériaux de construction. Certains cadres ont ricané dans son dos, mais sont aujourd'hui obligés de reconnaître que Tebboune a relevé le défi en un temps record. Ce qui est possible dans l'Habitat, l'est également dans l'agroalimentaire, le médicament et autres. Le Premier ministre qui a en horreur les importations de produits superflus, mettra certainement le turbo pour remporter la course contre le temps et pour la diversification effective de l'économie nationale. Ayant occupé le poste de ministre du Commerce par intérim, Abdelmadjid Tebboune s'est rapproché des exportateurs et leur a clairement signifié sa préférence. D'où la grande bataille qui sera menée sur le front de l'import/export. Cela passe par le soutien tous azimuts à la production nationale, notamment l'agriculture, appelée à connaître un essor très important, à travers les cultures intensives déjà mises en oeuvre dans le sud du pays. Mais pour dynamique que puisse être la production nationale, et partant, le secteur du commerce extérieur dans le sens de l'exportation, il est entendu que la balance commerciale ne sera certainement pas équilibrée à plus ou moins moyenne échéance. Aussi, le Plan d'action du gouvernement comportera des mesures impopulaires. Les Algériens paieront sans doute plus cher quelques produits et services. Le grand challenge de Tebboune sera de convaincre la société de sa stratégie d'investissement à long terme, à savoir réserver les fonds pour les secteurs stratégiques afin de maintenir les grands équilibres sociaux et sociétaux et rogner sur la qualité de vie pour certains aspects. La question qui se pose sera celle de savoir si les Algériens, pour qui Tebboune est très crédible, accepteront quelques sacrifices pour donner toutes ses chances au pays. En tout cas, le nouveau Premier ministre se doit d'user du préjugé positif dont il dispose auprès de l'opinion pour se distinguer de ses prédécesseurs, en brisant les tabous des subventions tous azimuts, affirmer l'autorité de l'Etat et transmettre la mystique du travail, dont il a toujours fait une devise.