Des bureaux de vote où les électeurs ne se sont pas bousculés Une transformation en profondeur du paysage parlementaire va naître de l'irruption d'un nombre conséquent de novices en politique, REM ayant retenu pour moitié de ses candidats des hommes et des femmes de la société civile qui n'ont jamais exercé la moindre fonction d'élu. C'est au rythme des vieux manèges que le second tour des législatives s'est déroulé hier en France où les pronostics étaient unanimes à anticiper une victoire écrasante du mouvement la République en marche du président Emmanuel Macron, crédité par les sondages de 400 à 470 députés sur les 577 que comprend l'Assemblée. Autant dire que le vote a eu lieu sans le moindre suspense, si ce n'est le sort de quelques caciques porteurs des couleurs des partis traditionnels, pourtant laminés dès le premier tour. Ainsi, les Républicains et leurs alliés centristes de droite n'escomptaient qu'entre 60 et 120 sièges contre 200 dans la précédente assemblée, tandis que le Parti socialiste, très largement majoritaire durant le septennat Hollande, doit vivre un terrible effondrement qui ébranle jusqu'à son devenir. La seule interrogation qui a présidé à ce deuxième tour concernait l'ampleur de la victoire du parti présidentiel la République en Marche (REM) qui, balayant tout sur son passage telle une vague Macron, était assuré d'avoir la plus importante majorité de la Ve République, née en 1958. Mais ce triomphe annoncé a quelque peu refroidi l'enthousiasme de la moitié des électeurs qui ont boudé les urnes, surtout que les «convocations» ont été nombreuses depuis les primaires de la droite et du Parti socialiste. En se référant aux pourcentages de la mi-journée d'hier où 17,75% des inscrits avaient voté contre 21,4% en 2012, on peut penser que l'abstention va encore atteindre un niveau «historique», franchissant la barre des 51,29%. Lors du premier tour, REM avait déjà raflé 32,3% des suffrages exprimés, balayant du même coup les partis traditionnels de gauche comme de droite qui «régnaient» sur la vie politique du pays depuis cinq décennies. Ce qui étaye la confirmation d'une certaine lassitude, d'une part, et la conviction que la victoire sans partage du mouvement REM ne fait pas l'ombre d'un doute, d'autre part. Comme pour le 11 juin dernier et lors des scrutins de l'élection présidentielle, les bureaux ont été ouverts dès 6 heures du matin pour ne fermer qu'à 19 heures dans et 20 heures dans les grandes villes. S'il y a un Français heureux en ces circonstances, ce ne peut être qu'Emmanuel Macron, inconnu voici deux ans à peine, élu chef de l'Etat à 39 ans face à des dinosaures de la politique et promu le plus jeune président que la France a jamais connu. Un exploit peu banal qui lui assure, en outre, les coudées franches pour entamer ses réformes socio-libérales dont l'ambition est tout à la fois de moraliser la vie politique, réformer le droit du travail et muscler davantage l'arsenal de lutte contre le terrorisme. La rançon du scénario est que la France va baigner pendant cinq ans dans une atmosphère monochrome, plombée par les votes sans surprise aucune d'une assemblée acquise au gouvernement en place. De là à justifier les craintes exprimées, ici et là, par bon nombre de responsables et d'élus, il n'y a qu'un pas égal à leur désappointement. La meilleure illustration de cet état d'âme a été formulée dans le Parisien-Aujourd'hui par un député sortant du PS, Alexis Bachelay, battu au premier tour. «Il suffit de mettre la tête de Macron (en devanture) et n'importe quel mulot fait 40%!» a-t-il tonné dans sa circonscription, où le candidat REM faisait cavalier seul. Quant à l'extrême droite et à la gauche radicale, les résultats risquent forts de se traduire par une surprenante revue à la baisse des prétentions initiales. Des sondages donnent Marine Le Pen victorieuse à Hénin-Beaumont, son fief depuis plusieurs années, mais soulignent qu'elle pourrait être l'unique député de son courant en perte de flux. Restent la France insoumise de Jean-Luc Mélenchon et le Parti communiste qui gardent l'espoir ténu d'obtenir un nombre de députés suffisant (15) pour constituer un groupe parlementaire. La question de savoir combien des 222 députés sortants ont été reconduits dans ce second tour a son importance car elle permettra de situer la dimension exacte du renouvellement d'une Assemblée dont on sait déjà qu'elle sera fortement féminisée puisque 40% de candidates ont le vent en poupe pour émerger dans les urnes. Une transformation en profondeur du paysage parlementaire va naître de l'irruption d'un nombre conséquent de novices en politique, REM ayant retenu pour moitié de ses candidats des hommes et des femmes de la société civile qui n'ont jamais exercé la moindre fonction d'élu. C'est donc bel et bien la fin d'un système qui aura prévalu plus de soixante ans et l'avènement d'un paysage politique nouveau, jamais vu depuis 1958.