L'état d'urgence, en vigueur en Tunisie depuis un an et demi à la suite d'une série d'attentats jihadistes sanglants, a été prolongé de quatre mois, a annoncé hier la présidence. «Après avoir consulté le chef du gouvernement et le président de l'Assemblée des représentants du peuple, le président de la République Béji Caïd Essebsi a décidé mercredi de prolonger l'état d'urgence de quatre mois à compter de jeudi 15 juin», a indiqué la présidence dans un communiqué sur Facebook. L'état d'urgence octroie des pouvoirs d'exception aux forces de l'ordre. Il permet l'interdiction des grèves et des réunions «de nature à provoquer (...) le désordre» ou encore l'adoption de mesures «pour assurer le contrôle de la presse». Il permet aussi au ministre de l'Intérieur de «prononcer l'assignation à résidence (...) de toute personne (...) dont l'activité s'avère dangereuse pour la sécurité et l'ordre publics». Cette mesure d'exception a récemment été utilisée par le gouvernement pour lancer un coup de filet anticorruption, en plaçant en résidence surveillée dix hommes d'affaires et contrebandiers présumés. Le gouvernement a affirmé qu'il ne s'agissait pas d'une simple «campagne mais d'une politique d'Etat» contre la corruption, en assurant que l'utilisation de l'état d'urgence resterait «circonstancielle». Selon une source à la présidence ayant requis l'anonymat, l'état d'urgence a été prolongé «essentiellement en lien avec la situation aux frontières et le terrorisme» mais aussi, dans une moindre mesure, «en liaison» avec cette «guerre anticorruption». Au vu des attentats ayant récemment frappé ailleurs, notamment en Grande-Bretagne, «il vaut mieux être vigilant», a ajouté cette source. L'état d'urgence est en vigueur en Tunisie depuis un attentat contre la garde présidentielle le 24 novembre 2015 en plein Tunis. Douze agents avaient été tués dans cette attaque revendiquée par le groupe Etat islamique (EI). Deux autres attaques majeures revendiquées par l'EI avaient eu lieu en mars et juin 2015, respectivement à Tunis et à Sousse (est). Soixante personnes, dont 59 touristes étrangers, avaient été tuées. Les autorités affirment avoir fait «des pas très importants dans la guerre contre le terrorisme» mais appellent toujours à la vigilance, et des démantèlements de cellules jihadistes sont régulièrement annoncés. La dernière attaque de grande ampleur remonte à mars 2016, lorsque des jihadistes avaient lancé des opérations coordonnées contre des installations sécuritaires de Ben Guerdane, près de la frontière avec la Libye. Lundi, un militaire tunisien est mort après avoir été blessé dans l'explosion d'une mine sur le Mont Ouergha, à proximité de la frontière algérienne. Ces engins sont le plus souvent posés par des groupes jihadistes. Au début du mois, le frère d'un berger dont la décapitation par des jihadistes avait suscité l'émoi en 2015 a à son tour été enlevé et tué par un «groupe terroriste» dans la région du Mont Mghilla (centre-ouest), ont indiqué les autorités.