Le ministre français de l'Europe et des Affaires étrangères Emmanuel Macron a le double et précieux avantage de ne pas avoir de cadavres dans son placard et encore moins de néocolonialistes dans sa cave. Le ministre français de l'Europe et des Affaires étrangères est arrivé hier à Alger, pour une visite de 24 heures. Ce déplacement, qui entre dans le cadre «de la tradition de concertation régulière entre les deux pays liés par des relations fortes et diversifiées», comme le souligne un communiqué du ministère algérien des Affaires étrangères, vient conforter des relations appelées à connaître un bond en avant «historique». Considéré, à juste titre, comme l'un des amis de l'Algérie, Hollandiste convaincu, Jean-Yves Le Drian constitue la meilleure «garantie» d'une véritable embellie du partenariat entre Alger et Paris, en raison du préjugé positif dont il bénéficie auprès des autorités algériennes. Le ministre français de l'Europe et des Affaires étrangères épouse totalement l'approche qu'a le président Macron de ce que devront être les relations algéro-françaises dans le futur. Si les aspects économiques et sécuritaires demeurent des priorités dans l'agenda du ministre français, il reste que l'homme est précédé à Alger par un flot d'informations sur la «révolution» tranquille qui se déroule en France, apportant le souffle nouveau qui manquait dans le discours des décideurs de ce pays pour ce qui concerne l'Algérie. Souvent parasités par des contradictions au sein des différentes majorités qui ont eu à gouverner l'Hexagone, les propos parfois «courageux» des officiels sur la question de la mémoire, ont été vidés de leur substance par une faune de nostalgiques de l'Algérie française, tapis dans l'ombre de toutes les familles politiques. La «révolution» dont il est question en France a justement une application très intéressante sur le sujet de la mémoire. Emmanuel Macron avait, souvenons-nous, clairement reconnu le caractère de crime contre l'humanité des exactions commises par l'Etat français en Algérie. Le même responsable politique, aujourd'hui président de la République française, a le double et précieux avantage de ne pas avoir de cadavres dans son placard et encore moins de néocolonialistes dans sa cave. Le mouvement qu'il a créé, la République en marche, ne souffre d'aucune influence nostalgique, ce qui ouvre des perspectives fort intéressantes, dans le cadre d'un rapprochement sincère entre l'Algérie et la France. Le passé colonial de la France pourra enfin être soldé, sans que l'on ait à voir «un ancien ministre faire le bras d'honneur à la télévision, à la seule évocation de l'Algérie». Un spectacle peu glorieux, dont, l'ancien ministre français de la Défense, Gérard Longuet, en a été l'acteur en direct sur une chaîne française. Jean-Yves Le Drian est venu donc, précédé par cette vague «macronienne» qui autorise les uns et les autres, parmi les délégations françaises et algériennes, à envisager dès aujourd'hui, une nouvelle ère dans les relations entre l'Algérie et la France. Le ministre français abordera certainement la question du Sahel, qui constitue l'une des priorités de la Présidence française. Les deux parties ne sont pas obligées d'être totalement en phase et c'est pour régler ce genre de différends que la diplomatie a été inventée. Les questions économiques, politiques et le partenariat bilatéral sous toutes ses formes sera également au menu. La situation délicate que traverse l'Algérie et l'intérêt qu'a la France à faire émerger un véritable axe Alger-Paris, les deux Etats ne peuvent pas se permettre l'économie d'un débat sérieux et profond sur les questions de la mémoire. Pour nombre d'observateurs des relations algéro-françaises, la «révolution» de Emmanuel Macron n'aura de finalité véritablement historique que lorsque la France et l'Algérie parviendront ensemble à tourner la page de leur différend mémoriel. Cela passe par une visite officielle, programmée dans les semaines prochaines, du président de la République française en Algérie, où des propos sincères et forts seront dits sur le passé commun. L'avantage qu'a Macron est qu'il ne sera pas «poignardé» dans le dos, par un élu revanchard, comme l'a été Jacques Chirac avec la loi sur les bienfaits de la colonisation, ou encore François Hollande «trahi» par un Premier ministre aux attitudes «enfantines». La visite de Jean-Yves Le Drian a ceci d'important est qu'elle prépare celle de Emmanuel Macron et constitue, de ce fait, le «préambule» d'une nouvelle page prometteuse dans les relations algéro-françaises.